La bataille du remboursement des dépassements tarifaires

n n’évoquera ici que pour mémoire le succès – car c’est ainsi qu’il convient d’en parler désormais – du choix d’un médecin traitant par le patient : sept millions d’assurés du régime général (et sans doute pas loin de huit au moment où ce numéro du Cardiologue parviendra à ses abonnés) ont renvoyé le formulaire à leur Caisse. Le cap des dix millions fin juin apparaît largement accessible d’autant qu’on ne dispose à ce jour que des seules statistiques du régime général, pas de celles des régimes particuliers (fonctionnaires, etc.) ou des autres caisses (MSA, etc.). La bataille politique autour du médecin traitant s’est gagnée au printemps dans le cabinet du médecin généraliste et tout le reste relève désormais de l’histoire ancienne. Ã la fois le recours en Conseil d’État de quelques organisations de généralistes ou de spécialistes – une annulation interviendrait en tout état de cause trop tardivement pour peser sur les habitudes prises par les patients – et aussi les gesticulations médiatiques du groupe UDF de l’Assemblée d’abord déterminé à… rompre des lances avec Philippe DOUSTE-BLAZY, coupable d’avoir déserté ses rangs.

Mais un succès médiatique peut aussi bien cacher un échec économique. Ã quoi servira ce « parcours de soins » s’il n’est pas balisé, comme la loi l’avait prévu, par un moindre remboursement de l’accès direct au spécialiste ? Si la question est aujourd’hui explicitement posée, c’est que l’application de la loi s’avère délicate à l’épreuve de la réalité du terrain. Résumé des faits précédents : -# sur le principe du parcours de soins, et de la pénalité financière due par ceux qui ne s’y astreignent pas, tout le monde est peu ou prou d’accord. Rappelons que cet accès direct est censé être pénalisé à deux niveaux (ce qu’on appelle « double peine » : _ a) moindre remboursement de l’acte par l’Assurance Maladie, _ b) plafonnement du remboursement du dépassement autorisé (DA) par les complémentaires ; -# le premier point dépend du directeur de l’UNCAM, M. VAN ROEKEGHEM, le second concerne le Gouvernement dont on attend un décret d’application. La majorité des couvertures complémentaires sont en effet assurées dans le cadre de contrats de groupes, négociés par les entreprises. Ã des conditions fiscales et sociales avantageuses désormais suspendues aux arbitrages gouvernementaux : ne pourront à l’avenir continuer d’y prétendre que les seuls contrats « responsables », c’est-à-dire obéissant à un cahier des charges précisant le plafond de remboursement ; -# les trois acteurs du secteur des complémentaires ont adopté sur le sujet des positions radicalement différentes : les mutuelles « traditionnelles » sont – par principe – hostiles à tout remboursement dans le cas des dépassements autorisés au secteur 1 comme elles le sont, idéologiquement, aux dépassements du secteur 2. Les assureurs privés n’ont aucun état d’âme, leur seule préoccupation étant de satisfaire une éventuelle demande. Enfin, les institutions de prévoyance – minoritaires mais non marginales sur le « créneau » – ont adopté une attitude médiane en suggérant un remboursement possible à 50 %… ; -# cette cacophonie est de nature à faire fuir le Gouvernement, peu porté à arbitrer un différend que, comme pour le secteur 2, le marché peut résoudre « spontanément ». Mais cette stratégie d’évitement, aisément compréhensible le temps de la campagne électorale référendaire, ne peut perdurer longtemps… sauf à compromettre le succès économique du parcours de soins. Si un seul acteur prend l’initiative de tout rembourser – quitte à inventer un système de « sur-complémentaire » non éligible aux déductions fiscales – c’est tout le secteur, concurrence oblige, qui devra s’aligner… ; -# avec pour conséquence de solvabiliser les dépassements hors-parcours et de réduire à néant les efforts de responsabilisation du consommateur de soins.

Les médecins ne peuvent évidemment se désintéresser de ce dossier : eux ont intérêt à voir les complémentaires supporter les « DA » comme des honoraires libres.

L’assurance maladie également dans la mesure où ces dépenses ne grèvent plus ses propres comptes. Il n’est guère que le Gouvernement – de Jean-Pierre RAFFARIN ou de son successeur – qui ne voudra pas s’exposer à un nouveau procès de favoriser la médecine « à deux vitesses ». Ce qui n’est pas plus fondé que par le passé mais c’est le genre de querelle dont un gouvernement affairé par ailleurs est naturellement tenté de faire l’économie : la solution retenue sera donc la moins coûteuse au plan politique ; esprits imaginatifs, ne pas s’abstenir…

Jean-Pol Durand

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Médecin traitant :
les spécialistes « enrôlent » leur famille

La CNAM a procédé à une intéressante « photographie » des choix de 5,7 millions de formulaires de choix de médecin traitant qui lui étaient parvenus à la mi-avril. Vingt cinq mille deux cent sept seulement avaient fait le choix d’un médecin spécialiste… Sachant que 10000 spécialistes seulement ont consenti à assumer ce rôle pour un effectif total de 60000 spécialistes ! Au total, les spécialistes n’auraient consenti à jouer le rôle de médecin traitant que pour 2,5 patients en moyenne… Il y a d’ailleurs tout lieu de penser qu’il s’agit là du médecin lui-même et de sa famille proche… Pronostic à valider avec la publication des chiffres définitifs du 30 juin, terme (théorique) de la période de choix.|

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