DPC : la Cour des comptes critique, la ministre lui répond

Dans un référé, la Cour des comptes dénonce de « profonds dysfonctionnements » dans le pilotage et le financement du Développement Professionnel Continu (DPC) et formule trois recommandations pour y remédier. Agnès Buzyn tempère la sévérité de ces critiques en soulignant les améliorations apportées.

En premier, le DPC pâtit d’un cadre « inopérant », en raison d’un trop grand nombre d’orientations « prioritaires »  (405 sur la période 2016-2018) et « par ailleurs souvent imprécises », estime la Cour des comptes, qui en conclue que « l’agence est amenée à fonctionner “à guichet ouvert”, laissant les organismes de formation proposer des actions de DPC, sans lui permettre de réellement évaluer leur intérêt et leurs modalités ». Elle préconise donc de définir les orientations prioritaires pour 2019-2021 en s’appuyant sur les CNP et la HAS, puis sur cette base, de « privilégier le recours aux appels d’offres afin d’y réserver l’essentiel des moyens consacrés au DPC ». Dans sa réponse, Agnès Buzyn fait valoir le nombre d’orientations définies pour 2020-2022 « très sensiblement réduit » et désormais accompagnées de « fiches de cadrage opposables » (voir encadré ci-contre). Quant à la procédure d’appel d’offres que la Cour appelle à privilégier, la ministre estime « effectivement nécessaire » d’y « recourir plus largement », en particulier concernant les actions « qui contribuent le plus significativement à la transformation du système de santé et à l’amélioration des compétences des professionnels de santé ». 

Une insuffisance du contrôle à trois niveaux
La Cour des comptes souligne également l’insuffisance du contrôle à trois niveaux, administratif, pédagogique et a posteriori. Elle constate ainsi qu’ « aucun texte ne vient interdire l’enregistrement d’un organisme qui serait majoritairement, voire entièrement financé » par l’industrie pharmaceutique, que les CSI chargées du contrôle pédagogique, n’ont pas les moyens d’évaluer la totalité des actions (16 647 présentées en 2018), qu’elles n’en examinent qu’un peu mois de 10 % et rendent un avis défavorable dans 44 % des cas. Elle appelle à la publication des conventions passées entre l’industrie et les organismes de DPC et à modifier la loi pour autoriser l’ANDPC à réaliser des contrôles sur place. Tout en rappelant que le choix a plutôt été d’ « un processus de gestion des conflits d’intérêts supervisé par un comité d’éthique », la ministre de la Santé juge cependant « nécessaire » de « renforcer » l’indépendance des organismes de DPC en « imposant » aux entreprises de la santé « de rendre publics l’objet précis, la date, le bénéficiaire direct, le bénéficiaire final ainsi que le montant des conventions qu’elles concluent avec les organismes de DPC ». Rappelant que l’ANDPC a adopté un plan de contrôle annuel « dès 2016 », Agnès Buzyn souhaiterait néanmoins « donner une base législative au pouvoir de contrôle sur pièces de l’agence ». Elle souligne qu’une mission de contrôle sur place, telle que la préconise la Cour des comptes, « nécessite le recours à des agents assermentés », ce qui impose une modification concertée du code de la santé publique, et « requiert des ressources tant humaines que financières » à débattre. 

Enfin, la Cour des comptes juge que les forfaits accordés aux professionnels de santé « apparaissent très largement surévalués par rapport aux coûts réels des formations », épingle des règles de gestion « particulièrement lâches » n’interdisant ni les actions de DPC à l’étranger, ni « la multiplication, sous réserve d’un plafond annuel, d’actions de DPC par un même professionnel pour une même année ». Elle suggère de limiter à 3 actions par professionnels par cycle de DPC et d’instaurer « un contrôle croisé des financements des différents financeurs ». Agnès Buzyn indique que « depuis 2016, des efforts ont été consentis par les sections professionnelles pour diminuer les forfaits » et qu’après les résultats de l’étude des coûts des actions de DPC en mars prochain, de nouveaux ajustements des forfaits seront proposés. Concernant les actions à l’étranger, la ministre souligne que l’ANDPC se borne à évaluer la qualité de l’offre DPC, qu’il serait « contraire à la législation de l’UE » d’interdire la libre circulation des professionnels au sein de l’Europe et que depuis 2017, il est demandé aux ODPC de « justifier scientifiquement la réalisation » de ces actions à l’étranger. Elle fait également remarquer que depuis la même année, les sections professionnelles peuvent « limiter pour une période donnée le nombre d’actions de DPC prises en charge pour un même professionnel ». Enfin, elle annonce sa volonté « de faire évoluer le cadre réglementaire du Haut Conseil du DPC et de créer un véritable conseil scientifique du sein de l’agence ».

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