Le Dr Benoît Lequeux prend la tête de la Commission numérique du SNC. Une nouvelle mission qui sonne comme une évidence pour ce passionné du numérique.
Benoît Lequeux, où exercez-vous et quel type d’exercice avez-vous ?
J’exerce à Poitiers. Je suis praticien hospitalier à mi-temps et j’ai également une activité libérale. Nous sommes 4 associés (3 cardiologues et 1 angiologue) et nous travaillons chacun avec une assistante médicale.
Vous succédez à Dimitri Stepowski comme président de la commission numérique au sein du SNC. Quel est le rôle de cette commission ?
Notre commission a une double mission : accompagner les praticiens dans l’évolution des cabinets, et faire le lien entre les acteurs de la santé et les acteurs du numérique. Dans ce cadre, nous identifions les outils les plus performants pour nous aider au quotidien. Il en existe beaucoup mais tous ne sont pas forcément pertinents pour notre pratique.
La commission travaille notamment sur 3 axes liés à l’usage des outils connectés et à l’intelligence artificielle : l’aide à la décision, la médecine prédictive et l’aide à la décision thérapeutique.
Deux autres sujets me tiennent à cœur :
- La cybersécurité : Les cabinets ne sont pas assez protégés alors que les données de santé sont sensibles. Les hôpitaux sont la cible de cyber-attaques et rien n’empêcherait un pirate de s’attaquer à un cabinet libéral. Nous devons sensibiliser les médecins sur ce sujet.
- Les données de santé : Les cabinets recèlent des banques de données phénoménales mais qui ne sont pas exploitées. Pourtant l’IA sera bientôt capable d’aller chercher les taux de cholestérol, les glycémies, les arythmies … Il est important de savoir comment utiliser ces données pour aider le praticien au quotidien : identifier les patients à revoir régulièrement, recevoir des alertes plus fréquentes par exemple en fin de vie d’un pacemaker … Pour le dire simplement, la médecine augmentée par l’IA permettrait de faire de la médecine prédictive et de mieux dépister et gérer les patients.
Quels sont vos projets pour la commission ?
Je prends mon poste ce mois-ci. Je vais découvrir ce qui a été mis en place et ensuite développer les axes mentionnés ci-dessus. Je pourrai me mettre en relation avec les différents intervenants et travailler avec les acteurs, les fabricants de matériel, pour qu’ils comprennent les besoins et les problématiques des acteurs de terrain. Tous les cardiologues souhaitant travailler dans cette commission sont les bienvenues ? Je leur donner rendez-vous le vendredi 19 janvier à 10h au stand du syndicat.
Parlez-nous un peu plus précisément du numérique. On en parle, mais quel usage en faîtes-vous aujourd’hui ?
Je suis passionnée d’informatique depuis l’âge de 8 ans et je baigne dans le numérique aussi bien à la maison qu’au cabinet.
Au cabinet, j’ai en partie monté le réseau du cabinet et je suis très au fait des règles en matière de cybersécurité. J’ai d’ailleurs passé des certificats spécifiques sur ce sujet.
J’estime que le numérique est un outil qui permet d’augmenter la médecine, d’aller au-delà du socle traditionnel. Il ne s’agit pas de remplacer le médecin mais de lui permettre de s’approprier des outils qui l’aideront dans sa pratique.
En ce qui concerne l’intelligence artificielle, ça va arriver très vite et j’ai déjà commencé à l’utiliser dans plusieurs domaines. Il est passionnant de réfléchir à l’évolution des pratiques qui va en découler. Cette évolution est nécessaire et permettra de s’approprier ces nouveaux outils pour les utiliser au bénéfice du patient.
En ce qui concerne l’intelligence artificielle, ça va arriver très vite. Il est passionnant de réfléchir à l’évolution des pratiques qui va en découler. Cette évolution est nécessaire et permettra de s’approprier ces nouveaux outils pour les utiliser au bénéfice du patient.
Vous semblez penser que cette évolution est inéluctable. Pourquoi les cardiologues doivent-ils se saisir du numérique aujourd’hui ou a minima se préparer à l’utiliser davantage ?
Le développement de l’intelligence artificielle est exponentiel, on ne reviendra pas en arrière. On a déjà connu cela avec d’autres outils en cardiologie. L’Europe a d’ailleurs voté l’IA Act pour en limiter l’utilisation malfaisante.
Parallèlement à cette évolution technologique, l’augmentation du nombre de patients et de données à gérer, alors que nous sommes de moins en moins nombreux, nous pousse à recourir au numérique. La délégation de tâches aux IPA ne suffira pas pour faire face à l’accroissement des maladies cardiovasculaires.
Grâce au numérique, nous pourrons plus facilement identifier les patients à risque et les suivre au quotidien. La TS permet déjà de dépister et de suivre plus facilement l’IC et de mieux la prendre en charge pour éviter les hospitalisations en urgence. Les demandes vont augmenter au fur et à mesure que l’offre de soins va se raréfier. Il devient urgent d’organiser l’usage du numérique : le point démographique le plus bas est attendu dans les 5 ans.
En résumé, la médecine augmentée, c’est du on top : cela va nous permettre d’avoir une pratique plus efficiente, de dépister plus rapidement les patients fragiles et de mieux les prendre en charge. Nos bases de données nous permettront de le faire.
Quelles sont les étapes pour bien démarrer la conversion numérique de son cabinet ?
La télésurveillance, la téléconsultation et la téléexpertise constituent la base de la conversion numérique. Ces activités sont passées dans le droit commun et sont financées par l’assurance maladie. Le cardiologue peut démarrer facilement en s’équipant d’outils validés et certifiés pour cet usage.
Tous les outils ne le sont pas. Le ministère lance d’ailleurs un appel à projets pour réaliser des études médico-économique pour établir l’efficience des outils qui sont aujourd’hui proposés par les start-ups qui pullulent sur le marché.
Est-ce qu’il y a des outils à développer pour expliquer le numérique en santé aux patients en ce qui concerne la cardiologie ?
Une étude de l’INSEE montre que l’utilisation du numérique est fonction de la génération à laquelle on appartient. Il est certain que certains patients ne se serviront jamais du numérique mais ceux qui ont aujourd’hui 65-70 ans l’utilisent déjà et continueront à s’en servir. Ils n’auront pas de difficulté à s’approprier les outils connectés nécessaires à la télésurveillance et même la téléconsultation, même si celle-ci est moins développée aujourd’hui.
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