e-santé

Le numérique influence fortement notre espace Santé et s’est développé de manière exponentielle. Les « e-termes » fleurissent de toute part, à tel point que les amalgames se sont faits entre les mots et les destinations : bien-être physique, santé, médecine, science, recherche… L’e-santé, la m-santé, la santé numérique sont des termes « confusants » dans ce vaste empire qui bouleverse autant la recherche médicale que l’organisation des soins.

Pascal Wolff – Le Cardiologue n° 441 – juillet-août 2021

La définition de l’e-santé (ou santé numérique)

Pour le grand public, l’e-santé évoque une santé connectée par les nouvelles technologies (healthtech) qui permettent le tracking via des applications ou des objets connectés. Mais dans les faits, sa définition serait plus exactement celle de la Commission européenne qui parle d’« application des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) à l’ensemble des activités en rapport avec la santé » qui recouvre tous les outils de production, de transmission, de gestion et de partage d’informations numérisées au bénéfice des pratiques tant médicales que médico-sociales et de bien-être. 

La santé numérique intègre plusieurs grands domaines :

Les domaines d’application de l’e-santé

Les systèmes d’information de Santé (SIS) ou hospitaliers (SIH) forment le premier segment de l’e-santé. C’est par eux que s’organisent les échanges de données et d’information entre les différents services et territoires de soins. Ils sont essentiels pour la téléconsultation, la téléexpertise…

La télémédecine utilise les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) pour des pratiques et offres de soins à distance. Elle regroupe plusieurs sous-domaines (1) : 

– la téléconsultation, 

– la téléexpertise (échange des avis des médecins), 

– la télésurveillance, 

– la téléassistance, 

– la téléformation,

– la régulation médicale (centre 15).

La téléconsultation, comme son nom l’indique, permet à un patient de se mettre en relation avec un professionnel de Santé par vidéotransmission. Le patient peut être assisté par un professionnel médical (médecin, infirmier, pharmacien) au cours de cette consultation à distance. Son développement constitue un rôle majeur dans le développement de l’accessibilité aux soins, notamment dans les déserts médicaux. Elle permet une prise en charge et un suivi plus rapide et évite également les déplacements inutiles.

Le médecin doit par contre connaître le patient et avoir eu auparavant une consultation physique (excepté les symptômes Covid-19).

La téléconsultation est facturée au même tarif qu’une consultation « ordinaire ».

Il existe plusieurs applications sécurisées qui permettent aux patients de se connecter sur les différents supports informatiques (smartphone, tablette, ordinateur).

Le cas échéant, des cabines – ou bornes – existent (pharmacies, lieux de vie communale, Ehpad), peu nombreuses, mais avec des instruments connectés (thermomètre, balance, tensiomètre, stéthoscope, imprimante). Les conditions sont assez similaires à celle d’un cabinet médical. Leur usage est pour l’instant limité 6 % des téléconsultations) [2]

Dans cet élan, l’enseigne Monoprix, qui a installé des cabines dans deux de ses magasins (Paris et Troyes), s’est attiré les foudres du conseil national de l’Ordre qui a appellé le gouvernement à « réagir avec fermeté pour défendre les principes régissant l’organisation des soins en France, et pour protéger l’acte médical au service des patients ».

La téléexpertise se fait via une messagerie sécurisée de Santé ou une solution de télémédecine (avec un équipement adapté s’il y a des échanges d’images, des tracés…). Elle permet à un généraliste ou un spécialiste de demander l’avis d’un de ses confrères pour ses compétences sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient. 

La téléexpertise concerne tout médecin, quelle que soit sa spécialité, son secteur d’exercice et son lieu d’exercice (ville ou établissement de santé) ainsi que les patients en ALD ou atteint de maladies rares, de personnes résidant dans des déserts médicaux, dans des EHPAD ou des établissements pénitentiaires.

Une fois la téléexpertise réalisée, le médecin requis rédige un compte rendu, l’archive dans son dossier patient, dans le Dossier Médical Partagé (DMP) du patient, le cas échéant, et le transmet au médecin requérant.

Il existe deux niveaux de téléexpertise :

Niveau 1. Il s’agit d’une problématique simple qui ne nécessite pas de réaliser une étude approfondie de la situation médicale du patient.

Niveau 2. Il s’agit d’un avis suivant une situation complexe.

La téléexpertise fait l’objet d’une facturation directe entre l’Assurance-maladie et les médecins libéraux avec deux niveaux d’acte : TE1 et TE2 suivant les niveaux.

La télésurveillance est un dispositif de surveillance médicale à distance installé dans l’habitation du patient. Des appareils et capteurs (électrocardiogramme, tensiomètre…) sont connectés entre eux et assurent l’enregistrement des données, le stockage et le transfert à un professionnel de la santé à des fins d’analyse afin d’adapter la prise en charge au plus tôt et de mieux suivre l’évolution de la maladie.

Ce système, particulièrement adapté aux personnes à risque ou de complication de leur maladie (pathologies chroniques, sortie d’hospitalisation…), contribue à stabiliser la maladie, voire à améliorer l’état de santé par le suivi régulier d’un professionnel médical.

Il permet également d’accéder en urgence à une plateforme d’assistance médicale.

La télésurveillance doit respecter des exigences spécifiques comme la demande du consentement du patient, le traçage de l’acte médical réalisé et l’obligation pour les outils numériques d’être conformes aux cadres juridiques applicables aux données de santé (RGPD, marquage CE).

La téléassistance médicale permet à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte. Elle peut être faite après une téléexpertise. Dans le cas d’un radiologue par exemple, celui-ci guide le manipulateur radio afin de réaliser des examens en coupe de la meilleure incidence et de la meilleure qualité possibles.

