Evaluation médico-économique du médicament : pas assez d’études spécifiques

Deux études réalisées par des épidémiologistes et des économistes de la Haute Autorité de Santé (HAS) mettent en évidence des manques dans les dossiers soumis à la Commission Evaluation Economique et de Santé Publique (CEESP).

Au récent congrès de l’International Society for Pharmaceoconomics & Outcome research (ISPOR), a été présentée une étude, conduite par François Hamers, épidémiologiste à la Haute Autorité de Santé (HAS), et ses collègues, qui porte essentiellement sur la façon dont sont réalisées les études coût-utilité (qui évaluent les coûts par années de vies gagnées ajustées sur la qualité de vie -QALY) présentées dans les dossiers soumis à la Commission Evaluation Economique et de Santé Publique (CEESP). L’étude porte sur 29 dossiers examinés par la CEESP jusqu’à la fin juin. Les domaines les plus représentés étaient l’infectiologie (34 %) et la cancérologie (28 %), et 7 produits avaient le statut de médicament orphelin. Le principal constat qui ressort de cette étude est que pour 10 % seulement des dossiers soumis à la CEESP dans le cadre de l’évaluation médico-économique, les données provenaient d’études réalisées spécifiquement. Dans 41 % des cas, ce sont des données issues de la littérature qui constituaient la source pour déterminer la valeur d’utilité de l’état de santé et, dans 21 % des cas, les données étaient issues d’études randomisées contrôlées renseignant l’efficacité. Dans 24 % des cas, les sources sont mixtes. En outre, les auteurs ont notamment constaté qu’il n’était pas rapporté d’examen systématique des utilités dans la majorité des dossiers (68 %) utilisant la littérature comme source de détermination de la valeur d’utilité de l’état de santé, que, concernant la valorisation des états de santé, la méthode de valorisation n’était pas précisée ou clairement décrite dans six dossiers ou encore que la valorisation reposait sur la population générale britannique dans 54 % des dossiers et la population générale française dans 18 % des cas seulement.

Autant de constats qui font conclure aux auteurs de l’étude qu’ « il est nécessaire de renforcer les dialogues précoces entre les industriels et les organismes d’évaluation afin de générer des données d’utilité robustes ». « L’évaluation économique en France va suivre une courbe d’apprentissage aussi bien pour les industriels que pour la HAS », annoncent-ils.

Un « apprentissage » d’autant plus souhaitable au regard des résultats d’un autre travail présenté à l’ISPOR, dans lequel Salah Ghabri, économiste à la HAS, et ses collègues se sont intéressés à la présence ou non d’une étude d’impact budgétaire dans les 49 dossiers soumis à la CEESP à fin avril : une telle étude n’était incluse que dans 22 % des dossiers et, de surcroît, la sélection des comparateurs était problématique dans 64 % des cas. En outre, dans la majorité des dossiers, les effets secondaires et les coûts de suivi n’étaient pas inclus dans les coûts de traitement. Les auteurs soulignent donc la nécessité d’introduire des recommandations explicites sur les études d’impact budgétaire dans la prochaine mise à jour du guide de la HAS sur l’évaluation économique.

On peut rappeler que, il y a peu à propos de l’envolée du coût de certains traitements, Jean-Luc Harousseau, président de la HAS et président de la CEESP depuis 2014, plaidait pour « plus de lisibilité sur les prix décidés par l’industrie pharmaceutique » (voir Le Cardiologue n° 384).

image_pdfimage_print