Domaine Laroque d’Antan

Nigrine 2018 IGP Côtes du Lot

Qu’est-ce qui a pu pousser Lydia et Claude Bourguignon, éminents microbiologistes des sols, parcourant depuis 30 ans les vignobles du monde entier, pour révéler au monde agricole la faune cachée dans la terre, son utilité dans le processus de fertilisation des sols, sa destruction par l’agriculture chimique entraînant la stérilisation des terres, à se lancer dans cette folle aventure de vignerons ?

Et bien, disent-ils, « il y a eu ce moment, où le rêve de la terre demanda de s’incarner, où le besoin se fit sentir si fort qu’il nous fallut passer à l’action : planter notre vigne selon nos propres convictions, choisir notre terroir selon nos propres critères, faire notre vin selon notre propre sensibilité ».

Quoique, comme leur patronyme le laisse entendre, leurs racines soient plutôt en Côte d’Or, c’est dans la petite commune de Laroque-des-Arcs au bord du Lot que leur domaine est né sur un terroir oublié des hommes et de la vigne depuis 150 ans. 

Une terre vierge de pesticides, d’insecticides, de fongicides, une terre blanche caillouteuse, crayeuse du kimméridgien (comme à Sancerre ou à Chablis) sur un coteau calcaire d’exposition idéale, au drainage naturel que les Bourguignon, rapidement rejoints par leur fils Emmanuel, pressentaient comme un excellent terroir à vignes. 

Dès 2002, commence le défrichage en conservant des haies et des arbres pour rendre au terroir sa noblesse d’antan. Après analyse des sols, les néo-vignerons ont délimité les zones de cépages blancs et rouges et débuté les plantations en 2008 en remettant à l’honneur les cépages oubliés de cette région du sud-ouest, en choisissant comme porte-greffe le Rupestris du Lot très utilisé autrefois. Le travail du sol, grâce à la traction animale, pour ne pas le tasser, entretient la biologie, la biodiversité qui permet aux racines des ceps de plonger dans la robe calcaire qui, solubilisée par les microorganismes du sol, amènera minéralité et complexité dans le vin. Un désherbage mécanique sous le rang est effectué. Tout le domaine, s’étendant actuellement sur 6 ha, est mené en gestion biologique et biodynamique.

Il aura fallu plus de 15 ans, pour que sortent les premières bouteilles en 2017. Nigrine 2018 est la première cuvée rouge commercialisée. Les vendanges manuelles avec tri sur pied sont transportées en caissettes de 15 kg par une ânesse.

La vinification utilise des levures indigènes pour la fermentation en cuve béton, suivie d’un élevage de 10 mois en fûts de chêne. La fermentation malo-lactique est encouragée. Une filtration dégrossissante est réalisée avant la mise en bouteille.

La cuvée rouge Nigrine assemble des cépages issus de sélections massales fournies par des domaines réputés : malbec nettement prédominant du domaine Corbin-Michotte, cabernet franc du Clos Rougeard, prunelard de Robert Plageoles, négrette du Château Plaisance.

La dégustation de cette cuvée Nigrine 2018 justifie une minutieuse préparation : débouchage plusieurs heures à l’avance, pour permettre à son bouquet de s’exprimer, carafage pour bien l’aérer compte-tenu de sa jeunesse.

des arômes exubérants de fruits noirs

La robe rouge pourpre, cardinalice, aux reflets violines, est fort éloignée de celle très foncée du classique « vin noir » de Cahors. Le vin délivre des arômes exubérants de fruits noirs : mûres confiturées, cassis, d’épices : cardamone, poivre blanc, clou de girofle, puis en rétro-olfaction : cacao, truffe, jus de viande. La bouche juteuse est construite sur une magnifique densité puissante, précise, raffinée, des tanins fins, soyeux et croquants, une fraîcheur imparable et une complexité étonnante. La finale longue aux notes de réglisse et de violette confirme la remarquable structure de ce vin encore en devenir que je pourrais qualifier de caméléon, car au fur et à mesure de la dégustation, il se modifie, se transforme, évolue…

La gastronomie du Lot, réputée tant par ses magnifiques produits : truffe noire, canard gras, agneau, fromages que par ses recettes emblématiques, appelle tout naturellement des accords avec les vins locaux. La cuvée Nigrine, quoiqu’assez différente des Cahors classiques, va épouser certaines préparations culinaires de la région à base d’oie : cou d’oie farci, et surtout de canard : aiguillettes, fritons, bouchée de foie gras de canard poêlée au caramel de malbec. Dans un registre légèrement différent, il ne se déplaira pas en compagnie de pigeons : en cocotte ou rôtis. Les arômes bordelais, amenés par l’association malbec, cabernet franc, justifient la rencontre avec l’agneau fermier du Quercy : souris confite, gigot au four sauce au thym, selle forestière.

En fin de repas, l’accord avec un chèvre de Rocamadour ou un pélardon se fera tout en douceur.

En définitive, « ce patient travail d’artisan, souligne Lydia Bourguignon, qui est parti du sol jusqu’à la vigne et du raisin jusqu’au vin, est le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre passion et de notre rêve devenu réalité. Faire du vin oui, mais avec l’envie de choisir un terrain vierge, peu onéreux, un message envers une jeune génération qui a le pouvoir de redonner vie à nos campagnes, à tous nos territoires désertés, oubliés ».

L. et C. Bourguignon – 46090 Laroque-des-Arcs