Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) et FMC : où en est-on ?

Malgré nos espoirs initiaux de voir émerger un dispositif unique dans le cadre du dispositif FMC, en reconnaissant que, selon l’esprit des textes réglementaires, l’évaluation était l’un des moyens de valider l’obligation de FMC dans le cadre du dispositif des Conseils Nationaux de FMC (CNFMC) et des Conseils Régionaux de FMC (CRFMC), nous risquons de voir s’installer au mieux deux dispositifs distincts et au pire un seul dispositif bicéphale réunifié sous contrôle partiel des conseils ordinaux…

1) Dispositif EPP (sous réserve de la rédaction définitive imminente du décret…).

La Haute Autorité de Santé (HAS) : – définit les modalités ; – établit les procédures, les méthodes (Grille AQPES – Accréditation- Résirisq – médicalisation de la certification des établissements) ; – agrée les organismes et les CME, habilités à mettre en oeuvre ces méthodes et à délivrer les attestations ; elle peut retirer cet agrément ; – établit le barème : « degré suffisant pour garantir le caractère complet et continu de la démarche d’évaluation » ; – définit les critères de compétence et forme les médecins habilités (MH) ; – publie la liste nationale des organismes agréés et des médecins habilités ; – organise, en concertation avec les CNFMC, le contrôle du respect de l’obligation et de la méthodologie appliquées par les CME, par les organismes agréés et par les médecins habilités ; – définit les procédures d’accréditation valant pour validation de l’évaluation pour les équipes de médecins « à risque ».

Les URML, guichets uniques d’information et d’organisation pour les libéraux : – informent les libéraux de la « palette » des différentes méthodes et procédures et des organismes agréés par l’HAS, et proposent aux médecins libéraux soit les services des médecins habilités pour faire leur EPP soit la liste des organismes agréés (c’est ici qu’est la place privilégiée des structures de verticalité dont notamment l’UFCV) ; – organisent dans les établissements privés conjointement avec les CME les différentes procédures ; – mandatent des médecins habilités pour contrôler les procédures des organismes agréés qui ne font pas appel aux MH ; – délivrent le certificat d’accomplissement de chaque module d’EPP ; – la Conférence Nationale des Présidents (CNP) des URML établit le rapport annuel et le transmet à l’HAS et au Conseil National de FMC des libéraux.

Les Conseils régionaux (administratifs) de l’Ordre : • reçoivent les recommandations éventuelles , voire les constats de manquements graves et les certificats attestant de la satisfaction aux obligations ; • valident le respect de cette obligation quinquennale et la transmettent aux CDO et aux CNFMC.

Les Conseils Nationaux de FMC (CNFMC) : – donnent leur avis : -* sur le barème suffisant pour garantir le respect de l’obligation d’EPP, -* sur l’agrément des organismes, -* sur l’habilitation des MH ;

– participent à un groupe de contact national entre les différents intervenants du dispositif ;

– reçoivent : -* copie des attestations et des certificats, -* le rapport de la CNP des URML ;

– établissent un rapport annuel et le transmettent à l’HAS.

Les organismes agréés : – concourent à mettre en oeuvre les méthodes et les procédures validées par l’HAS, avec ou sans le recours de médecins habilités : -* soit conjointement avec les CME (hospitaliers salariés), -* soit conjointement avec les URML (libéraux), -* soit conjointement avec les deux (libéraux en établissement).

Points particuliers : dans les établissements, les médecins libéraux peuvent, pour satisfaire à leur évaluation qui validera la partie médicalisation de la certification (V2) : – valider leur EPP avec l’URML ou avec un organisme agréé ; – participer à une démarche d’accréditation type Résirisq ; – faire leur EPP avec la CME (laquelle peut contracter soit avec l’URML soit avec un organisme agréé).

