Le délicat passage du public au privé

à l’issue de leur clinicat de deux ans, renouvelable une fois, soit au bout de quatre ans en post internat, un praticien peut s’installer en libéral sans problème. Les dernières statistiques de l’Ordre montrent qu’ils sont peu nombreux à le faire : parmi les nouveaux cardiologues inscrits au tableau ordinal au 1er janvier dernier, moins de 5 % (4,7 % exactement) des nouveaux cardiologues inscrits au tableau de l’Ordre au 1er janvier dernier ont choisi le secteur libéral, 85,30 % ayant opté pour le salariat. Installé lui-même depuis deux ans en libéral (à mi-temps), Benoît Lequeux avance une explication parmi d’autres : « La lourdeur administrative que représentent l’installation et l’exercice en libéral est dissuasif, et nous ne sommes absolument pas formés à cela au cours de nos études. Pour des certains, qui ne sont pas extrêmement motivés, c’est trop lourd. »

Pour autant, il arrive que ceux qui ont choisi le secteur public aspirent à rejoindre le secteur privé au bout d’un certain temps, les conditions d’exercice à l’hôpital n’offrant plus aujourd’hui autant d’attractivité que naguère.

Mais pour ces médecins qui ont passé le concours de praticien hospitalier, le « passage » peut s’avérer difficile. D’autant que la loi HPST a introduit une nouvelle disposition selon laquelle un PH ne peut pas s’installer en secteur privé dans une zone proche de l’établissement public où il exerce durant les deux ans qui suivent son départ de cet établissement.

« Mais le décret d’application n’est toujours pas paru, explique Philippe Burnel, délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Le ministère a donc donné comme instruction d’appliquer la règle commune à tous les fonctionnaires qui souhaitent passer dans le privé : ils doivent passer devant une commission de déontologie qui les autorise ou non à le faire. Dans deux cas récents, la commission a donné un avis favorable au passage dans le secteur privé, mais également un avis défavorable concernant les cliniques que les médecins souhaitaient intégrer, parce qu’elles ont été jugées directement concurrentes avec l’hôpital. Dans les deux cas, les avis étaient justifiés. L’un des médecins, notamment, étant le seul à exercer son activité dans l’établissement public qu’il quittait, son départ signifiait donc la suppression de cette activité à l’hôpital public au profit de la clinique privée. »

Selon Philippe Burnel, ce décret d’application pourrait bien ne jamais voir le jour… « Cela supposerait de préciser, notamment, ce qu’on entend par “établissement concurrent”, et ce n’est pas simple. Le critère de proximité géographique est loin d’être pertinent : deux établissements peuvent être proches et ne pas être concurrents. En fait, je pense que la loi était inutile et qu’il n’y avait pas lieu de faire une exception pour les praticiens de la fonction hospitalière. Le passage devant la commission de déontologie pour tous les fonctionnaires est une bonne chose. » Cependant, la FHP reste très attentive aux avis rendus, et à ce que, composée exclusivement de fonctionnaires – dont des fonctionnaires hospitaliers – cette commission ne statue pas selon une logique uniquement fonction publique… « Ã cet égard, souligne Philippe Burnel, le discours actuel des doyens au sujet des conditions optimales que doivent offrir les cliniques privées aux internes qui peuvent désormais y faire des stages, cache peut-être aussi la crainte qu’ils ont de voir ces internes ne pas revenir dans le secteur public après leur internat, et rester dans le privé… » Selon lui, l’attractivité financière du privé doit être relativisée : « L’idée selon laquelle le privé paye mieux est loin d’être toujours fondée, cela dépend très fortement des spécialités. Si cela est vrai pour la radiologie, par exemple, c’est tout à fait faux pour la pédiatrie où les praticiens hospitaliers gagnent bien mieux leur vie que les libéraux. Beaucoup de jeunes étant attirés par le salariat, l’hôpital n’est pas sans argument. Par ailleurs, la vraie compétition ne concerne pas tant l’aspect financier que les conditions d’exercice, qui se sont dégradées à l’hôpital public. C’est cela le vrai problème. »

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