Le gouvernement négocie le virage numérique en santé

CPS et carte Vitale dématérialisées, e-prescription, plateformes nationales pour les usagers et les professionnels, une gouvernance renforcée par la création de nouvelles instances : Agnès Buzyn a dévoilé la stratégie – et son calendrier – pour le « virage numérique en santé ».

C’est dans les locaux de l’ancien hôpital Boucicaut, dans le XVe arrondissement de Paris, transformé en incubateur de start-up en santé, qu’Agnès Buzyn a choisi de présenter il y a quelques semaines la feuille de route pour accélérer le virage numérique. «  Le numérique vise un objectif clair et ambitieux, placer la France parmi les pays à la pointe de l’innovation en santé », a déclaré la ministre de la Santé, précisant qu’ « il ne s’agit pas de se lancer dans une course effrénée à l’innovation mais de profiter des opportunités qu’offre le numérique en santé pour organiser la transformation de notre système de soins ». 

Pour ce faire, le gouvernement a concocté une stratégie en 26 actions et un calendrier sur trois ans. A la tête de ce chantier, Dominique Pon, directeur général de la clinique Pasteur de Toulouse, et Laura Létourneau, ex-cheffe de l’unité « Internet ouvert » à l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP).

Copilotes du chantier numérique de la stratégie « Ma santé 2022 » depuis novembre dernier, ils sont respectivement nommés responsable et déléguée ministériels du numérique en Santé au sein de la nouvelle Délégation ministérielle du Numérique en Santé (DNS).

Définir la politique du numérique en santé

Dépendant directement de la ministre, la DNS aura pour mission de définir la politique du numérique en santé, de soumettre annuellement à la ministre une feuille de route et les budgets associés, de coordonner l’ensemble des acteurs institutionnels nationaux et régionaux, et de superviser le pilotage de l’ensemble des chantiers de transformation numérique en santé. Elle intégrera une partie de la Délégation à la Stratégie des Systèmes d’Information de Santé (DSSIS), qui va être supprimée, et la Délégation au Service Public d’Information en Santé (SPIS).

Pour mener ses missions, la DNS s’appuiera sur tous les organismes publics intervenant dans le champ du numérique en santé (DGOS, DGS, DGCS, DREES, DSS, HAS, CNAM, etc.). En outre, la DNS « assurera un pilotage resserré de l’Agence du Numérique en Santé (ANS) », nouvel organe créé en remplacement de l’Asip Santé, qui disparaît. A cette ANS, reviendra d’assurer « la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie définie par la DNS ». Ces deux nouveaux organismes créés pour « renforcer la  gouvernance numérique en Santé » seront installés d’ici décembre prochain, a indiqué Agnès Buzyn, qui a également précisé « la relance du Conseil du Numérique en Santé (CNS) comme instance de concertation sur le virage numérique ».

Au sein du CNS, une cellule aura pour mission « de faire de l’éthique un élément central dans le virage numérique en santé, notamment grâce à l’élaboration d’outils pratiques de sensibilisation, d’évaluation et de labellisation à destination des professionnels de santé, des industriels, des usagers et des pouvoirs publics ».

Accélérer dans l’e-santé

Agnès Buzyn a aussi annoncé des mesures plus concrètes pour marquer une accélération dans l’e-santé via des services socles et des projets de plateformes nationales. Ainsi, la Carte Professionnelle de Santé (CPS) sera dématérialisée et étendue à tous les professionnels de santé pour améliorer l’authentification et l’identification de l’ensemble des acteurs de santé. les premiers tests seront réalisés de juin à décembre pour un usage réel en 2020 et une montée en charge jusqu’en 2022. La carte Vitale prendra aussi le chemin de la dématérialisation via l’application Carte Vitale, « apCV », qui permettra aux patients d’accéder à leurs droits et de bénéficier de démarches en ligne, comme la déclaration du médecin traitant, par exemple, depuis leur smartphone. Un décret d’application doit être publié cet été, qui sera suivi d’une expérimentation, pour une généralisation en 2021.

Quant au Dossier Médical Partagé (DMP) (re)lancé par l’Assurance-maladie en novembre 2018, il continue de s’implanter avec 5 millions de dossiers créés, dossiers de plus en plus alimentés par les établissements de santé, les professionnels et les patients eux-mêmes, selon l’Assurance-maladie. Cependant, pour faciliter son usage, notamment par les médecins, un travail sur l’ergonomie de l’application va être effectué. Ainsi, un moteur de recherche permettra de trouver plus facilement une information. L’année 2020 devrait voir l’ajout d’un carnet de vaccinations et de nouveaux services comme l’alimentation du DMP par des applis ou des objets connectés. Enfin, le gouvernement souhaite une généralisation de l’utilisation de la Messagerie Sécurisée de Santé (MSSanté) en 2019, à l’hôpital comme en ville, et une extension au secteur médico-social fin 2021. 

Le début de l’e-prescription

Inscrite dans le projet de loi « Ma santé 2022 », le déploiement de l’e-prescription débutera dès cette année avec les médicaments, qui représentent 50 % des ordonnances aujourd’hui. Agnès Buzyn a précisé les étapes de ce déploiement : dès cette année donc, une expérimentation de l’e-prescription de médicaments en ville, le début de généralisation en ville et en établissements de santé en 2020, une expérimentation de l’e-prescription de biologie et des actes infirmiers l’année prochaine également, une expérimentation de l’e-prescription des actes de kiné en 2021, la généralisation de le-prescription de biologie et des actes infirmiers en 2021 et le début de généralisation à l’ensemble des auxiliaires médicaux en 2022. 

En ce qui concerne les plateformes nationales, à côté de l’Espace Numérique de Santé (ENS), prévu dans le projet de loi « Ma santé 2022 » et attendu dans sa version définitive pour janvier 2022, et qui doit permettre « de promouvoir le rôle des usagers en tant qu’acteurs de leur prise en charge tout au long de leur vie », un « bouquet de services numériques intégrés » à destination des professionnels est inscrit dans la feuille de route pour le numérique en santé. les premières preuves du concept sont attendues pour « fin 2020 » et la plateforme devra être opérationnelle à la fin de l’année 2022.