A noter que : – les médecins salariés hospitaliers n’auront qu’un interlocuteur : leur CME ; – les médecins salariés non hospitaliers s’évalueront avec des organismes agréés en toute indépendance des employeurs, leur CNFMC s’en portant garant ; – les médecins relevant de plusieurs types d’exercices pourront cumuler les certificats, en sachant qu’au moins une action conjointe avec l’équipe hospitalière à laquelle ils appartiennent sera obligatoire.

Points forts : – cette obligation d’évaluation s’inscrit dans une démarche continue et non plus seulement ponctuelle une fois tous les cinq ans ; – l’HAS est le véritable maître d’ouvrage mais avec des prérogatives opérationnelles fortes ; – les CNFMC n’ont qu’un rôle consultatif ; – les URML informent, accompagnent et participent au dispositif ; – les Organismes agréés ont un rôle réellement opérationnel soit directement soit conjointement avec les CME et les URML ; – les Conseils régionaux administratifs, en devenir depuis la Loi du 4 mars 2002, trouvent là un emploi justifiant leur existence !

2) Dispositif FMC (décret en cours de négociation) Là cela se corse !

Initialement le dispositif comportait : – trois CNFMC qui : -* établissaient les cahiers des charges d’agrément et l’agrément des organismes de FMC (et des organismes d’évaluation – exit !), -* établissaient les règles de fonctionnement de la FMC (définition des actions, place des congrès, de la presse médicale, financements et relations avec l’industrie par exemple), -* établissaient le barème des validations avec panachage FMC/EPP, -* définissaient les thèmes prioritaires, -* évaluaient le fonctionnement du dispositif, -* transmettaient leur feuille de route aux CRFMC (via le comité de coordination) ; -* un seul CRFMC, avec trois sections, par région qui : -* validait les critères de satisfaction aux obligations, -* établissait un rapport annuel de fonctionnement, -* mettait en oeuvre les moyens de persuasion propres à convaincre les récalcitrants.

Or, à la lueur des réflexions ministérielles, il serait quasiment acquis de supprimer purement et simplement les CRFMC (trop coûteux et trop conflictuels quant à leur mode de désignation…) et de renvoyer cette mission de contrôle de satisfaction à ces obligations de FMC, comme celles d’EPP, au CDO en attendant la mise en oeuvre réglementaire des CRO administratifs.

Le Conseil National de l’Ordre (CNO) reprend ainsi la main : – récupération du dispositif FMC qui lui avait temporairement échappé ; – justification d’existence des CRO administratifs dont on avait justement du mal à préciser les missions, les CDO refusant de leur transférer la moindre de leurs prérogatives ; – possibilité de mettre en place un système national d’information et de validation ; – justification à une demande de financement complémentaire via les cotisations… – et surtout : FMC et EPP pourraient devenir les deux pierres fondatrices de la mythique recertification…

Bref, ce serait une récupération assez inattendue d’un dispositif que tout le monde semblait souhaiter voir géré par la profession… En échange les CNFMC obtiendraient un statut dont la pérennité et le financement ne sont pas pour autant acquis.

Quelle solution ?

1) Forcer à la nomination et à l’installation des CRFMC : impossibilité en l’état d’obtenir le moindre financement, alors même que les CNFMC ne sont pas financés.

2) Saborder le dispositif FMC, à la rubrique la seule obligation d’évaluation est déjà bien suffisante, d’autant que la FMC peut vivre seule par elle-même surtout que maintenant les spécialistes ont aussi accès à la Formation Professionnelle Conventionnelle (FPC).

3) Renvoyer la mission des CRFMC aux URML : mais se poserait le problème du financement, et de l’organisation du dispositif concernant les autres médecins salariés et hospitaliers qui n’ont pas de structures régionales équivalentes.

4) Accepter ce dispositif proposé : bicéphale à un bout (HAS et CNFMC) puis redevenu unique à l’autre bout et dévolu aux conseils ordinaux avec en filigrane le risque de re-certification et celui de cantonner les URML au simple rôle d’organismes d’évaluation…

5) Proposer une autre solution qui m’aurait échappé !

Jean-François Thébaut

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