Le cardiologue et la CMU

319 – L’application de la CMU par les cardiologues se réfère à un certain nombre de textes, et notamment : – la loi du 27 juillet 1999 qui l’instaure ; – la convention de 2005 ; – l’avenant conventionnel n° 21 du 19 avril 2007 ; – la circulaire du 30 juin 2008 de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Nous verrons quelques points pratiques qui en découlent.

Tiers payant

Il est inutile de rappeler que le bénéficiaire de la CMU a droit au tiers payant systématique.

CMU et absence de médecin traitant

Il a été reconnu que l’adhésion au dispositif du médecin traitant chez les bénéficiaires de la CMU était inférieure à celle du reste de la population.

Il en résultait un préjudice financier pour les médecins qui étaient moins bien honorés, puisqu’ils ne pouvaient pas coter de majoration conventionnelle MCS.

L’avenant conventionnel 21 a levé cet inconvénient et prévoit que la majoration de coordination sera réglée par la caisse, même si le patient n’a pas désigné son médecin traitant. « Ã la suite du troisième alinéa de l’article 7.2 de la convention nationale, est ajouté : « Par dérogation, à titre transitoire et au plus tard jusqu’à la fin de la présente convention, lorsqu’à l’occasion d’une consultation auprès d’un bénéficiaire de la CMU complémentaire, le médecin correspondant, indépendamment de son secteur d’exercice, a facturé une majoration de coordination et qu’il est constaté que l’assuré n’avait pas déclaré de médecin traitant, cette majoration est versée par l’organisme d’Assurance Maladie au praticien au titre de la dispense d’avance des frais ».

Par contre, depuis cet avenant, il interdit de facturer un DA aux bénéficiaires de la CMU. Cette possibilité était en fait peu pratiquée.

CMU et secteur 2

La convention de 2005 autorise les médecins de secteur 2 à coter les majorations conventionnelles pour les bénéficiaires de la CMU : – MPC et MCS (art. 7.2) ; – MCC (art. 7.3).

D.E.

Il est possible, comme à tout assuré social, de demander au bénéficiaire de la CMU (art. 4.1.3.1 de la convention) un DE en cas de circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical (art. 4.3 de la convention). Le montant du dépassement, qui n’est pas remboursable, est librement fixé, en respectant le principe du tact et de la mesure (cf. article de J.-P. Durand dans le n° 318 du Cardiolologue).

Droits et devoirs de chacun

Une circulaire de la C.N.A.M. du 30 juin 2008 établit un certain nombre de règles et de critères précisant les droits et devoirs des professionnels de santé vis-à-vis des bénéficiaires de la CMU, de ceux-ci, vis-à-vis des premiers, et des caisses.

Devoirs des professionnels de santé

La circulaire précise un certain nombre de situations pouvant être assimilées à un refus de soins et pouvant faire l’objet de sanctions : – la fixation tardive, inhabituelle et abusive d’un rendez-vous ; – l’orientation répétée et abusive vers un autre confrère, un centre de santé ou la consultation externe d’un hôpital, sans raison médicale énoncée ; – le refus d’élaborer un devis (cela concerne les chirurgiens-dentistes) ; – le non-respect des tarifs opposables (sauf en cas d’exigence particulière du patient ou, pour les actes dentaires, la facturation d’actes « hors panier de soins » ou hors nomenclature, sous réserve d’obtenir l’accord du patient et de lui remettre un devis) ; – l’attitude et le comportement discriminatoire du professionnel de santé ; – le refus de dispense d’avance des frais…

Devoirs des bénéficiaires de la CMU

Les caisses ont estimé qu’un certain nombre de griefs des professionnels de santé sont admissibles et la circulaire liste des exemples de ce qui doit être considéré comme un non respect de leurs devoirs par les bénéficiaires de la CMU : – retard injustifié aux rendez-vous ; – rendez-vous manqués et non annulés ; – traitements non suivis ou interrompus ; – exigences exorbitantes…

Le bénéficiaire de la CMU doit également présenter son attestation mise à jour.

Devoirs des caisses

Ils sont rappelés dans la circulaire : « Il est demandé aux caisses de porter une attention particulière et de traiter en priorité les réclamations portées par les professionnels de santé relatives au remboursement des soins pratiqués avec dispense d’avance des frais ».

L’avenant conventionnel n° 21 précise en outre que « Les professionnels qui assurent la dispense d’avance de frais ont droit à un remboursement rapide des soins assurés ». (Dans sa grande prudence, le texte ne va pas jusqu’à donner une définition précise de la « rapidité »…).

Conséquences d’une attitude discriminatoire vis-à-vis d’un bénéficiaire de la CMU

La circulaire du 30 juin 2008 décrit toute une procédure menée par un « conciliateur » de la caisse, en cas de plainte.

