Jean-Pierre Cébron (Pays de la Loire) : Les ARS auront besoin de nous autant que nous aurons besoin d’elles

332 – CardioNews – Le Cardiologue : Quelqu’un de chez vous, en la personne d’Élisabeth Hubert, vient d’être mandaté par Nicolas Sarkozy pour « réconcilier » avec sa majorité un corps médical sérieusement dérouté. Sera-t-elle ponctuelle au rendez-vous ?

Jean-Pierre Cébron : Je la connais bien pour l’avoir fréquentée depuis les bancs de l’Université. J’ai suivi son parcours politique, admiratif de sa capacité d’engagement. Il me semble que sa nomination, aujourd’hui, constitue un signal intéressant pour les médecins car sa personnalité est unanimement reconnue. Pour autant, le problème dont elle hérite est complexe et c’est quelque part une nouvelle « mission impossible » dès lors qu’elle ne maîtrise pas l’aspect financier des choses ! On verra bien …

Le C à 23 € des généralistes ?

J.-P. C. : Ce n’est pas cela qui va régler les problèmes d’organisation ou de démographie de la médecine mais qu’au moins soit restauré le respect de l’engagement pris ! Mon exercice personnel est de type plutôt hospitalier et je suis plus sensible à la mise en œuvre de la loi HPST qui m’apparaît de nature à avoir un effet authentiquement structurant sur l’offre. Evidemment en établissement mais également en cabinet de ville par le biais des SROSS ambulatoires, même s’ils ne restent non opposables dans un premier temps… Ces ARS, on sent bien que c’est une armée qui se met en route !

Faites-vous partie de ceux qui s’en réjouissent ou que ça inquiète ?

J.-P. C. : Ces Agences seront forcément structurantes même si ce n’est pas pour l’immédiat. Pour ou contre me semble donc un faux problème. Comment aller contre un effet structurant ? On n’est pas, non plus, condamnés à l’opposition et on peut même y trouver des partenaires. Il me semble, pour rester au niveau du constat du jour, qu’elles auront nécessairement, en matière de démographie par exemple, du mal à faire pire que les anciennes structures : c’est quand même le prototype du sujet qu’il était possible d’anticiper ! Un peu plus de cohérence ne sera donc pas difficile …

Avez-vous déjà eu l’occasion de rencontrer Mme Desaules, votre directrice d’ARS ?

J.-P. C. : Personnellement non, mais le président de l’URML l’a déjà rencontrée à plusieurs reprises. Il nous a rapporté des audiences avec une personnalité ouverte, « communicante ». Je n’ai pas le sentiment que les syndicats de verticalité aient vocation à avoir un accès direct avec elle. Le dialogue transitera donc forcément avec les URPS, Unions Régionales de Professions de Santé où il est évidemment important de siéger. Les discussions sont en cours et on essaie, nous, d’avoir deux cardiologues en position éligible, …

Vous avez une expérience en ETP (Éducation Thérapeutique du Patient), vous avez une expertise également en télécardiologie … Autant de sujets qui vous mettent quand même en première ligne du dialogue avec cette nouvelle institution…

J.-P. C. : En ETP, nous avons commencé en septembre, en télécardiologie, nous avons déjà une centaine de patients implantés sous télésurveillance … Tout cela marche bien et intéresse visiblement les observateurs. Nous en reparlerons dans une réunion organisée dans le cadre du cycle sanofi-aventis. Pour autant ces initiatives intéressent-elles tous les cardiologues d’exercice libéral ? Confusément, tous savent bien que c’est là un mouvement qui se met en route, inexorable. Et qu’il vaut toujours mieux, parce qu’il a une forcément une « prime à l’innovation », être dans les projets qu’en dehors. Je me dis aussi que, de ce point de vue et parce que ni la télémédecine ni l’ETP ne se décrètent, les ARS ont autant besoin de nous, de notre expérience, que nous avons besoin d’elles. Mais tant en matière d’ETP que de télécardiologie, on en parle beaucoup sans trop voir arriver de financements pérennes. J’ai l’habitude, depuis 20 ans, d’ouvrir des chantiers sans disposer toujours de la visibilité théoriquement nécessaire, mais j’ai aussi des scrupules à y engager trop de monde. Ces sujets sont terriblement chronophages et requièrent beaucoup de bonne volonté ; or tout le monde n’a pas vocation à faire du bénévolat ! Qui plus est, j’ai quelques inquiétudes à voir, parfois, des interlocuteurs trop enclins à penser que ces innovations auront un retour sur investissement forcément favorable à l’économie de la santé, à l’égalité d’accès aux soins, à l’efficience du système. Je n’ai aucun doute pour l’avantage en termes de qualité des soins mais j’en ai sur la rentabilité en terme d’impact budgétaire !