Là où la médecine libérale manque, que l’hôpital prenne sa place…

Dans les zones manquant de médecins libéraux, les trois délégués à l’accès aux soins préconisent d’affirmer le rôle de « pivot » des établissements de santé dans l’organisation territoriale des soins.

Lors de la présentation en octobre 2017 du plan gouvernemental pour « renforcer l’accès territorial aux soins », le Premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avaient confié à trois délégués la mission de recenser des initiatives locales favorisant l’accès aux soins. Thomas Mesnier, médecin urgentiste et député (LREM, Charente), Elisabeth Doineau, sénatrice (UDI, Mayenne), et Sophie Augros, généraliste et présidente du syndicat des jeunes médecins ReAGJIR, ont récemment remis leur rapport à Agnès Buzyn. Articulé autour de 6 axes, ils identifient diverses « clés de réussite » destinées à favoriser l’accès aux soins. Les trois délégués et la ministre insistent sur le fait que ces outils ont vocation à être appropriés par les acteurs locaux au cas par cas, et non à être imposés « depuis Paris ». 

Au titre de l’axe « projection du temps médical »

Les délégués prônent la valorisation de « la responsabilité territoriale des établissements de santé ». Ils estiment que « le déploiement de consultations avancées entre sites hospitaliers (…) permet de renforcer l’offre spécialisée de proximité » et que « la projection de ressources hospitalières dans des structures en ambulatoire permet de garantir, grâce à la forte attractivité du statut salarié hospitalier, l’accès à des consultations médicales dans certains territoires dépourvus de ressources libérales ». Au-delà de deux Equivalent Temps Plein (ETP) médicaux, les auteurs estiment que « ce portage peut prendre la forme d’un centre de santé ». « La prise en compte de cette dimension dans les Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM) des établissements de santé serait un levier puissant pour mieux reconnaître les démarches de ce type », indiquent les délégués, qui proposent que cette pratique soit « modélisée » et prise en compte dans le financement des établissements, par exemple via un financement « dédié à la responsabilité territoriale » et assurant l’équilibre financier des projets de ce type en zones sous-denses. Il n’est pas sûr que cette extension du domaine hospitalier réjouisse les médecins spécialistes libéraux… 

Concernant l’axe « développement des stages ambulatoires et aide à l’installation »

Les délégués proposent d’améliorer les conditions matérielles de stage, notamment en créant des « internats ruraux », et en étendant la prime de stage aux élèves externes. Ils estiment que « l’ouverture d’un onzième mois de bourses sur ces critères sociaux pour les externes en médecine constitue une solution alternative, gage d’un soutien financier automatique ». Ils recommandent également d’améliorer la qualité des stages en réduisant ou supprimant le taux d’inadéquation et en prenant mieux en compte les retours d’expérience des stagiaires dans les décisions d’agrément grâce à une rénovation des grilles d’évaluation et à une révision plus fréquente des agréments. Les trois auteurs suggèrent aussi la généralisation des dispositifs d’accompagnement personnalisé au projet d’installation et le développement des compétences entrepreneuriales et gestionnaires des futurs médecins libéraux, pour mieux les préparer à leur installation. 

Au titre de l’axe « développement de l’exercice coordonné »

Ils proposent une meilleure formation et une meilleure reconnaissance des coordonnateurs en soins primaires et proposent d’accompagner les porteurs de projets d’exercice coordonné dès les premières étapes et tout au long du projet.

Quant à l’axe « révolution numérique en santé »

Ils suggèrent quelques « clés de réussite » pour accompagner le changement chez les professionnels comme chez les usagers. Les délégués envisagent ainsi l’accompagnement à la conception des projets de télémédecine, notamment en intégrant celle-ci au sein des futurs guichets uniques entre l’Assurance Maladie et les ARS, et en garantissant « une interopérabilité réelle entre les multiples logiciels et solutions métiers existants ». Sans en préciser la nature, c’est aussi un accompagnement qu’ils recommandent afin de favoriser l’appropriation de la télémédecine par les médecins et les patients, de même qu’ils préconisent de s’appuyer sur les CPTS pour concevoir et déployer les projets numériques, « particulièrement la téléconsultation de première ligne et la télé expertise » et de « permettre le recours à la télémédecine par d’autres professionnels de santé ». 

Les auteurs du rapport recommandent également de revaloriser financièrement l’exercice médical mobile et d’exonérer de Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) les médecins installant un cabinet secondaire en zone sous-dense.

Toujours dans ces zones sous-denses, ils proposent de généraliser les programmes d’éducation à la santé familiale pour limiter les usages non pertinents du système de santé, de réduire les motifs administratifs de consultations, et de « sécuriser fiscalement » les professionnels de santé. 

Lors de la présentation à la presse de ce rapport, Agnès Buzyn a invité les trois délégués à l’accès aux soins à poursuivre leurs travaux durant une année supplémentaire.

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