La CNAM va faire « SA » médecine, sans les médecins !

Par rapport à la coordination des soins, qui constitue le fondement de tout réseau, la valeur ajoutée du Disease Management est assurément le surinvestissement consenti dans l’éducation du patient, au point qu’il faut plutôt parler de « coaching » des malades ou de leur entourage. Le principe consiste donc à sélectionner, dans une population de malades chroniques, ceux des profils les plus à risque d’instabilité pour les soumettre à la pédagogie « proactive » d’une infirmière particulièrement formée à cette tâche et qui, à coups de messages répétés, souvent téléphoniques (mais d’autres supports peuvent être également mobilisés : brochures, courriels, SMS…), va littéralement accompagner le malade à distance. L’objectif est toujours le même partout dans le monde : éviter les hospitalisations itératives et coûteuses qui plombent la facture d’une maladie telle que le diabète ou l’insuffisance cardiaque. Ces deux pathologies étaient l’an passé désignées par le rapport de l’IGAS comme candidates naturelles à une expérience de « DM à la française », sous réserve – précisaient cyniquement les auteurs – d’en tenir à l’écart les médecins.

La CNAM a eu tôt fait de pénétrer par la brèche ainsi ouverte et son directeur, M. Frédéric Van Roekeghem, vient de convoquer la presse pour annoncer officiellement les « trois coups » de l’expérience que conduira son institution en mars dans le diabète sur une cible de 136.000 personnes dans le ressort géographique de dix caisses primaires (voir encadré ci-dessous).

Dans ces départements, ce sont les généralistes – 6.000 au total – qui auront charge de recruter les patients-candidats contre une rémunération forfaitaire de 2 C à l’enrôlement du patient et 1 C annuel au titre du suivi. La logistique du dispositif – revue adhoc publiée sous le titre « Sophia », nom de code de l’opération, plate-forme où seront appelés à opérer une dizaine d’infirmières et site internet – est, quant à elle, devisée pour un coût unitaire de 10 € par mois et par patient.

Pour cette expérience, la CNAM s’est attachée les conseils du cabinet de consulting international Accenture et a acheté l’essentiel du savoir-faire « intellectuel » au même prestataire américain Health Dialog qui venait justement de conclure un accord avec BUPA, l’assureur privé auquel ont recours les Britanniques qu’exaspèrent les listes d’attente à la porte de hôpitaux de sa Gracieuse Majesté.

Le problème dans cette affaire est moins le fait que la CNAM se passionne soudain pour l’accompagnement de ses patients en ALD – après tout à l’origine de 60 % de la dépense finale – que dans la façon dont elle s’érige en « opérateur direct » de la prise en charge, réduisant le corps généraliste au rang de simple agent recruteur et non d’acteur engagé comme l’étaient les pionniers des réseaux. Une évaluation du dispositif est prévue pour juin 2010 par un « organisme extérieur » (sans autre précision à ce jour) ; on espère qu’elle sera soumise à la même règle d’objectivité que celle qui prévaut dans les réseaux.(gallery)

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