Lalibela, patrimoine culturel de l’humanité

336 – Christian Ziccarelli – Fondée au XIIe siècle par la dynastie des Zagwé qui lui ont donné le nom de Roha (elle fut ensuite rebaptisée Lalibela ([Le premier Européen qui en a donné une description détaillée fut Francisco Alvarez, il parvint à Lalibela en septembre 1520…)]) et qui avaient décidé d’en faire leur résidence principale. L’avancée de l’Islam sous les Fatimides privait les chrétiens d’Éthiopie du pèlerinage sur les lieux saints de Jérusalem. « Moi, le roi Lalibela [vers 1185-1225], dont le nom de règne est Gabra Masqal (serviteur de la Croix), homme courageux qui n’est pas vaincu par les ennemis grâce à la puissance de la croix de Jésus-Christ (j’eus) le désir de construire une nouvelle Jérusalem avec un Golgotha, un Sépulcre, un Jourdain, et même un mont Sinaï ».

Une réalisation stupéfiante

L’idée de creuser un complexe d’églises monolithes à l’intérieur de la montagne était particulièrement audacieuse pour l’époque, demandant une ingéniosité et une habileté manuelle hors du commun. Du tuf de couleur rouge, ont été dégagés, sur toutes leurs faces, des édifices entiers, reliés entre eux par un labyrinthe de tranchées. Ce n’est qu’en Inde sur le mont Mérou que l’on retrouve une conception analogue, au temple hindouiste d’Ellora. Nous ne savons rien des chefs de chantiers, des ouvriers qui ont su concrétiser ce concept. Rien non plus du système employé pour l’échelle de réduction, ni de la méthode suivant laquelle les tranchées et les tunnels ont été tracés. Il en est de même pour l’évidement des espaces internes. Pour la petite église Saint-Georges (Beta Giyorgis), un chef d’oeuvre, il a fallu enlever 3 400 m3 de rocher dans la cour et environ 450 m3 à l’intérieur. Même l’évacuation des eaux de pluie était prévue ! Selon la légende, les douze sanctuaires auraient été creusés en vingt-quatre ans seulement.

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Une nouvelle Jérusalem

Les églises monolithes sont réparties en un groupe Nord (églises du Sauveur du monde, de Marie, de la Croix, des vierges, de Mikael, du Golgotha et de Saint-Georges) avec deux entrées principales (l’une depuis le torrent Jourdain, l’autre depuis la « tombe d’Adam ») et un groupe Est entouré par une large et profonde tranchée (églises de Saint-Raphaël, de Saint-Gabriel, de Saint-Mercurios, de Saint-Emmanuel…).

Une architecture empruntée à la culture axoumite ([L’architecture axoumite est symbolisée, notamment, par les célèbres stèles monolithiques d’Axoum. Un style caractérisé par des saillies décoratives dites « têtes de singe », en fait il s’agit de la reproduction en pierre des poutres de bois antérieurement utilisées dans la construction.)]

Les édifices sombres sont le plus souvent de simples chapelles à la décoration frustre. Ailleurs, ils sont plus élaborés et de plan basilical (avec ou sans narthex). Les fenêtres constituées de lucarnes en forme de croix grecques, de svastikas, rappellent les imitations sculptées dans la pierre d’une construction alliant le bois et la pierre typique de l’époque antérieure au Xe siècle. Un peu à l’écart Beta Giyorgis, majestueux monument suscitant l’admiration, en forme de croix grecque, s’élève sur un large soubassement à trois gradins. Le toit sculpté de croix imbriquées les unes dans les autres annonce au niveau du sol le sanctuaire. ■

|L’Ethiopie fut le deuxième pays christianisé après l’Arménie vers 333 après J-C. Selon le Livre des Saints, Ezana, le roi d’Axoum, se convertit au christianisme grâce à un précepteur syrien, Frumentius nommé ensuite évêque d’Axoum par Saint Anathase. Tandis que l’Église se range dans le camp monophysite (concile de Calcédoine en 456), comme en Égypte, la foi se répand lentement et des lieux de culte couvrent alors le pays : Notre-Dame-de-Sion à Axoum, basiliques de Matara et d’Adoulis, églises troglodytes du Tigrè… La croix (pendentif, manuelle, de procession) est le symbole par excellence de l’Ethiopie chrétienne. Le guèze, langue sémitique est la langue de la liturgie. Le christianisme est imprégné d’éléments d’apparence ou d’origine hébraïque ou judaïque (pratique de la circoncision, interdits alimentaires et sexuels, respect du Sabbat en plus du dimanche…).|(gallery)