Deux biographies parues à un mois d’intervalle, relatent deux parcours de vie très différents. Le premier est celui de Nicolas Sarkozy qui après avoir voulu être et avoir été président de la République semble dorénavant avoir trois envies : être riche, continuer à briller selon les critères qu’il définit et échapper à la prison. Le deuxième est celui de Jean-Jacques Goldman qui, inversement, veut devenir le plus discret possible alors qu’il était encore en 2023, la personnalité préférée des français alors qu’il a quitté la scène il y a 20 ans et n’apparaît quasiment plus dans l’espace public.
LE PARRAIN
Etienne Girard, rédacteur en chef à l’Express et Laurent Valdiguié, grand reporter à Marianne, décrivent la vie de Nicolas Sarkozy depuis qu’il a été battu à la primaire des Républicains en 2016, mettant un terme probable à ses possibilités de redevenir président de la République. Pour ce faire, ils ont orienté leur ouvrage selon quatre axes : la vie politique, les procès, le business et enfin l’affaire libyenne pour laquelle Nicolas Sarkozy risque l’emprisonnement ferme.
Un risque judiciaire majeur
Schématiquement, il est possible de relier la vie politique actuelle de Nicolas Sarkozy à l’affaire libyenne et à son business, c’est-à-dire sa façon de vouloir « être riche » et d’échapper à la prison. Le procès relatif à l’affaire libyenne devrait durer 3 mois en début d’année 2025. Cette affaire repose sur la possibilité que la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy ait pu bénéficier d’un financement en liquide, à hauteur de 50 millions d’euros, par le président libyen de l’époque, Mouammar Kadhafi. Dans cette affaire aux multiples rebondissements, Nicolas Sarkozy est mis en examen depuis mars 2018 pour corruption passive, recel de détournement de fonds publics (libyens) et financement illégal de campagne électorale, depuis 2020, au même titre que Claude Guéant, Brice Hortefeux et Thierry Gaubert, pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de ces délits et depuis le 6 octobre 2023, pour recel de subornation de témoin et participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction d’escroquerie au jugement en bande organisée.
La vie politique actuelle de Nicolas Sarkozy semble faite de facilitation potentielle de carrières et d’entremise auprès de dirigeants, tel Emmanuel Macron, pour promouvoir à des postes-clefs, des personnalités qui lui sont favorables. L’objectif est double. Le principal est d’espérer qu’en cas de condamnation à la prison ferme, il puisse bénéficier d’une grâce par l’entremise d’un président qui lui serait favorable pour services rendus (Macron ou Darmanin). Le deuxième est de continuer à entretenir des réseaux politico-financiers lui permettant de jouer pleinement son rôle d’entremetteur pour les diverses entreprises et sociétés qui ont recours à ses services notamment de conseils rémunérés, de participations à des conseils d’administration et d’aide au développement d’affaires entrepreneuriales.
Un business simple
dans son principe, complexe dans ses réseaux
Comme le disent les auteurs « le business de Nicolas Sarkozy repose sur un principe simple. Il s’agit de monnayer ses conseils et son entregent auprès de grands patrons et de dignitaires étrangers ». Ce qui lui rapporte d’après les auteurs de l’ordre de 250 000 euros par mois. Pour ce, par exemple, il favorise l’expansion africaine du groupe hôtelier Accor, sans oublier au passage ses affaires personnelles. Il a ainsi fait en sorte que les vignobles dont il est propriétaire avec Stéphane Courbit, produisent des vins qui seront présents dans les restaurants du groupe Bourdonde racheté par Accor dont il est administrateur.
C’est ainsi qu’il est conseiller de Vincent Bolloré et d’Arnaud Lagardère (ce dernier l’ayant qualifié de frère) qui possèdent plusieurs médias et maisons d’édition permettant d’augmenter la surface publicitaire et les pourcentages des livres qu’il publie chez eux.
