La science, le monde et Elon Musk

« Adviendra ce qu’il adviendra, peu importe, j’aurai exploité ma vision du monde et de son devenir, j’aurai exploité les possibilités du système, j’aurai asservi la logistique à mes idées, je serai devenu extrêmement riche et j’aurai bousculé et changé le monde » telle pourrait être la philosophie d’Elon Musk telle qu’on la comprend en lisant « Enquête sur Elon Musk. L’homme qui défie la science ». Elon Musk, vous savez, le meilleur ennemi de Jeff Bezos.

UN RAPPORT PARTICULIER À LA SCIENCE

Le livre écrit par Olivier Laskar, ingénieur et ancien journaliste de Sciences et Vie junior, décrit les principales entreprises créées, dirigées ou gérées par Elon Musk depuis qu’il a fait fortune en revendant PayPal : Tesla, Space X, Starship, Neuralink… Il en expose les défis, résolus ou en cours, les méthodes de Musk et son rapport à la science qui est très simple : avoir une vision globale, comprendre les problèmes et choisir les idées innovantes et rentables parmi celles qui lui sont proposées, exploiter les meilleurs chercheurs, essayer, jeter, recommencer, faire savoir au grand public qu’on innove, mais ne pas publier. Et pourtant, les sociétés de Musk n’arrêtent pas d’innover, de déposer des brevets, mais de publications scientifiques… point.

Il fallait donc l’œil particulier d’Olivier Laskar pour nous montrer les principales et réelles innovations qu’ont apportées les entreprises d’Elon Musk à la marche du monde : pari gagné sur ce plan.

UN RAPPORT PARTICULIER À LA MÉTHODE

La méthode essais et erreurs. L’épigramme du livre, tirée d’Herman Melville, le souligne, la méthode Musk est en partie « J’essaie tout, je réalise ce que je peux ». C’est en effet une des facettes de la méthode Musk : là où la recherche académique conceptualise, modélise et hésite, Musk fonce, casse, recommence et dépense mais en recherchant la solution la plus rentable in fine, car le retour sur investissement fait partie des objectifs majeurs de Musk. D’où, par exemple, l’idée des fusées réutilisables expérimentées jusqu’au succès.

Le chef, c’est lui. Comme le décrit Christophe Bonnal, spécialiste du CNES (centre national d’études spatiales) : « Lui-même, c’est le meilleur. Elon Musk est sans doute le plus grand ingénieur spatial depuis Wernher von Braun. Toute décision chez SpaceX sur le lanceur passe par lui. Il tranche, il fait des choix, c’est l’ingénieur en chef ».

Un art consommé de la publicité. Qui sait que Musk n’a pas créé Tesla mais l’a racheté avant de la développer ? Qui sait qu’il n’a pas été, loin s’en faut, le premier à développer des implants cérébraux ? Pourtant, pour beaucoup, c’est Musk qui crée et mène la danse. Certes, il mène la danse par ses innovations, mais pour plusieurs aspects, il sait reprendre ce que son intuition lui dicte. Et elle lui dicte souvent correctement ce qu’il faut faire et il sait alors le développer et le promouvoir.

UN RAPPORT PARTICULIER À L’ÉTHIQUE

Elon Musk est souvent décrit comme un libertarien, adepte d’une philosophie politique prônant un laissez-faire absolu en matière d’économie, une primauté de la liberté individuelle et d’expression et un rétrécissement maximal de l’État. Tout le laisse à penser et le vrai problème posé par la dynamique qu’il impose, comme pour Jeff Bezos et d’autres, est que le système capitaliste permet de mettre en œuvre des idées qui devraient rapporter gros, engendrant des sociétés et créant des individus ayant des moyens financiers supérieurs à ceux de bien des Etats et pouvant ainsi continuer à avancer jusqu’aux limites tenables, sans que les Etats n’aient parfois le temps, la possibilité ou la volonté de réagir. Ils bousculent les consensus, les modes de pouvoir, les démocraties. Mais pas que…

A ce sujet, la partie du livre consacrée à Neuralink qui développe des implants pour une interface cerveau-machine est assez édifiante. Ce qui peut être résumé en deux citations. La première de Philippe Menei : « A part tuer la mort, le transhumaniste n’a pas une vision thérapeutique au sens médical du terme. Il vise éventuellement l’immortalité, mais guérir les malades ou faire marcher des paraplégiques, cela ne l’intéresse pas vraiment ». Et la deuxième d’Eric Bruguière : « Musk a dû comprendre qu’il y avait dans ce domaine un potentiel à exploiter, de la même façon qu’il l’a senti dans d’autres disciplines, comme le spatial. C’est un bon placement qu’il fait très en avance ».

Alors, Elon Musk, génie ou escroc ?

EN SAVOIR PLUS…

Enquête sur Elon Musk. L’homme qui défie la science

    • Auteur : Olivier Lascar
    • Éditeur : Editions Alisio
    • Parution : Juin 2022
    • Pagination : 216 pages
    • Format broché : 18,00 euros
    • Format Kindle : 12,99 euros