La vaccination à l’officine fait débat

Lors de l’examen du PLFSS par l’Assemblée Nationale, les députés ont adopté un amendement qui autorise les pharmaciens, à titre expérimental, à pratiquer la vaccination antigrippale. Les médecins et les infirmiers n’en veulent pas, le public, si. 

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Initialement, le Gouvernement avait inscrit cette vaccination à l’officine, sans expérimentation, dans le projet de loi de santé, mais avait dû reculer devant le tollé chez les médecins et les infirmiers libéraux. On passera donc par la case expérimentation. L’amendement adopté prévoit  que le directeur de l’Agence Régionale de Santé (ARS) pourra autoriser, à titre expérimental eet pour une durée de trois ans, le financement pat le Fonds d’Intervention Régional (FIR) « de l’administration par les pharmaciens du vaccin contre la grippe saisonnière aux personnes adultes ».

Un décret à venir fixera les conditions de cette expérimentation, modalités de formation des pharmaciens, conditions techniques dans lesquelles les vaccinations devront être réalisées, conditions d’information du médecin traitant et modalités d’évaluation de l’expérimentation.

Marisol Touraine a approuvé cette mesure se disant satisfaite de voir « combien les esprits ont évolué ». « La première fois que j’avais évoqué cette possibilité, j’avais suscité une levée de bouclier sous prétexte qu’il s’agissait d’une remise en cause des prérogatives des médecins ». Que la ministre ne s’y trompe pas, ni les médecins, ni les infirmières libérales n’approuvent davantage aujourd’hui ce qu’ils continuent de percevoir comme un dépeçage de leur métier.

MG France rappelle que la vaccination n’est pas un geste technique simple mais suppose une évaluation préalable de l’historique médical et vaccinal du patient, une discussion sur les risques et les avantages, un suivi des éventuelles complications et une traçabilité, dans le dossier professionnel du médecin traitant. Le syndicat généraliste est partisan d’une solution « plus simple et très efficace » pour développer la « vaccination d’opportunité », consistant à demander aux pharmaciens de fournir chaque lundi aux médecins traitants qui le souhaitent un lot de vaccins pour les six jours suivants.

Une solution que préconise également la CSMF, qui considère que la multiplication des lieux de vaccination ne permettra pas d’améliorer la couverture vaccinale. « Rappelons que les infirmières procèdent déjà à des vaccinations et que cela n’a pas fait augmenter le taux de couverture vaccinale », indique le syndicat.

Quant à l’Ordre National des Infirmiers (ONI), il juge la vaccination par les pharmaciens « une très mauvaise idée » et estime qu’il s’agit d’ « un acte infirmier par excellence »…

Un accueil favorable en officine

Inutile de dire que du côté des pharmaciens, l’accueil à la vaccination en officine est très favorable. La Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO) la plébiscitent, sous réserve que les pharmaciens volontaires soient formés et que l’information du médecin traitant soit assurée. L’Académie de Pharmacie juge que les officinaux « peuvent contribuer utilement à l’amélioration de la prévention vaccinale collective au titre des soins de premier recours à côté des médecins et des infirmiers », et l’Ordre des Pharmaciens avait proposé une telle expérimentation début octobre, avant qu’elle ne soit adoptée dans le PLFSS 2017, sur la base d’un rapport international de l’International Pharmaceutical Federation (FIP) qui montre l’amélioration de la couverture vaccinale antigrippale dans les pays où la population peut se faire vacciner à l’officine et… la satisfaction du public.

Car le public est pour la vaccination dans les pharmacies ! En avril dernier, un sondage, réalisé par Opinionway et Satispharma à l’occasion de PharmagoraPlus, révélait que 78 % des patients y sont favorables et que 74 % se feraient vacciner à l’officine si cela était possible.

Autrement dit, le public appelle de ses vœux des délégations de tâche que décidément, les professionnels de santé peinent à mettre en œuvre.