Élisabeth Pouchelon : « Je ne crois plus à un système paritaire incapable de s’autoréformer »

328 – CardioNews – Le Cardiologue : Des portes qui claquent dans la négociation conventionnelle ? Comment interpréter les derniers rebondissements ?

Élisabeth Pouchelon : A titre personnel, je suis assez critique sur l’intérêt de la vie conventionnelle et de ces discussions qui nous ont finalement uniquement permis de retarder la dégradation de nos conditions matérielles et de nos revenus. Je ne crois plus du tout à ce système paritaire qui a perdu toute capacité à s’autoréformer !

Le C. : Est-ce à dire qu’il faut en finir avec la Convention et abandonner toutes les manettes à l’État ?

E. P. : De toute façon, l’État a déjà repris la main et c’est logique dans un contexte de déficit chronique abyssal. Pourquoi continuer à dépenser autant de temps et d’énergie dans un jeu de rôles conventionnel … pour un résultat finalement si médiocre ? Je ne dis pas qu’il ne faut pas maintenir cette Convention tant que nous n’avons pas d’alternative. Mais j’observe aussi que les syndicats de généralistes ne s’encombrent plus de ce mythe conventionnel et sont disposés à un dialogue plus direct avec l’État.

Le C. : Voilà un discours qui détonnera dans le concert syndical….

E. P. : Je n’ai aucune attache dans aucune Centrale, donc pas de nostalgie pour une Convention à mon avis parvenue au terme de ce qu’elle pouvait apporter. Si les centrales traditionnelles ne peuvent prendre le même recul, c’est parce qu’elles ne vivent que « pour et par » la Convention unique. Or regardons les choses lucidement : nous n’avons pas ou plus les mêmes intérêts que nos confrères généralistes : les perspectives de pénurie les touchent bien plus que nous, leurs problèmes de PDS sont sans rapport avec les nôtres… Non que nos intérêts fussent antagonistes, mais enfin on sait très bien qu’à l’intérieur d’une Convention unique, ce qui est donné à l’un est pris à l’autre. C’est d’une réforme globale dont on a aujourd’hui besoin plus que d’une Convention unique !

Le C. : Le paradoxe est que ce débat survient en un moment où les dépenses, de la seule responsabilité des médecins, sont peu ou prou maîtrisées. Alors qu’en revanche les recettes ne sont plus au rendez-vous……

E. P. : Oui… Les dépenses maîtrisées, cela veut dire qu’elles continuent cependant à progresser, même si elles restent « dans les clous » de l’ONDAM, fixé par le Parlement. Il y a, je crois, une certaine hypocrisie à considérer que l’évolution des dépenses étant aujourd’hui maîtrisée, le problème relève du seul domaine des recettes. Comme si l’on considérait que la seule solution pour réduire le déficit de l’État serait d’augmenter les impôts… Il faut inévitablement faire des économies (et les marges sont énormes dans la mesure où notre système est très mal géré en particulier à l’hôpital) et repenser ce que l’on appelle le « panier de soins ». La loi HPST apporte des réponses timides mais réelles dans ces domaines.

Le C. : … mais enfin l’ACOSS vient de révéler que le déficit prévisionnel atteindra tout juste en 2010 le montant des allègements de charges consentis par l’État aux entreprises au nom de la sauvegarde de l’emploi…

E. P. : Ce n’est qu’un transfert comptable ! Que ce soit par les impôts ou par les cotisations sociales, ces charges doivent bien être acquittées ou portées au déficit de la Nation. Que ce dernier soit étiqueté « État » ou « Sécu » importe peu quand au final il est mis à la seule charge des générations futures. Je souscris à l’argument selon lequel les médecins n’y sont pour rien, mais posons-nous plutôt la question de déterminer, ensemble, qui des impôts ou de la Sécurité Sociale doit assumer le poids de la solidarité.

Le C. : Faut-il compter sur les ARS pour mener les réformes que l’État n’a pas pu (ou su) faire ?

E. P. : C’est toujours mieux de rapprocher une instance de décision du citoyen qui devra la subir. Mais les ARS seront-elles plus proches des réalités locales que des directives reçues de Paris ? C’est la vraie question et je crois que les premières discussions nous apporteront des éléments de réponse. Reconnaissons au passage une « petite ouverture » dans le recrutement des ces « préfigurateurs » qui ne sont pas tous issus des rangs de l’ENA, de l’ENSP… Même modeste, c’est un point qu’il convient de mettre au crédit de ce Gouvernement. En Midi-Pyrénées, notre directeur vient du secteur privé. J’ai peine à imaginer qu’il ne disposera pas d’un champ de négociation, même modeste … Ne serait-ce que parce que les élus régionaux vont vouloir user de leur influence. Sans doute va-t-il nous falloir « muscler » nos syndicats régionaux pour un véritable lobbying régional et envisager des moyens d’action plus directs. Par contre, il faut que la régionalisation permette de véritables expérimentations locales. En France, on est assez ambigu avec le concept de régionalisation : obnubilés par la notion d’égalité, il faudrait pourtant accepter une certaine émulation entre les régions.

Le C. : Pensez-vous que le syndicat régional devra être en mesure de conduire une négociation directe avec l’ARS plutôt que de transiter par les URPS ?

E. P. : On verra à l’usage. Mais je pense que le Syndicat des Cardiologues aurait une place à prendre ; c’est ce que l’on a toujours fait au plan national et cela nous a plutôt bien réussi. Le syndicat a une réputation, fondée, de syndicat fort. Servons-nous en au plan régional.