Implantation de valves aortiques percutanées : regards croisés sur l’avis de la HAS

346 – Martine Gilard, professeur de cardiologie à l’hôpital de Brest et co-responsable, avec le Dr Lascar, du registre France II, juge l’évaluation de la HAS sur l’implantation de valves aortiques transcutanées « plutôt positive ».

Une évaluation plutôt positive…

« A quelques très rares exceptions près, 3 400 patients ont été implantés conformément aux bonnes pratiques. Les centres ont donc bien travaillé et 96 % des patients ont été suivis ; la HAS nous a d’ailleurs félicités pour la qualité du registre France II. Elle estime nos résultats efficaces et se prononce pour le maintien de l’acte et de son remboursement, c’est essentiel. Ce qui est satisfaisant aussi, c’est que la Haute autorité de santé confirme que cette technique est réservée aux patients pour lesquels la chirurgie est contre-indiquée après évaluation faite par une réunion pluridisciplinaire, ce qui n’exclut pas les patients à haut risque chirurgical. »

… à une appréciation réservée

A la satisfaction affichée de Martine Gilard, le Dr Thierry Lefèvre, cardiologue interventionnel à l’hôpital privé Jacques Cartier de Massy-Palaiseau, et président du Groupe Athérome coronaire et Cardiologie Interventionnelle (GACI) de la Société Française de Cardiologie (SFC) met quelques bémols. « Plusieurs points font vraiment problème dans l’avis de la Haute Autorité. Ainsi, la HAS dit sans le dire qu’elle a supprimé l’indication de haut risque chirurgical, l’indication retenue dans le texte étant celle des patients récusés. Or, l’implantation d’une valve aortique transcutanée fonctionne au moins aussi bien que la chirurgie, notamment pour la voie fémorale, chez les patients à haut risque, et pour un coût inférieur à la technique chirurgicale, comme on a pu l’observer dans l’étude PARTNER US et le registre France II. Concernant les voies transapicales et sous-clavière, la HAS précise les personnels qui doivent participer à la procédure en stipulant que le cardiologue interventionnel doit être simplement en stand-by. Je considère quant à moi qu’il n’est pas envisageable d’effectuer cet acte sans la participation du cardiologue interventionnel qui est indispensable pour la prévention et la gestion des complications, notamment vasculaires et coronaires. Sa disparition de la procédure est inacceptable. Un autre point problématique concerne l’environnement dans lequel doit se faire la pose de toutes les valves aortiques transcutanées. Selon la HAS, ce doit être dans un bloc opératoire ou une salle présentant des caractéristiques équivalentes. Or, en France, actuellement, plus de 80 % des valves par voie transfémorales sont posées dans des salles de cathétérisme ! Les conditions environnementales décrites par la HAS sont celles des salles hybrides, qui ne doivent pas dépasser le nombre de quatre ou cinq en France aujourd’hui. Par ailleurs, la pose d’une valve percutanée en cas de dégénérescence d’une hétérogreffe est une indication qui n’est pas abordée dans le document de la HAS, et c’est très dommage, car dans le registre France II, on compte une bonne cinquantaine de patients à haut risque chirurgical traités pour cette indication… ». Enfin, les recommandations pour un bilan optimal avant de prendre la décision du type de traitement chez ces patients fragiles sont absentes, en dehors de la suggestion de prendre l’avis du gériatre dans les cas difficiles.

Des arrêtés de 2009 autorisaient la pratique de cette intervention dans 33 centres (voir Le Cardiologue 329) et son remboursement dans le cadre du GHS 1522 pour une période de deux ans, jusqu’au 31 décembre prochain. « Nous sommes dans l’attente de savoir qui pourra pratiquer cette technique à partir du premier janvier 2012, la liste des établissements habilités sera sans doute modifiée, les critères d’habilitation aussi, indique Martine Gilard. Nous devrions être fixés dans le courant du mois de décembre. » Ce qui est d’ores et déjà acquis, c’est que le remboursement de l’implantation de valves aortiques percutanées va sortir du GHS et être mis sur la liste MPPR. Il comprendra d’une part le remboursement pour le travail de l’équipe médicale et, d’autre part, celui de la valve, dont le prix va être fixé par l’Etat, un prix peut-être inférieur à ce qu’il est pour l’instant. ■

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