Pour le grand public, la téléassistance (ou téléalarme) est tout d’abord un dispositif d’aide à la personne qui se matérialise par un service payant. Il est relié à un centre destiné à apporter assistance aux personnes confrontées à un problème médical (chute, malaise). La Poste par exemple a créé un service en ce sens.

Ce dispositif peut se présenter sous la forme d’un médaillon ou d’une montre que la personne garde en permanence sur elle.

La téléformation. Les besoins de formation concernent tous les domaines de la Santé qui vont de la formation à distance d’étudiants en médecine afin de leur permettre d’assister à des interventions ou le spécialiste afin d’aborder des cas complexes ou connaître les pièges techniques ou simplement se mettre « à jour ».

La régulation médicale est un acte médical qui s’inscrit dans un contrat de soins. Il est pratiqué au téléphone ou par tout autre dispositif de télécommunication entre l’appelant et un médecin régulateur.

La régulation médicale a également pour mission de s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation publics ou privés adaptés à l’état du patient, en respectant le libre choix de la personne, de préparer son accueil dans l’établissement choisi, d’organiser le cas échéant le transport en faisant appel à un service public ou une entreprise privée de transport sanitaire et de veiller à l’admission du patient.

Il faut souligner que l’acte médical, numérique soit-il, est une décision médicale qui implique la responsabilité individuelle du médecin. De même, lors d’une téléexpertise, le professionnel engage sa responsabilités dans les indications qu’il donne au professionnel qu’il guide.

La santé mobile

Si la santé mobile (mobile health) offre de nombreuses possibilités concernant la prévention, la surveillance des maladies chroniques et permettre au patient d’être acteur de sa prise en charge, elle recouvre dans l’univers grand public une large gamme de produits matériels de « bien-être » (objets connectés), d’applications mobiles d’automesure, plateforme web… Dans ce cas, on parlerait plutôt de… e-santé. Allez vous y retrouver !

Cet épiphénomène dans l’e-santé – sans réelle influence par le passé – qu’était la healthtech à ses débuts, est devenu un vaste empire pour les Gafam qui, au-delà de leur puissance financière, on su disposer d’une véritable hégémonie dans l’industrie du numérique qui leur a servi à couvrir l’ensemble des catégories du marché de la e-santé, qu’il s’agisse du secteur privé ou public, de produits ou de services. Les actions sont multiples. 

Facebook a développé Preventive Health, un outil de prévention sur les maladies cardiaques et le cancer, un calendrier vaccinal avec ses rappels… Apple avec les plateformes ResearchKit, CareKit  ou Healthkit sans oublier l’AppleWatch et son application « Health Records ». Amazon avec Amazon Care, Amazon Comprehend Care, Comprehend Medical et Amazon Pharmacy . Sans oublier Microsoft qui permet aux organismes de soins une coordination des personnes, des processus et des perspectives tirées des données de Santé. Souvenons-nous de la polémique autour du Health Data Hub (HDH) et le choix du gouvernement d’héberger les données de santé qui rassemble entre autres toutes les données de l’Assurance-maladie, des hôpitaux des 67 millions de Français.

La healthtech ne s’arrête bien évidemment pas au Gafam, les fabricants européens et français sont nombreux. Withings par exemple, leader des objets de santé connectée, avec sa division « Med Pro » et sa « ScanWatch », a engagé des études avec l’hôpital européen Georges Pompidou et le centre de cardiologie du nord et Hipoxia Lab (université de Californie) pour la détection de la FA, la mesure de l’oxygène dans le sang et l’apnée du sommeil… 

(1) Qu’est-ce que l’e-santé : fondationdelavenir.org/e-sante-definition/

(2) Cnom : conseil-national.medecin.fr/medecin/exercice/point-teleconsultation

En conclusion

Deux mondes, deux approches de l’e-Santé. La définition de la Santé dans les dispositifs médicaux doit être claire et faire référence à l’IoT médical pour les objets connectés, les services, les plateformes d’aides aux médecins et aux patients. Les géants du Web savent la frontière poreuse entre la Santé et le bien-être. Cette « Uberisation » de la médecine est un problème qui doit être pris très au sérieux par les pouvoirs publics et ce à tous les niveaux (données, cloud, études de faisabilité, réglementation des DM) afin de bien séparer les genres et les priorités des acteurs du numérique qui ne sont pas les mêmes que les professionnels de la Santé.

Vérifiez vos adresses mails !

Il n’y a pas que votre ordinateur qui peut être piraté. Vos adresses mails on pu être subtilisées dans d’autres bases de données (Santé, Gafam, réseaux sociaux…). Pour le savoir et éviter une usurpation de votre identité, de l’hameçonnage ou autre méfait, vérifiez auprès du site  haveibeenpwned s’il y a eu violation de vos adresses. Si tel est le cas, le site vous indique sur quels sites vos données ont été volées… et changez vos mots de passe.

la CNIL et vos données

Le médecin libéral doit donc protéger ses données personnelles et médicales. Pour ce faire, il doit passer par des protocoles précis : hébergement certifié données de Santé avec demande préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). 

La CNIL a récemment sanctionné deux médecins libéraux pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de leurs patients, des milliers d’images médicales hébergées sur des serveurs étaient en accès libre. Toutes ces données pouvaient donc être consultées et téléchargées, et étaient, selon les délibérations de la CNIL, « suivies notamment des nom, prénoms, date de naissance et date de consultation des patients ». Le problème venait simplement d’un mauvais paramétrage de leur box internet et du logiciel d’imagerie qui laissait en libre accès les images non chiffrées.

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