Gaillac « Du rat… des pâquerettes » 6102

Quel couple atypique forment Virginie Maignien, diplômée de l’ESSEC, et Patrice Lescarret ancien comédien et clown qui donnent une interprétation très personnelle du terroir gaillacois grâce à un travail remarquable dans leur vignoble !

Au nord-est de Toulouse entre les rivières Aveyron et Tarn, Gaillac est une vaste appellation peu connue. On y cultive une multitude de cépages indigènes, des variétés obscures qui permettent de produire une vaste gamme de vins, dont les blancs moelleux sont les plus réputés. Mais les rouges obtenus à partir des cépages ancestraux : braucol, prunelard et surtout duras souvent associés à la syrah, méritent d’être découverts.

Facétieux, provocateur à la plume acerbe, Patrice Lescarret se décrit ainsi : « Je n’ai bu que du bordeaux jusqu’à l’âge de 16 ans, ça n’aide pas et quand on sait que peu après je passai par l’institut d’œnologie de Bordeaux, on comprendra mes préjugés et mon manque d’objectivité. Heureusement un accident salvateur me frappa d’amnésie ».

Il travailla ensuite dans des domaines réputés à Sancerre et en Provence avant de s’installer en 1993 à Gaillac au départ sur 8 et maintenant 12 ha, où il s’efforce de mettre à l’honneur les cépages autochtones ancestralement cultivés dans la région.

Il se plait à stigmatiser « les décrets d’application miteux et poussiéreux tentant d’éviter le pire, mais assurément empêchant le meilleur » qui ont eu raison de sa pugnacité, et impose que la plupart de ses crus soient élevés au rang de vins de table, ce qui interdit la mention de cépages et de millésimes. Si bien qu’il contourne la réglementation en intitulant ses cuvées de duras de noms folkloriques : Du rat… des pâquerettes, Rasdu (il avait même envisagé : Hiroshima mon amour) et en les numérotant : par exemple, 6102 pour 2016 !

Biologique et  biodynamique

Le domaine de Causse Marines doit son nom au ruisseau Marines qui délimite le bas de la propriété, l’ensemble du vignoble s’étendant sur un causse (plateau calcaire) sis sur la rive droite du Tarn. Le climat entre influences atlantiques et méditerranéennes est idéal pour la vigne balayée et assainie par le vent d’autan. Les sols caillouteux et calcaires pauvres bénéficient d’une bonne hydrométrie. Toutes les vignes anciennes sont greffées sur place. Les nouvelles plantations issues de sélection massale sont méticuleusement sélectionnées.

Certifiée en agriculture biologique et maintenant biodynamique (Demeter), la viticulture, interdisant désherbants, insecticides, toute molécule de synthèse, est protégée par la phytothérapie : ortie, prèle, fougère. La totalité du vignoble est vendangée et triée manuellement.

Rendements très bas de 13 à 30 hl/ha, à « rendre dépressif un banquier et à ulcérer un chilien » selon Lescarret qui poursuit : « Nous mettons un point d’honneur à vinifier et élever nos bébés, sans artifice, ni chimie dégradante ».

Pour la cuvée « Du rat… des pâquerettes », la température de fermentation, évidemment naturelle, est écrêtée à 28°. Quelques pigeages au pied et une macération de 3 semaines sont effectués. L’élevage sur 6 mois se fait partiellement en vieilles barriques. Collage et filtration sont limités à leur plus simple expression.

Une bouche séduisante et complexe

Ce vin de France 100 % duras 2016 paré d’une robe sombre rouge grenat aux nuances violines exhale un bouquet intense de petits fruits noirs : mûre, myrtille, de cerise à l’eau-de-vie, d’épices abondantes dominées par le poivre noir (si bien qu’on peut confondre ce cépage avec la syrah), de réglisse. La bouche séduisante, vive, complexe, charnue et charpentée est garnie de tanins encore un peu fermes compte-tenu de sa jeunesse, mais qui évolueront à l’évidence vers souplesse et finesse. En fin de bouche, apparaissent des arômes de mine de crayon, de cailloux mouillés attestant d’une belle minéralité. Un peu de réduction peut apparaître à l’ouverture nécessitant un carafage.

Une âme de terroir

Ce Gaillac (quoique classé en vin de France) charpenté et épicé ouvrira agréablement le repas en compagnie d’un plateau de charcuterie, d’une salade landaise ou de foies de volaille. Mais il s’épanouira à l’évidence grâce à sa prégnance de poivre noir avec des belles viandes rouges poêlées ou grillées, et mieux encore en sauce : agneau de l’Aveyron au romarin, filet de bœuf en croûte aux champignons. Les viandes blanches finement cuisinées l’accueilleront également avec plaisir : millefeuille de veau aux pommes de terre et pommes fruit, mignon de porc et sa compotée de fruits d’automne. Sa complexité, se dévoilant au fil du repas, lui permettra d’encadrer fromages : morbier, cantal, bleu d’auvergne, puis desserts : poires à l’hypocras, figues au vin rouge.

Pascal Lescarret nous propose, à prix doux, des flacons de plaisir conviviaux reflétant le vigneron, dont la seule conviction est de produire des vins possédant une âme sur un terroir et un chai qui n’ont que faire de la technologie moderne et des poudres de perlimpinpin. Il conclut sur une note humoristique propre au personnage : « On peut faire du bio, sans avoir les cheveux longs, ni fumer la moquette ».

 

Gaillac « Du Rat…des Paquerettes » 6102 – Domaine Causse Marines – 81140 vieux
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