Le Cheval de Troie de l’hôpital public dans le secteur libéral

336 – CardioNews – Le Journal officiel du 16 octobre a donc publié le texte du décret du recrutement de praticiens à l’hôpital en « super-CDD ». En quoi consiste donc ce statut de « CDD doré » comme le qualifie justement Le Quotidien ?

1/ Recrutement là où des postes de PH, à temps plein ou à temps partiel, sont encore vacants mais non pourvus après mise en fermeture des candidatures … Difficile à Paris sans doute mais accessible donc dans le Nord, à la Martinique ou même en Languedoc Roussillon ! 20 % des postes selon une estimation vieille de 2008. La liste des postes mis au concours est régulièrement publiée sur le site du CNG et c’est là, préférentiellement au chapitre des hôpitaux généraux, qu’on trouvera « chaussure à son pied ».

2/ Les modalités d’embauche ne sont pas si complexes ! Un contrat passé avec le directeur, sur avis du chef de pôle (dans le cas où c’est lui que recrute) ou du président de CME dans le cas où le poste à pourvoir est justement … celui d’un chef de pôle. Il faut pour postuler avoir un casier judiciaire vierge et être inscrit au tableau de l’Ordre. Rien que de très normal. Le contrat est signé pour une période de 3 ans, renouvelable une fois, et n’est donc accessible que pour 6 ans mais on peut penser que nombre de chefs de clinique, éconduits à la porte de la carrière hospitalo-universitaire, y trouveront un dérivatif bienvenu…

3/ … et rémunérateur ! Le décret détaille le mode de calcul fondé sur la grille de rétribution des PH (la dernière en vigueur porte la date du 12 juillet dernier) : 48 978,59 € au premier échelon et 88 939,41 € au 13e et dernier échelon (24 ans d’ancienneté). Ceci pour la partie fixe mais la pépite est ailleurs : une part supplémentaire variable « subordonnée à la réalisation d’engagements particuliers et d’objectifs » prévus au contrat. Au moins celles des PH titulaires peut-on penser, au moins en matière de PDS. Mais c’est cette part variable qui représente le plus intéressant gisement financier. En effet elle est plafonnée à …65 % du dernier échelon de la grille, soit 57 810 61 €… Si, si vous avez bien lu : le plafond accessible par ce statut, que serait fondé un cardiologue pouvant exciper de 24 ans d’ancienneté dans sa spécialité s’élève à 146 750 €. Bruts bien sûr … mais aboutissant à une rétribution nette mensuelle de l’ordre de 7 500 € par mois (déduction faite des charges sociales personnelles et patronales, selon nos calculs). De quoi s’interroger, quand même, sur la moralité du « mercenariat » et sur la solidité de sa vocation libérale ! On comprend les PH qui exigent désormais une augmentation de …65 %.

4/ On aura compris qu’il ne s’agit là que d’un plafond mais que les contrats seront négociés individuellement entre le candidat et le directeur d’établissement qui sera d’autant plus enclin à la générosité qu’il se désespère depuis longtemps de pourvoir un poste désespérément vacant. Ne vous attendez pas pour autant à d’autres avantages conséquents : pas droit aux RTT mais quand même les conditions ordinaires d’exercice public (24 heures de repos consécutifs à la garde). Pas le droit non plus d’accéder à un secteur hospitalier privé (privilège de PH, il faut bien qu’il leur en reste) mais quand même le droit de cumuler ce statut avec un exercice libéral en cas d’exercice sous ce statut à temps partiel (entre 4 et 9 demi-journées par semaines).

5/ Autant les conditions d’accès sont, à la porte d’entrée, réduites à leur plus simple expression…, autant celles de sortie le sont aussi et la clause des « objectifs qualitatifs et quantitatifs » inatteints peut vous être opposée pratiquement sans préavis. Mais l’exercice du droit syndical est néanmoins reconnu et on peut très logiquement postuler qu’un syndicat de ces nouveaux mercenaires verra le jour avant quelques mois !

Car si les PH sont « vent debout » contre ce statut de super-mercenaire hospitalier, les directeurs d’établissements sont aussi farouchement favorables … Joyeux échanges en perspective au sein des nouveaux « directoires » d’hôpitaux.

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