Démographie : la déshérence de l’exercice libéral se poursuit

Au vu des chiffres de l’Atlas de la démographie médicale 2018 que vient de publier l’Ordre, il semble que les mesures incitatives à l’installation en libéral des jeunes médecins sont inefficaces.

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) vient de publier l’Atlas 2018 de la démographie médicale. Sans surprise, le premier constat qui s’impose est une baisse continue du nombre de médecins en activité régulière, alors même que le nombre de médecins inscrits au tableau ordinal augmente. Au 1er janvier 2018, on en compte 217 107, soit une hausse de 2 %  par rapport à 2017. Mais dans le même temps, le nombre de médecins en activité régulière accuse une légère baisse (- 0,1 %), à 198 081.

Depuis 2010, le nombre de médecins en activité régulière a baissé de 10 % et cette tendance concerne en premier lieu les médecins généralistes, qui étaient 94 261 en 2010 et qui ne sont plus que 87 801 en 2018, soit une baisse de 7,3 % en 8 ans. Sur la même période, les spécialistes médicaux ont augmenté de 3 % et les spécialistes chirurgicaux de 8 %.

Entre 2017 et 2018, alors que le nombre de médecins généralistes a baissé de 0,4 %, celui des spécialistes médicaux a enregistré une hausse de 0,4 % et celui des spécialistes chirurgicaux s’est accru de 0,8 %.

La tendance salariée se confirme
Sans surprise non plus, la tendance à opter pour l’activité salariée se confirme : 47 % des médecins la choisissent aujourd’hui, contre 42 % en 2010. Et de façon inversement proportionnelle, le taux des médecins exerçant en libéral est passé de 47 % en 2010 à 42 % en 2018. L’exercice mixte lui, reste stable (11 %). Concernant plus particulièrement les spécialistes en cardiologie et maladies cardiovasculaires, ils sont 41 % à exercer en libéral, 33 % à avoir une activité salariée et 26 % un exercice mixte.

Chez les primo-inscrits au tableau de l’Ordre, le choix de l’exercice salarié est un véritable plébiscite : 83 % d’entre eux prennent cette option tandis que 16 % seulement font le choix de l’activité libérale. Le dernier Atlas ordinal montre cependant une légère inflexion sur les huit dernières années : en 2010, 88 % des primo-inscrits faisaient le choix du salariat et 11 % celui du libéral. 

Une insuffisance de renouvellement de génération
La situation de la démographie médicale met également en évidence l’insuffisance du renouvellement générationnel, alors que les étudiants admis en faculté après le relèvement du numerus clausus – surtout à partir de 2005-2006 – commencent seulement à rentrer en exercice plein. Ainsi, l’ « index de renouvellement générationnel », c’est-à-dire le rapport des médecins de moins de 40 ans sur les médecins de 60 ans et plus, se situe à 0,85 pour les médecins généralistes et à 0,95 pour les spécialistes chirurgicaux, soit un renouvellement insuffisant. Seules les spécialités médicales connaissent un renouvellement réel, avec un indice de 1,21.

Autant de chiffres qui expliquent le nombre encore insuffisant de jeunes médecins sur le territoire, d’autant plus que les données de l’Ordre révèlent un accroissement des inégalités territoriales entre les départements les mieux lotis en terme de densité médicale (décile 10) et les départements les plus défavorisés de ce point de vue (décile 1). Et ce phénomène est aggravé du fait que les départements les plus mal lotis connaissent une dégradation plus rapide de leur densité médicale.

A titre d’exemple, si la densité des spécialistes médicaux a augmenté de 2,7 % dans le décile 10, elle a chuté de 2,5 % dans le décile 1. « Cela tend à démontrer l’absence d’effets des mesures incitatives mises en œuvre jusqu’ici, et confirme l’urgence d’une réforme portant un véritable changement de paradigme », commente l’Ordre.

Changement de paradigme que pourrait apporter la stratégie « ma santé 2022 ». A conditions que « ces orientations positives soient effectivement traduites dans le projet de loi annoncé pour le printemps 2019 », ajoute le CNOM, qui annonce qu’il publiera au début de l’année « des propositions concrètes » sur les chantiers retenus dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ».