Été meurtrier ?

Une nouvelle convention médicale a été signée par  MG-France, la FMF et Le BLOC le 25 août dernier. À écouter la FMF c’est une « signature de combat », la signature de combat étant au combat ce que le play-back est à la chanson : une duperie qui ne trompe que les naïfs. Pour ancrer un peu plus son comportement dans l’ubuesque,  cette centrale vient d’annoncer qu’elle allait attaquer en Conseil d’État certaines parties du texte.
Quant à MG-France, grand artisan du texte conventionnel, elle  vient de demander aux spécialistes en médecine générale de poursuivre la désobéissance tarifaire… Ces postures paradoxales ne sont motivées que par la prise de conscience que, sur le terrain, une immense majorité des médecins libéraux, quelle que soit leur spécialité, ne se reconnaît pas dans un texte de peu d’ambition qui n’offre à personne, quelle que soit sa génération, un cadre professionnel rénové.

Nous n’avons que trop tardé, financeurs et acteurs, à faire publiquement le constat que nous connaissons tous : le système actuel est obsolète et n’est plus à même de satisfaire la population et les professionnels. Je ne reviendrai pas sur la longue dérive conventionnelle qui a conduit à des tarifs de consultation indignes, cause première du marasme actuel. L’effet volume, que plus personne ne nie, en est la conséquence et le facteur qui aujourd’hui gèle toute prospective. La fluidité de la prise en charge du patient dans un système de santé rénové passera par une refondation complète des types de rémunérations. Cette révolution ne sera réussie que si nous acceptons de réfléchir à une valorisation des pratiques médicales qui ne reposerait plus que sur le tarif des actes, le paiement à la pathologie apparaissant plus adapté à la prise en charge des maladies chroniques.

Le chantier est immense et demandera des années avant d’être achevé, raison suffisante pour ne plus reculer et surtout ne pas attendre la nouvelle convention pour en poser la première pierre.

Un dirigeant de la Fédération Hospitalière de France a récemment déclaré que les Groupements Hospitaliers de Territoires seront « très ouverts sur la médecine de ville », espérons que cette ouverture ne soit pas celle des abattoirs sur les animaux d’élevage. Il n’y a qu’à voir en quelle estime sont tenus les praticiens temps partiels dans les hôpitaux depuis des décennies pour constater qu’un partenariat équilibré, pourtant indispensable, va nécessiter beaucoup de bonne volonté. Déclinant sur le terrain les articles de la loi de santé, l’hôpital public, à marche forcée, se met un ordre de bataille pour prendre une part importante dans l’ambulatoire. Ne regardons pas le train passer, les médecins libéraux doivent, dans la même logique, sacrifier l’exercice individuel et s’organiser  pour faire des propositions de services, coordonnées et alternatives à l’offre publique.

Un arrêté est paru il y a quelques semaines élargissant encore un peu le numerus clausus. Ces futurs médecins et maïeuticiens n’arriveront sur le terrain que dans une dizaine d’années. Ils aggraveront la pléthore des professionnels de santé que l’on voit poindre à l’horizon des années 2020. Je le répète : il y a suffisamment d’acteurs sur la scène nationale pour prendre en charge l’ensemble de la population sous réserve d’une coordination territoriale efficace, d’une délégation des tâches efficiente et d’une relation ville-hôpital opérationnelle.

Été meurtrier pour la médecine libérale ? Ce n’est pas encore inéluctable.

Eric Perchicot