Etienne Caniard : « Nous ne renonçons pas aux réseaux de soins »

345 – Le président de la Mutualité Française estime qu’en l’état, le secteur optionnel ne règlera pas durablement le problème des passements d’honoraires et, donc, celui de l’accès aux soins.

Quelles seront les conséquences de l’augmentation de la taxe sur les contrats solidaires et responsables pour les organismes de complémentaire santé ?

Etienne Caniard : Des difficultés importantes pour accéder aux soins pour un nombre plus important encore de nos concitoyens, nous en sommes convaincus. Le Gouvernement sait que cette taxe renchérira les cotisations. Les mutuelles sont des organismes à but non lucratif, des sociétés de personnes. Elles n’ont pas de capital, ne versent pas de dividende à des actionnaires et elles ne peuvent être déficitaires comme la Sécurité Sociale. Toute charge nouvelle pèse sur les cotisations. 38 millions de Français ont une mutuelle. Indirectement, il s’agit d’un nouvel impôt qui ne veut pas dire son nom. Socialement, c’est profondément injuste, car nous le savons, si les cotisations augmentent, les adhérents vont choisir des garanties moins protectrices, voire renoncer à leur mutuelle. Or, la mutuelle est indispensable, notamment pour accéder aux soins courants. Elle en finance presque la moitié ! Les personnes qui n’auront plus de mutuelle risquent de recourir davantage aux urgences hospitalières qui sont très coûteuses pour la collectivité. C’est incohérent ! C’est pourquoi nous venons de lancer sur le site internet de la Mutualité Française et de ses mutuelles adhérentes une pétition pour appeler nos concitoyens à exprimer leur mécontentement et à demander au Gouvernement de renoncer à cette taxe.

L’UNOCAM a récemment décidé de reprendre les négociations sur le secteur optionnel. Quelles conditions mettez-vous à la reprise de ces négociations ?

E. C. : La Mutualité Française condamne vivement, et depuis plusieurs années, l’explosion croissante du nombre et du volume des dépassements d’honoraires, car ils remettent en cause l’accès aux soins pour nombre de nos concitoyens. Leur banalisation a entraîné progressivement la modifi cation de la nature même de notre système de protection sociale. Et nous vivons aujourd’hui dans la fi ction d’un taux de remboursement du régime obligatoire qui ne correspond plus du tout à la réalité des tarifs. Il est urgent de mettre fi n à cette situation, car c’est inacceptable pour les patients ! La création d’un secteur optionnel ne doit avoir qu’un seul objectif, améliorer l’accès aux soins. Aujourd’hui, le secteur optionnel ressemble davantage à une simple « solvabilisation » de rattrapage pour les professionnels de santé sans mettre fi n à l’anarchie tarifaire, qu’à un véritable outil de maîtrise des dépassements, notamment les plus élevés.

Selon vous, ce secteur optionnel – dans les modalités actuelles inscrites dans la convention médicale récemment signée – est-il la réponse appropriée au problème des dépassements d’honoraires et des inégalités d’accès aux soins engendrées par le secteur 2 ?

E. C. : Le secteur optionnel a été conçu à partir de moyennes qui cachent de fortes disparités, qu’elles soient géographiques ou à l’intérieur même des professions. Pour les 4 000 chirurgiens libéraux en secteur 2 par exemple, si les dépassements d’honoraires sont en moyenne de 56 %, ils ne sont que de 10 % pour les 400 pratiquant les tarifs les plus bas, alors qu’à l’autre extrême, la même proportion facture en moyenne 240 % de dépassement à leurs patients. Comment imaginer que les seconds vont réduire leurs dépassements en choisissant le secteur optionnel ? C’est pourtant sur ces excès qu’il faut agir si l’on veut améliorer l’accès aux soins. Tant que l’on raisonnera à partir de moyennes, on créera un effet d’aubaine pour les praticiens facturant de faibles dépassements sans réguler les excès. Cela n’est pas satisfaisant.

D’abord amendé dans un sens restrictif à l’Assemblée, l’article de la loi Fourcade sur les réseaux de soins mutualistes a finalement été censuré par le Conseil constitutionnel cet été. Quel est l’avenir de ces réseaux et de la possibilité de mieux rembourser les assurés faisant appel à eux ?

E. C. : Nous avons pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Et nous ne renoncerons pas aux réseaux de soins qui permettent aux adhérents de bénéficier de soins de qualité avec un reste à charge limité. Professionnels de santé et financeurs doivent retrouver une totale liberté de contractualiser. C’est une des conditions de l’amélioration du système de soins. Il est paradoxal de demander aux mutuelles de participer à la régulation des dépenses de santé et de ne pas leur donner les moyens juridiques de le faire. ■