Dysfonctionnement fatal

324 – On se souvient que la fin de l’année 2008 avait été particulièrement riche en faits divers dans le domaine des urgences hospitalières. Au nombre des « dysfonctionnements » graves avait été rapportée l’errance, fatale, d’un patient pris en charge dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 décembre, à la suite d’un malaise survenu peu avant minuit à son domicile d’une commune de l’Essonne. L’homme, âgé de 56 ans, était finalement décédé peu après 6 heures du matin après un cinquième arrêt cardio-respiratoire… à son arrivée à l’hôpital parisien Lariboisière. L’enquête avait rapidement établi que son admission plus précoce en réanimation, le diagnostic de pneumopathie ayant été rapidement posé, n’aurait sans doute pas enrayé l’issue mortelle.

Mais l’affaire ayant, légitimement, ému l’opinion publique, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, avait mandaté une enquête de l’IGAS, rendue en mars dernier mais jamais publiée depuis. C’est, assez paradoxalement, l’AMUF (Association des Médecins Urgentistes de France) qui vient de la mettre en ligne sur le site de l’organisation. Paradoxalement car les médecins urgentistes ne sont pas ménagés dans ce travail, au grand dam du Dr Pelloux, charismatique président de l’AMUF, qui n’y voit qu’un « rapport politique permettant à Mme Bachelot de s’en sortir à bon compte » sans porter remède au vrai problème abruptement formulé par la vedette des médias : « Le diagnostic aujourd’hui, c’est que le système des urgences est dépendant de ceux qui veulent travailler. N’importe quel réanimateur, s’il ne veut pas prendre les malades, n’aura aucun compte à rendre. »

On se demande ce qu’en penseront ses mandants, mais la reconstitution chronologique de l’enchaînement funeste laisse peu de place au doute : le régulateur du SAMU-91 qui cherchait une place en réanimation pour le malade, a donné une trentaine de coups de fil avant de trouver une place… conditionnée à la réalisation préalable d’une coronarographie quand bien même l’indication, posée par un chef de clinique et relayée par l’interne de garde, était-elle discutée… En fait une suite interrompue d’errements et autres dysfonctionnements auxquels il convient d’ajouter les maux « courtelinesques » inhérents à l’hospitalisation publique : sonnerie sans réponse au standard ici, fléchage défaillant des urgences ailleurs, carence du système CAPRI (Capacité de Réanimation sur Internet) supposé recenser « en temps réel » les capacités de réa disponibles sur les 8 départements d’Ile-de-France… Cruel enchaînement disséqué, minute par minute, par les deux limiers de l’IGAS qui formulent, en conclusion, une dizaine de recommandations, un peu platoniques, dont l’échéancier s’étale de fin 2009 jusqu’à 2011 pour celle consistant à « décloisonner » l’organisation des urgences en Ile-de-France. Mission dévolue au futur directeur d’ARS (Agence régionale de la Santé) dont la nomination est attendue incessamment sous peu.

Un regret cependant : l’enquête fait grand cas de la cascade d’erreurs et problèmes survenus dans la chaîne des établissements publics sollicités dans ce cas malheureux mais ne dit mot de la clinique privée où avait pourtant été identifié un lit de réanimation et où avait été précédemment accueilli, en 9 minutes (!), un autre patient en situation critique.