Le cardiologue, son patient et le vaccin contre le SARS-CoV-2 Episode 1

Nous vivons un moment historique dans une épidémie : la mise à disposition de vaccins efficaces, dans des délais inédits et de façon massive, alors qu’il n’y a toujours pas de traitement curatif. Même si un tel événement s’accompagne logiquement de nombreux problèmes que les esprits chagrins prennent plaisir à rappeler, n’oublions pas le fait essentiel : il s’agit d’un exploit. Et la critique, facile, ou les problèmes rencontrés, ne doivent pas démotiver tous les acteurs de l’immense chaine logistique de la vaccination.
En consultation, nos patients posent des questions relatives au vaccin auxquelles ils attendent des réponses simples. Que répondre à certaines d’entre elles ? Le point avec François Diévart

Docteur, dois-je me faire vacciner ?

Oui, il faut se faire vacciner

Et il faut encourager la vaccination. La HAS indiquait sur ce point que la décision partagée de vaccination repose sur un colloque singulier du patient avec le médecin et qu’elle est fondée sur les éléments suivants :

  • Evaluation de la situation clinique,
  • Information sur les bénéfices et les risques des vaccins et préférences,
  • Questionnements et craintes.

Le médecin, un référent

Si l’on pouvait s’attendre à des questions précises et critiques sur le vaccin, dans la pratique les médecins constatent que dans la majorité des cas, plutôt qu’une réponse critique, nuancée ou argumentée, les patients recherchent l’approbation de leur médecin sur un choix qu’ils semblent préférer, se faire vacciner. Face aux nombreux conseils dispensés, les personnes âgées notamment, hésitent et s’en remettent à l’avis de leur médecin.

Le vaccin, oui, mais continuons de respecter les gestes barrières

Il semble donc utile de conforter les patients par un oui franc, en indiquant que le vaccin, associé aux gestes barrières, est le meilleur moyen actuel d’arriver au terme de l’épidémie.

Adapter sa stratégie d’argumentation

Si le patient pose d’autres questions, laissons-le s’exprimer librement. Il faut alors argumenter en fonction de ses préférences, questionnements et craintes.

  • Bénéfice-risque : préciser que le risque zéro n’existe pas et rappeler que le rapport bénéfice-risque dans la situation actuelle penche nettement pour le vaccin.
  • Logistique : il est nécessaire d’atténuer les critiques vis-à-vis des problèmes de logistique et de rappeler que nous disposons enfin d’un vaccin.
  • Rendez-vous : guider les patients sur les moyens d’obtenir un rendez-vous pour se faire vacciner.

Docteur, je suis sous anticoagulant, puis-je me faire vacciner ?

Ici, il y a consensus scientifique : il est possible de vacciner une personne recevant des anticoagulants, mais sous certaines précautions.

La vaccination par voie intramusculaire (IM) n’est pas contre-indiquée chez les patients sous anticoagulants ou ayant un trouble de l’hémostase. Certaines précautions sont toutefois nécessaires.

En cas de prise d’AVK, l’INR doit être dans la cible thérapeutique. L’injection IM doit être faite dans le muscle deltoïde. Il faut utiliser une aiguille de petit calibre puis, une fois l’injection faite, exercer une pression ferme au point d’injection sans masser ni frotter pendant au moins 2 minutes. Il est obligatoire d’informer le patient du risque d’hématome.

En cas de trouble de l’hémostase, la vaccination par voie IM pourra être effectuée dans les mêmes conditions si l’intérêt de la vaccination l’emporte sur le risque.

Il est recommandé de ne pas injecter le vaccin par voie intraveineuse, sous-cutanée ou intradermique.

Docteur, avec ma maladie cardiaque, suis-je prioritaire pour être vacciné ?

Cela dépend de la maladie.

La stratégie vaccinale choisie par la France est celle d’une mise en place progressive de la vaccination allant des personnes les plus à risque qui sont prioritaires, aux personnes les moins à risque, dont le tour viendra.

Cette stratégie se décline en 5 phases successives et nous en sommes à la phase 2.

La phase 1 concerne les résidents d’établissements accueillant des personnes âgées, les résidents en services de longs séjours (EHPAD, USLD …) et les professionnels exerçant dans les établissements accueillant des personnes âgées (en premier lieu en EHPAD, USLD) ayant eux-mêmes un risque accru de forme grave/de décès (plus de 65 ans et/ou présence de comorbidité(s)).

La phase 2 concerne les personnes de 75 ans et plus, en commençant par les personnes les plus âgées et/ou celles ayant une ou plusieurs comorbidité(s), puis les personnes de 65-74 ans, avec en priorité celles ayant au moins une comorbidité, puis les professionnels du secteur de la santé et du médico-social âgés de 50 ans ou plus et/ou ayant une ou plusieurs comorbidité(s) quel que soit leur mode d’exercice.

Les comorbidités sont les suivantes :

  • l’obésité (IMC >30), particulièrement chez les plus jeunes ;
  • la bronchopathie chronique obstructive et l’insuffisance respiratoire ;
  • l’hypertension artérielle compliquée ;
  • l’insuffisance cardiaque ;
  • le diabète (de type 1 et de type 2) ;
  • l’insuffisance rénale chronique ;
  • les cancers et maladies hématologiques malignes actives et de moins de 3 ans ;
  • le fait d’avoir une transplantation d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
  • la trisomie 21.

On remarque donc qu’une maladie coronaire stable ou un syndrome coronaire aigu récent, de même qu’une valvulopathie stable, dès lors qu’il n’y a pas insuffisance cardiaque (ou diabète ou HTA compliquée) ne font pas partie des comorbidités donnant accès prioritairement à la vaccination.

Confraternellement

Marc Villacèque
Président du SNC

Serge Cohen
Président du CNCF

François Dievart
Secrétaire scientifique du CNCF

image_pdfimage_print