Les suites peuvent être, pour le médecin concerné : – un simple rappel des sanctions possibles ; – la saisine du Conseil de l’Ordre ; – la saisie de la direction départementale de la concurrence et des prix en cas de refus de soins ; – la saisie de la HALDE (haute autorité contre les discriminations et pour l’égalité).

Commentaires

Les réactions engendrées par la CMU sont souvent disproportionnées. Il n’est pas sûr que le foisonnement de textes législatifs et réglementaires la concernant contribue à la sérénité. Les diverses déclarations donnent l’impression désagréable que toutes les difficultés ponctuelles sont instrumentalisées pour donner une image négative du corps médical.

Tout est excessif. Deux exemples :

– la circulaire du 30 juin 2008 de la CNAM énonce en préambule que 41 % des spécialistes refusent de prendre en charge les bénéficiaires de la CMU. Cette affirmation est évidemment erronée et ne repose sur aucune étude sérieuse sur l’ensemble du territoire. Elle permet de stigmatiser ceux que l’on présente d’emblée comme des coupables et de justifier les sanctions proposées ; – le projet ministériel de la loi H.P.S.T. (le texte définitif n’est pas encore connu lors de la rédaction de cet article) prévoit d’inverser la charge de la preuve en cas de plainte d’un bénéficiaire de la CMU contre un professionnel de santé. En d’autres termes, celuici est considéré a priori là aussi comme coupable et c’est à lui de se justifier s’il ne veut pas être condamné. Certains députés, grâce d’ailleurs à un intense travail de lobbying des syndicats médicaux, commencent à penser (merci Messieurs pour votre perspicacité…) que cette mesure risque d’être considérée comme inutilement vexatoire pour le corps médical et proposent de la supprimer.

Les cardiologues doivent être conscients des conséquences très désagréables que peut avoir pour eux ce climat de suspicion.

Deux exemples à nouveau : – dans la presse : un cabinet de cardiologie, nommément désigné, a été mis au pilori dans un grand quotidien régional, sur cinq colonnes et une demi-page à propos d’une prétendue attitude discriminatoire vis-àvis d’un bénéficiaire de la CMU. Il s’agissait d’une calomnie, mais l’état d’esprit est tel que le journaliste n’a pas cherché à vérifier ses sources, ni croiser ses informations, ni même interroger les cardiologues incriminés. Le Syndicat Régional a pu démontrer la supercherie, mais sa réponse n’a eu droit qu’à quelques lignes en bas de page ; – au niveau de l’Ordre : un cardiologue a été récemment condamné à un avertissement par la section disciplinaire de son ordre régional pour « interruption de soins pour des raisons pécuniaires ». En fait, il s’était trouvé devant un patient prétendant bénéficier de la CMU, mais ne disposant d’aucune attestation. Notre collègue a pratiqué un premier acte gratuit, afin de s’assurer de l’absence de toute situation urgente et il a reporté de quatre jours le reste du bilan, afin que l’intéressé puisse entre temps régulariser sa situation administrative. Là aussi, les conseillers ordinaux ont perdu le sens de la mesure et il faut espérer qu’en appel l’Ordre National se montrera plus objectif.

Les excès se produisent d’ailleurs dans les deux sens. La proposition de la circulaire de la CNAM, suivant laquelle un médecin pourrait se plaindre auprès de sa CPAM qu’un bénéficiaire de la CMU ne suit pas son traitement, est très choquante. Ces faits relèvent du dialogue singulier médecin-malade et sont couverts par le secret professionnel. Devant une telle suggestion, on a envie d’être trivial et de demander aux caisses de quoi elles se mêlent.

En pratique quotidienne, heureusement, les choses ne se passent pas ainsi. Il y a évidemment de temps à autre des difficultés relationnelles avec des bénéficiaires de la CMU. Il s’agit en général de patients plutôt jeunes, en bonne santé, et dont on se demande ce qu’ils viennent faire dans un cabinet cardiologie.

Pour l’immense majorité, et en particulier pour ceux qui nécessitent un suivi cardiologique, il n’est constaté aucun problème particulier, aussi bien pour le malade, pour trouver un cardiologue que, pour celui-ci, pour suivre son patient.

La principale difficulté, en fait, provient des caisses qui ne respectent pas toujours leur engagement conventionnel de régler rapidement les honoraires, qui ne sont pas toujours rigoureuses dans le respect de la facturation (CSC réglées sur la base d’un CS, incapacité pour certaines à gérer le forfait de 18 €, etc.) et qui ne répondent pas toujours aux réclamations qui leur sont adressées.

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