Le PLFSS 2020 tel qu’adopté par les députés

Le 29 octobre dernier, les députés ont adopté en première lecture le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2020. Le texte transmis au Sénat comportait 94 articles, contre 64 dans le texte initial. Parmi les articles adoptés par l’Assemblée Nationale, en voici certains qui concernent de près la médecine de ville, sans présumer du sort que leur auront réservé les sénateurs –à l’heure du bouclage de ce numéro, ils ne s’étaient pas encore prononcés- ni de la rédaction définitive du PLFSS 2020.

Fusion des contrats incitatifs à l’installation

Dans notre précédent numéro, nous avions rendu compte d’un rapport de la déléguée nationale à l’accès aux soins, Sophie Augros, qui montrait qu’à l’exception du CESP, les autres contrats peinaient à convaincre les signataires potentiels. L’article 36 du PLFSS fusionne donc les 4 contrats incitatifs à l’installation de médecins libéraux en zones sous-denses en un contrat unique, ouvert à toutes les spécialités et aux remplaçants. Dans ce nouveau dispositif, les ARS pourraient ainsi conclure « un contrat de début d’exercice » avec un étudiant autorisé à effectuer des remplacements ou avec un médecin exerçant une activité libérale. La signature de ce contrat « ouvre droit à une rémunération complémentaire aux revenus des activités de soins ainsi qu’à un accompagnement à l’installation, à la condition que l’installation sur les territoires sous-dotés ou dans une zone limitrophe de ceux-ci date de moins d’un an ». Le signataire s’engage à exercer ou à assurer des remplacements pendant une durée fixée par le contrat, « dans un ou plusieurs cabinets médicaux » situés sur « des territoires caractérisés par une offre médicale insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins pour la spécialité concernée » identifiés par l’ARS. Le praticien devra respecter les tarifs opposables (secteur 1) ou adhérer à l’Option Pratique Tarifaire Maîtrisée (OPTAM), et s’engager à participer à un exercice coordonné. Un amendement adopté prévoit que ce contrat de début d’exercice ne puisse pas être renouvelé de façon à encourager l’installation définitive dans une zone sous-dense. Un décret en Conseil d’Etat précisera les conditions d’application de ce contrat. Le gouvernement mise sur une augmentation du nombre de contrats de 300 en 2020 (contre 200 par an aujourd’hui), puis sur 350 à partir de 2021. Le coût de ce contrat unique est évalué à 1,5 million € en 2020, puis à 1,75 million € supplémentaire à partir de 2021.
L’article 36 prévoit également une autre mesure consistant à créer une nouvelle aide à l’installation en zone sous-dense octroyant au bénéficiaire exerçant en secteur 1 la prise en charge intégrale de ses cotisations sociales applicable à ses revenus conventionnés, et une prise en charge partielle pour un praticien de secteur 2. Cette prise en charge serait limitée à 2 ans pour un médecin s’installant dans les 3 ans suivant l’obtention de son diplôme.

Sanctions renforcées pour les « surprescripteurs »

L’article 43 du PLFSS comprend une série de dispositions visant à « renforcer la pertinence de la prescription et de la dispensation des produits de santé ». Ainsi, il prévoit de « sanctionner d’une pénalité financière graduée et dissuasive les professionnels de santé qui ne modifient pas leur pratique d’hyperprescription », selon l’étude d’impact. A noter que l’article substitue le terme de « professionnel de santé » à celui de « médecin » afin d’élargir l’application éventuelle de sanction à l’ensemble des acteurs concernés, infirmiers, kinés et sages-femmes notamment. Une pénalité pourrait être infligée en cas de récidive constatée après « au moins » deux périodes de Mise Sous Accord Préalable (MSAP) ou de Mise Sous Objectifs (MSO) de réduction des prescriptions. Le montant de la pénalité serait « fixé en fonction de l’ampleur de la récidive, selon un barème fixé par voie réglementaire ». Le rapporteur du PLFSS, Olivier Véran (LREM, Isère) a précisé que le barème de pénalité serait équivalent à un plafond mensuel de Sécurité sociale après deux périodes de MSAP/MSO, soit 3 377 € cette année, deux plafonds après trois périodes (6 754 €) et trois plafonds après quatre périodes (10 131 €). Dans son étude d’impact, le gouvernement indique que les procédures MSAP/MSO concernent environ 450 médecins chaque année et participent à hauteur de 60 millions € aux actions de maîtrise médicalisée des prescriptions, pour lesquelles 735 millions € d’économies sont attendues en 2020.
Il n’est pas douteux que cette mesure, si elle est définitivement adoptée, va fortement déplaire aux syndicats de médecins libéraux qui dénoncent depuis longtemps ce qu’ils nomment un « délit statistique ».

DAP étendues

En votant l’article 43, les députés ont également renforcé les prérogatives des ministres en charge de la Santé et de la Sécurité sociale qui pourraient désormais prendre à tout moment un arrêté de Demande d’Accord Préalable (DAP) au remboursement des produits de santé, ce qui n’est possible jusqu’à présent qu’à l’occasion de leur inscription ou de leur renouvellement. La procédure pourrait être initiée conjointement ou non par l’UNCAM et les ministres. L’article ne modifie pas les critères nécessaires au déclenchement d’une DAP mais assouplit les prérogatives de l’exécutif pour permettre « notamment » sa mise en œuvre pour l’arrivée de biosimilaires sur le marché. Dans son étude d’impact, le gouvernement explique que « les critères actuellement définis dans la loi rendent complexe la mise en œuvre de la DAP pour le princeps, sauf à redemander une réévaluation du médicament de référence par la Commission de Transparence (CT) de la HAS, ce qui n’est pas une procédure efficiente ». En outre, « les conditions actuelles doivent également être revues au regard de la difficulté technique de mettre en œuvre une DAP dès l’arrivée d’un médicament sur le marché » est-il ajouté, et « cette mesure s’applique dès lors également aux produits de santé ».
Actuellement, les DAP peuvent être engagées par l’exécutif pour les médicaments et Dispositifs Médicaux (DM) remboursables et inscrits sur la liste en sus, les médicaments bénéficiant d’une Autorisation ou d’une Recommandation Temporaire d’Utilisation (ATU/RTU) ou en post-ATU. Le texte élargit la procédure aux DM (y compris implantables et de diagnostic in vitro) innovants, pris en charge à titre temporaire et dérogatoire sous réserve d’une étude clinique ou médico-économique, ainsi qu’aux DM intra-GHS en attente de validation de leur efficacité clinique.
Le gouvernement attend de cette mesure une économie de « 30 millions € à court terme ».

Extension du « tiers payant contre générique »

Effectif depuis 2007, le dispositif « tiers payant contre générique » prévoit pour l’assuré la dispense d’avance de frais en cas de délivrance de générique, dans les seuls cas où le prix du princeps est strictement supérieur à celui de ses génériques. « Pour poursuivre la dynamique de développement de la délivrance de médicaments », l’amendement gouvernemental adopté par les députés étend le dispositif « aux cas où les prix de certains génériques sont identiques à celui du princeps ». L’exposé des motifs argumente qu’il est « essentiel, pour que la concurrence puisse pleinement jouer entre médicaments princeps et génériques, qu’une incitation ayant fait les preuves de son efficacité demeure pour les médicaments génériques. Dans le cas contraire, les médicaments princeps pourraient conserver une très forte part de marché, privant l’Assurance-maladie des économies liées à cette juste concurrence ». En l’occurrence, l’économie attendue pour l’Assurance-maladie de cette mesure serait « d’au moins 40 millions € ».

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