C’est ainsi qu’il a parole ouverte pour venir régulièrement fournir sa version des faits à propos des mises en examen dont il est l’objet. A ce sujet, le chapitre consacré à l’affaire Paul Bismuth est à la fois édifiant et cocasse. Cocasse quand, lors d’une perquisition chez l’avocat Thierry Herzog, celui-ci prétend n’avoir pas d’autre téléphone que celui que les policiers viennent de saisir et qu’un autre téléphone sonne dans la poche de la robe de chambre qu’il porte, téléphone qui vient d’être appelé, non pas comme le pense l’avocat par Sarkozy-Bismuth pour le prévenir, mais par un des policiers présents. Edifiant quand Nicolas Sarkozy, pour « preuve de sa bonne foi » indique que le juge bordelais au centre de l’affaire n’a pas été muté à Monaco, ce qui prouverait selon lui qu’il n’y a pas eu de trafic d’influence alors que le contenu des écoutes rapporté dans le livre ne laisse aucun doute, Nicolas Sarkozy disant à son avocat à propos de ce juge « Appelle-le aujourd’hui en disant que je m’en occuperai parce que moi, je vais à Monaco et je verrai le prince ». Et comme le précise les auteurs, le fait que la démarche n’a pas abouti n’a aucune importante et n’a aucune valeur de preuve, car en droit « La réalité de l’influence importe peu, son intensité n’a pas à être vérifiée dès lors qu’elle pouvait être réelle ou supposée. Cette influence peut n’exister que dans l’esprit du corrupteur… Le trafic d’influence supposé, comme son nom l’indique, implique que chaque partie suppose que l’autre fera son bout de chemin ». Et la sanction à l’issue de l’appel est la suivante pour Nicolas Sarkozy : trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis, et trois ans de privation des droits civiques, c’est-à-dire de droit de vote et d’éligibilité.
EN SAVOIR PLUS…
LE PARRAIN.
Sarko après Sarko : l’enquête
• Auteurs : Etienne Girard, Laurent Valdiguié
• Editeurs : Seuil
• Parution : septembre 2023
• Pagination : 320 pages
• Prix broché : 20,90 €
• Prix numérique : 14,99 €
GOLDMAN
Tout autre est la vie de Jean-Jacques Goldman, telle que racontée dans un essai passionnant par Ivan Jablonka, qui est aussi un enfant d’immigrés juifs et qui trace quelques parallèles entre sa vie et celle du chanteur, « hyperstar » malgré lui.
En effet, tout, chez Jean-Jacques Goldman apparait être un parcours d’humilité au point qu’il n’a pas invité ses parents lors de son premier spectacle à l’Olympia, estimant, qu’il n’y avait là rien de recommandable ou d’édifiant par rapport à ce que font d’autres personnes qui méritent nettement plus d’être reconnues que lui. A tel point qu’alors que les premiers succès arrivant tardivement, au début des années 1980, Goldman continua d’habiter son pavillon de Montrouge et à vendre des articles de sport dans le magasin familial en franchise.
Premier vendeur français de disques des années 1980, Jean-Jacques Goldman a pourtant été méprisé par la critique et les journalistes au point que ces derniers avaient appelé au boycott d’une grande série de concerts qu’il donna en 1985 à Paris. Cette série fut un succès à « guichets fermés » et comment répondit Goldman à ses critiques ? Il acheta une pleine page de publicité dans un des journaux qui le conspuait, page reprenant les critiques qui lui avaient été faites et qui avait comme titre « Merci d’être venu quand même ».
Mais une fois le succès reconnu, alors que sa personnalité semble faite d’humilité, de modestie et de simplicité, celle-ci fut encore décrite en 2001 par les mêmes journalistes comme un marketing habile fait d’un non-marketing. Une sorte d’impossibilité de croire à la sincérité. Pourtant, tout dans ses attitudes, sa tenue vestimentaire, son parcours, les paroles de ses chansons indiquent la réalité de celle-ci.
Le succès discret mais réel
Ce qui fait le succès de Goldman à l’issue de la lecture de ce livre tient en sa valeur d’exemplarité de son attitude qui peut se résumer à « voyez comme je suis, je fais comme je pense qu’il faut faire, discrètement ». Et c’est probablement pour cela qu’il a été élu personnalité préférée des français plus de 10 fois lors des 20 dernières années alors qu’il n’apparait plus qu’exceptionnellement en public et alors dans des spectacles à caractère caritatif.
Ce qui fait le succès de Goldman, c’est aussi l’emploi de mots, d’images et de schémas narratifs simples dans ces chansons. C’est d’ailleurs probablement cette simplicité qui lui est reproché, mais Charles Trenet, un monument de la chanson française avait des paroles tout aussi simples. Et au milieu d’un important répertoire, il y deux vrais perles, deux chefs d’œuvre : « Comme toi » et « Né en 17 à Leidenstadt ». Deux chansons dont les textes sont étudiés dans les écoles pour la valeur de leur message. La première véhicule une émotion très forte et le deuxième une vraie réflexion sur le devenir des hommes selon le contexte dans lequel ils évoluent. Des textes à lire et relire, des chansons à écouter et ré-écouter.
EN SAVOIR PLUS…
GOLDMAN
• Auteurs : Ivan Jablonka
• Editeurs : Seuil
• Parution : août 2023
• Pagination : 400 pages
• Prix broché : 21,90 €
• Prix numérique : 15,99 €