Insuffisance cardiaque : prise en charge… insuffisante

Contrairement aux recommandations en vigueur, 40 % des patients souffrant d’insuffisance cardiaque et pris en charge au titre de l’ALD ne font pas l’objet d’un suivi annuel par un cardiologue. Ce sont les résultats d’une étude menée par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés en 2008 et qui a porté sur 154 000 patients en ALD([« Caractéristiques et trajet des insuffisants cardiaques du régime général », Points de repères n° 38, août 2012.)]. Au total, ce sont donc 53 00 insuffisants cardiaques qui n’ont pas vu de cardiologue et n’ont pas été hospitalisés pour une affection cardiovasculaire qui leur aurait permis d’en voir un, surtout des femmes. Pour l’immense majorité (96 %), ils ont consulté au moins une fois un médecin généraliste dans l’année, et 87 % ont vu leur médecin au moins quatre fois. Toutes causes confondues, la moyenne annuelle des consultations ou visites s’établit à 10,6.

Parallèlement à ce manque de suivi spécialiste, le rapport de la CNAMTS met en évidence également un respect insuffisant des recommandations en matière de traitement médicamenteux. En effet, dans 47 % des cas, les patients sont traités par un IEC, dans 44 % des cas par un bêtabloquant ; 68 % d’entre eux sont traités par un diurétique, 18 % par un antialdostérone et 28 % par un antagoniste de l’angiotensine (ARA2). Seuls 19 % des patients insuffisants cardiaques reçoivent la trithérapie recommandée diurétique-bêtabloquant-IEC. Les auteurs de l’étude constatent que cette proportion tombe à 11 % chez les malades de plus de 85 ans mais indiquent qu’ils souffrent souvent d’une insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Chez les femmes, seules 14,6 % bénéficient de la trithérapie recommandée (contre 23 % pour les hommes). En outre, l’étude montre que des patients reçoivent parfois des traitements déconseillés. Ainsi, il a été prescrit à un quart d’entre eux des Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) alors même qu’ils peuvent entraîner une rétention hydrosodée et aggraver la maladie voire augmenter la toxicité rénale lorsqu’il sont associés aux diurétiques, IEC et ARA2. De même, près d’un quart des patients considérés dans l’étude prend un inhibiteur calcique, non recommandé dans l’insuffisance cardiaque systolique.

Des conséquences sanitaires et économiques

Ce défaut de suivi et ces prescriptions non adaptées expliquent sans doute en grande partie que l’on n’ait pas atteint l’objectif 73 de la loi de santé publique de 2004 qui prévoyait de réduire d’au moins 25 % sur cinq ans les décompensations aiguës d’insuffisance cardiaque. Plus, le rapport de la CNAMTS cite les analyses de l’Institut de veille sanitaire qui font état d’une croissance de 35 % du nombre de séjours hospitaliers et de 26 % du taux brut d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque entre 1997 et 2008. Les conséquences ne sont pas seulement sanitaires, elles sont aussi économiques : représentant 63,4 % des remboursements (plus d’un milliard d’euros en 2007), les hospitalisations sont le premier poste de dépenses de l’Assurance Maladie pour les insuffisants cardiaques en ALD. Loin derrière viennent les remboursements des traitements pharmaceutiques (12,8 %), et encore plus loin, ceux des honoraires médicaux (6,4 %).

Très logiquement, les auteurs du rapport de la CNAMTS estiment en conclusion « qu’une partie des hospitalisations pourrait être évitée par une augmentation des prescriptions et du suivi conformes aux recommandations ainsi qu’une meilleure observance des règles hygiénodiététiques et des traitements par les patients », et recommande une meilleure diffusion des recommandations françaises et européennes, surtout en ce qui concerne les traitements médicamenteux « dont la prescription est particulièrement complexe ». ■