Démographie médicale : Dunkerque, un exemple à suivre ?

Le magazine de la communauté urbaine de Dunkerque (CUD) de fin d’année 2022 consacre un dossier au problème de démographie médicale auquel elle est confrontée. Avec en prime, une interview de deux pages de Frédéric Bizard, économiste de la santé et fondateur de l’Institut Santé. C’est dire si la CUD a étoffé sa réflexion. Voici quelques éléments de celle-ci.


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La demande va croître

En schématisant, on pourrait dire qu’en voulant développer Dunkerque, l’équipe municipale précédente avait comme priorité l’implantation des entreprises afin, secondairement, d’améliorer l’urbanisme. Résultat : perte de 900 habitants par an.

L’équipe actuelle a fait le pari inverse : d’abord embellir la ville et améliorer les services (par exemple, en rendant gratuites toutes les lignes de bus) afin de garder les habitants pour que les entreprises aient envie de venir.

Résultat : finie la diminution du nombre d’habitants dans une CUD de près de 200 000 personnes, forte progression touristique avec deux corollaires. Le premier est l’augmentation du coût de l’immobilier (10 % par an depuis 2 ans). Le deuxième : trois entreprises importantes (Verkor, Flocryl, Clairebout) vont s’installer dans les cinq ans, garantissant 16 000 nouveaux emplois et potentiellement 50 000 habitants de plus. Ajouter à cela le constat de Frédéric Bizard, la France vieillit et consomme plus de soins du fait des maladies chroniques, et l’on comprend le problème de demande de soins à venir.

L’offre s’étiole

Le constat concernant l’offre médicale est alarmant comme partout en France : 9 000 habitants n’ont pas de médecin traitant, 42 % des 163 médecins généralistes en exercice ont plus de 60 ans et prendront leur retraite dans moins de 10 ans alors que la relève n’est pas encore là. Pourtant, les généralistes du dunkerquois travaillent : leur patientèle est en moyenne de 1 800 patients pour une moyenne nationale par médecin de 1 100 patients. Difficile de faire plus.

Le mauvais exemple

Pour pallier les problèmes de démographie médicale, une commune limitrophe de Dunkerque a proposé une prime à l’installation de 50 000 euros et un local professionnel à loyer réduit à tout médecin s’y installant. Résultat : dans cette commune, un généraliste qui exerçait de longue date dans un cabinet situé à 10 km est venu s’installer et empocher la prime mais en apportant l’essentiel de sa clientèle et une généraliste installée depuis peu a demandé à avoir elle-aussi la prime. Refus de la mairie, départ de la généraliste pour s’installer à 20 km.

La réflexion locale

La mairie de Dunkerque a donc construit une réflexion globale avec des économistes et des médecins pour prendre en charge le problème et voici quelques-uns des éléments proposés :

  • Pas de concurrence entre villes limitrophes : même si la santé n’est pas à proprement parler de sa compétence, la politique de santé se décidera à l’échelle de la CUD regroupant 17 communes et non à l’échelle de chaque commune, ce qui s’est traduit par la signature d’une charte de non-concurrence.
  • Offrir du temps médical : accentuer le recours au salariat pour les médecins, retraités compris, par la mise en place de dispositifs innovants (à l’exemple des maisons médicales de garde permettant de fournir un secrétariat), aides pour le recours aux assistants médicaux et à la téléconsultation. Une fois installé, possibilité d’être assisté par un infirmier en pratique avancée (trois postes seront financés par la CUD) et aide à la création de maisons de santé pluridisciplinaire.
  • Attirer les médecins : aide financière aux études médicales en échange d’un engagement d’installation dans l’agglomération, et montant d’aide identique quelle que soit la commune d’installation, aide pour suivre une année préparatoire puis la première année de médecine à Dunkerque, une fois interne, offre immobilière de qualité dans 60 logements spécifiquement réservés, aide à l’installation, notamment financière et ce, tant pour les locaux professionnels, le logement, la scolarisation, l’emploi du conjoint, l’accueil en crèche, les offres de loisirs et de culture prioritaires…

Commentaires

Face au problème actuel de la démographie médicale , il est utile que les municipalités et les médecins comprennent qu’ils sont partenaires et qu’ils doivent proposer des solutions communes répondant aux demandes et possibilités de chaque partie. Les villes limitrophes ne doivent pas être concurrentes mais partenaires et les engagements financiers des mairies doivent avoir des contreparties de la part des médecins.
La patientèle des médecins généralistes rend compte qu’il est illusoire de leur demander de participer à la régulation des urgences ou autres tâches hospitalières, sauf à leur proposer une décharge de travail par ailleurs, mais qui se fera aux dépens de leurs missions spécifiques. Si les libéraux doivent être partenaires de l’hôpital, ils ne peuvent en être les supplétifs.
S’il faut favoriser l’augmentation du nombre de médecins, ce ne sera qu’une solution imparfaite, incomplète et longue à venir. La solution est assurément de repenser son mode d’exercice : à plusieurs, aidé, mieux adapté et spécifiquement organisé face à la demande de santé publique.

François Diévart

© Massi Mossanti/depositphotos