Le HCAAM favorise la maîtrise de dépenses

368-369 – Dans son dernier rapport annuel, à partir de projections réalisées jusqu’en 2060 concernant les dépenses de santé et le déficit des régimes obligatoires d’Assurance Maladie, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie analyse les divers moyens qui permettraient de revenir à l’équilibre. Et privilégie une nouvelle fois la maîtrise des dépenses de santé en mobilisant « les nombreux gisements d’efficience du système de soins ». Les pistes envisagées ne sont ni plus ni moins celles esquissées dans la Stratégie Nationale de Santé du Gouvernement. Les solutions ne sont donc plus à chercher, mais à appliquer, signifie le HCAAM qui souligne « l’urgence du passage à l’acte ». Il s’agit donc maintenant d’avoir du courage politique, estime Jean-François Rey, le président des spécialistes confédérés (UMESPE) dans un entretien (voir autre article dans notre rubrique Fenêtre sur…). 

En novembre dernier, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait saisi le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) pour une demande d’analyse de préconisations sur l’équilibre des comptes de la protection sociale, à mener en lien avec diverses instances. Le dernier rapport annuel du HCAAM comporte donc des projections d’ici à 2060 qui ont été effectuées par un groupe de travail qui a réuni des représentants de la Direction générale du trésor, de l’INSEE, de la Direction de la Sécurité Sociale (DSS), de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) et de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS).

Schéma4-1
Figure 1. Financement des dépenses totales de santé en 2011
Schéma4-1
Figure 2. Evolutions annuelles du POB et de l’ONDAM exécuté, 1998-2013

Des projections vers un déficit abyssal

Selon les projections « spontanées », c’est-à-dire ne prenant pas en compte les mesures de redressement des comptes publics, les dépenses totales de santé (remboursées ou non) passeraient de 10,3 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2011 à 13,1 % du PIB en 2060. Les dépenses remboursées par les régimes obligatoires passeraient de 8,1 % à 10,4 % du PIB. Cette évolution aurait pour conséquence un accroissement du déficit de ces régimes, qui passerait de 0,4 % à 2,4 % du PIB. En « valeur équivalente », cela signifie que ce déficit de 7,4 milliards d’euros en 2011 avoisinerait les 14 milliards en 2020, les 29 milliards en 2030, dépasserait les 41 milliards en 2040 pour se stabiliser à près de 49 milliards d’euros en 2060.

Pour tenter d’infléchir cette courbe vertigineuse, le HCAAM analyse l’efficacité de trois « leviers de retour à l’équilibre » : hausse des recettes publiques (cotisations sociales, impôts et taxes), baisse des remboursements par les régimes obligatoires (et donc transfert vers les organismes complémentaires) et infléchissement de la croissance des dépenses de santé (à taux de remboursement inchangé).

A supposer que l’équilibre du système d’Assurance Maladie soit atteint en 2020 par l’un ou l’autre de ces leviers ou une combinaison des trois, le HCAAM explique que « sans mesure nouvelles le niveau de déficit de 2020 serait reconstitué dès 2030 (0,7 point de PIB) », « se creuserait encore jusqu’à doubler en 2040 (1,4 point de PIB) », puis « se dégraderait ensuite à un moindre rythme » pour atteindre 1,7 point de PIB en 2060. Les experts du HCAAM affirment donc que « pour pérenniser l’équilibre budgétaire atteint en 2020, des efforts devraient être poursuivis sans relâche du moins jusqu’en 2040, date après laquelle le vieillissement de la population ralentit ».

Un désengagement de la Sécurité Sociale

Quant au « levier » qui a la faveur du HCAAM, sans surprise puisqu’il l’a déjà privilégié par le passé, c’est la maîtrise des dépenses. Recourir aux seules hausses des recettes publiques supposerait en effet que ces hausses soient récurrentes jusqu’en 2040 et continuent d’être importantes chaque année, de 0,07 point de PIB, soit 0,1 point de CSG tous les ans. Lourd pour les ménages et politiquement intenable. La voie de la baisse du remboursement pour le retour à l’équilibre impliquerait un désengagement de la Sécurité Sociale poursuivi sans discontinuer avec des reculs toujours massifs jusqu’en 2040 et « une baisse de prise en charge de 10 points serait nécessaire entre 2020 et 2040 pour maintenir l’équilibre du système », souligne le HCAAM, qui opte donc pour la troisième voie, celle de la maîtrise, avec un ralentissement de la dépense de soins entre 2020 et 2040 qui devrait être d’environ 0,8 point par an par rapport à son évolution spontanée, puis nettement moins ensuite (– 0,2 point). Ce dernier levier est celui que le HCAAM a toujours préconisé considérant que la croissance des dépenses totales de santé spontanément supérieure à celle du PIB constitue « la véritable menace sur l’équilibre durable du système ».

Le Haut Comité pour l’Avenir de l’Assurance Maladie réaffirme donc « l’impérieuse nécessité d’une maîtrise des dépenses de santé, mobilisant les nombreux gisements d’efficience du système de soins » : une meilleurs organisation de ce système, l’articulation entre la ville et l’hôpital « afin d’éviter les séjours inadéquats », la coordination entre les professionnels de santé et sociaux et la mise en place de parcours de santé coordonnés. Avec pour corollaire à la réalisation de ces objectifs la mise disposition des données de santé, mais aussi « la définition pertinente du périmètre du panier de soins, incluant la prévention, ainsi que le respect du bon usage ». Le tout avec « une gouvernance plus efficace de l’ensemble du système de soins tant au niveau central que territorial afin de rendre plus efficiente la régulation ».

L’urgence de passer à l’acte

Rien de très neuf dans ce nouveau rapport du HCAAM, qui ne revendique d’ailleurs pas l’innovation mais insiste en revanche sur « l’urgence du passage à l’acte au regard des déficits accumulés et de l’évolution démographique en cours ». C’est ce courage, indique-t-il, qui devra accompagner la Stratégie Nationale de Santé « définie par les pouvoirs publics, qui se déploiera sur plusieurs années et dont tous les effets ne seront pas immédiats ». On sait, hélas, ce qu’il en est du courage politique, toutes tendances confondues…

 

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