Le Sanjusangen-do à Kyoto de l’époque Heian (Partie 2)

Le Bouddhisme… Shingon

Le bouddhisme venu de la Chine, transmis par l’intermédiaire de la Corée, apparut au Japon vers le milieu du VIe siècle. On cite les années 538 et 552, comme dates des premiers tributs incluant des figures de Bouddha et de textes de sutra. Il se heurtera à la religion traditionnelle, le shintoïsme (7). 

Raijin, Dieu du tonnerre, bois peint, grandeur nature, vers 1256.

Mais soutenu par la cour impériale il deviendra religion d’état par décret du prince Shotoku en 587 qui fit ériger, par des spécialistes coréens, des temples selon le modèle chinois. Sous les périodes Asuka et Nara, le Bouddhisme prit un essor considérable. Des clans influents l’adoptèrent. Les temples bouddhiques furent des lieux d’instruction et d’éducation, des écoles de lettrés. La religion devint syncrétique, associant des pratiques bouddhistes, taoïstes, avec des éléments chamaniques et shinto. À la fin de l’ère Nara, apparurent deux nouvelles écoles, associées au Bouddhisme ésotérique du Grand Véhicule (8) : Shingon et Tendai. Saicho (767-832), le premier moine à quitter Nara mit en pratique une nouvelle doctrine, le Tendai qualifiée de « parfaite et de soudaine », célébrant le Sutra du Lotus. Lors de son séjour en Chine (de 803 à 806), le moine Kukai (774-835) [9] avait été initié par un grand maître à la doctrine secrète de « la véritable parole ». Grand érudit, il étudia le sanscrit, la calligraphie, la poésie et les arts manuels. Il fonda le Bouddhisme Shingon (10), une école qui résume son idéal dans les mots « Nyojitsu Chisjishin » signifiant « La vérité, connaître son propre esprit tel qu’il est vraiment ». Parvenir à l’état de Bouddha ne requiert point plusieurs vies mais peut être réalisé dans cette existence même, par la pratique des 3 mystères : la juste pensée (contemplation des mandalas), la juste parole (récitation des mantras) et la juste action (exécution des mudrâ [11]).

Naraen Kongo (gauche), et Missha Kongo (droite), bois peint, H. 1,66 m, vers 1256.

Cette doctrine fascinait, par ses rites magiques, le public superstitieux du début de l’époque Heian. Il appartient à l’une des lignées les plus anciennes du bouddhisme tantrique, le Vajrayana. Il enseigne la répétition des mantras, la méditation et la gestuelle rituelle. Avec environ 12 millions de fidèles, c’est un des courants majeurs du bouddhisme japonais. Durant l’ère de Kamakura (1185-1333) plusieurs autres écoles bouddhiques se développèrent, toujours actives aujourd’hui. Le Jodo, l’école de la « Terre Pure », révère le Sutra de la Terre Pure et la dévotion auprès du Bouddha Amida (12). Le Jodo-Shinski, l’école de la véritable école de la Terre Pure, enseigne en plus de la précédente l’humilité et la loi dans l’amour du Bouddha Amida. Le Nichiren, du nom de son fondateur, révère le Sutra du Lotus et la seule répétition de ce sutra suffit pour atteindre le paradis. Le Zen comporte différentes écoles (13). Il prône l’enseignement direct du maître à élève, et recherche l’illumination intérieure de l’individu par la méditation (notamment sur des phrases paradoxales) et certaines postures corporelles.

Fujin, dieu du vent, bois peint, grandeur nature, vers 1256.

(7) Le Shintoïsme est une religion polythéiste avec des dizaines de milliers de divinités (Kami). Jusqu’à l’aire Meiji (1868-1912), Bouddhisme et Shintoïsme évoluèrent ensemble et se mélangèrent. Le plus grand sanctuaire Shinto se trouve à Ise.
(8) Les écoles de Nara prônaient le Hinayana (le Petit Véhicule).
(9) Kukai représente aux yeux des Japonais, le modèle du génie universel qui a marqué la culture et l’art du début de la période Heian.
(10) Traduction du mot sanskrit mantra (confection de diagramme représentant la Divinité et ses forces, ou bien des groupements de divinités, la meilleure manière de représenter l’univers invisible), le mot shingon signifie « vraie parole ».
(11) Mudrâ : exercer des gestes symboliques (positions des mains) qui symbolisent des forces et des manifestations divines utilisées par les moines dans leurs exercices spirituels.
(12) Amitabha, le Bouddha de l’au-delà appelé Amida au Japon, également le bouddha du pouvoir intellectuel. Grâce à la compassion d’Amida, les êtres naissent dans la Terre pure où ils peuvent réaliser plus facilement l’éveil.
(13) Les écoles rinzai (privilégie l’enseignement par le kôan – énigme illogique que le maître pose au disciple pour évaluer son état de spiritualité), Sōtō et Ōbaku.

Bibliographie

1/ COQUET, Michel, Shingon : Le bouddhisme tantrique japonais, Paris, Guy Tredaniel, 2004, 336 p.
2/ FREDERIC, Louis, Les Dieux du bouddhisme, Paris, Flammarion, 2006 (1992), 360 p.
3/ HEMPEL, Rose, L’âge d’or du Japon. L’époque Heian (794-1192), Fribourg, Office du Livre, 1983, 253 p.
4/ Le Japon, un portrait en couleur, Doré Ogrizek, dir., Paris, Odé, 160, 254 p.
5/ RAWSON, Philip, L’art du tantrisme, Paris, Thames and Hudson SARL, 1995, 216 p.
6/ SHIMIZU, Christine, L’art Japonais, Paris, Flammarion, 2014 (2001), 448-XXXII p.

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