Le spleen des médecins habilités

307 – Pourtant, le cadre réglementaire évolue, avec une décision récente de la HAS précisant de nouvelles règles, avec en particulier la notion de suivi d’impact sur la pratique, alors que, par ailleurs, cette même HAS valide désormais de nouvelles modalités tenant compte et valorisant l’existant afin d’intégrer plus facilement l’EPP dans la pratique quotidienne des médecins.

On assiste donc à un processus à deux vitesses :

• la HAS, dont c’est le rôle, travaille de façon continue sur le concept d’EPP, le fait évoluer et, parallèlement, propose de nouvelles méthodes et de nouvelles démarches qui deviennent validantes afin d’offrir aux médecins un choix plus varié de possibilités de remplir leur obligation légale d’évaluation ;

• l’application sur le terrain stagne, car le financement ne suit pas, voire régresse, sans compter la lenteur des pouvoirs publics comme en témoigne le feuilleton interminable des C.R.F.M.C.

Quelques rappels

Cadre légal et réglementaire :

• loi du 13 août 2004 rendant l’EPP obligatoire pour tous les médecins ;

• décret du 14 avril 2005 définissant la responsabilité de la HAS en concertation avec les URML et les CME ;

• décision de la HAS du 7 novembre 2007, remplaçant celle du 12 juillet 2005 (cf. encadré ci-dessous)

|Article 2 de la décision de la HAS du 7 novembre 2007

Le médecin satisfait son obligation d’évaluation en ayant au cours d’une période maximale de 5 ans :

■ choisi de s’engager dans un ou plusieurs programmes d’évaluation de ses pratiques professionnelles en rapport direct avec son activité et susceptibles de permettre notamment par leur contenu et leur durée, une amélioration de la qualité des soins et du service rendu au patient ;

■ fait reconnaître sa participation personnelle dans le ou les programmes choisis ;

■ assuré le suivi de l’impact du programme sur l’évolution des pratiques et l’amélioration de la qualité des soins.|

Portes d’entrée à l’E.P.P. Plusieurs possibilités s’offrent aux médecins en fonction de leur type d’activité prédominante :

• EPP en médecine de ville, en passant par les URML ou les organismes agréés (OA) ;

• EPP en établissement, dont la responsabilité relève de la CME ;

• participation active à la démarche de certification des établissements ;

• accréditation pour les spécialités à risques.

Les médecins habilités :

• ce sont des médecins libéraux ;

• ils sont habilités par périodes de 5 ans par la H.A.S. qui assure leur formation initiale et continue ;

• ils sont missionnés par les U.R.M.E.L pour répondre à la demande des médecins dans leur démarche d’EPP, avec, désormais, trois niveaux d’intervention possibles :

– simple information,

– conseil dans l’organisation de l’EPP,

– accompagnement de la mise en oeuvre de l’EPP.

C’est à eux qu’il revient de valider la démarche d’E.P.P. _ Ils peuvent également collaborer au fonctionnement des OA (c’est le cas à l’UFCV), soit comme ressource interne, soit en étant missionnés par une URML ou la HAS.

Nouvelles modalités d’E.P.P.

à côté de la soirée d’EPP « classique » basée sur l’audit clinique, qui reste une modalité solide, l’HAS propose désormais un nouveau cadre où l’on part de l’identification de ce qui existe déjà pour le faire évoluer à l’aide de méthodes et de démarches validées.

Démarches pouvant désormais être validantes :

• réseaux de soins ;

• groupes d’analyses de pratiques ;

• réunions de services (« staffs » hospitaliers) ;

• exercice coordonné et protocolé (cabinet de groupe, par exemple) ;

• visite académique ;

• réunion de concertation pluridisciplinaire. Méthodes pouvant désormais être validantes :

• chemin clinique ;

• audit clinique ciblé ;

• revue de pertinence des soins ;

• revue de mortalité-morbidité.

Parallèlement, la mission du médecin habilité se transforme, son rôle consistant à identifier l’existant au sein d’un groupe, et à le faire évoluer vers une démarche d’EPP, par le conseil en amont et l’expertise extérieure.

Toutes ces nouvelles propositions, visant à faciliter pour l’ensemble des médecins l’intégration du concept d’évaluation dans leur pratique quotidienne, ont évidemment un coût.

Le financement de l’E.P.P.

Les U.R.M.L. L’organisation de l’E.P.P. entre dans les attributions des U.R.M.L. Or, que constatent actuellement les médecins habilités de toutes les régions ? :

• on ne leur confie que peu (ou pas) de missions, alors qu’il y a des demandes ;

• une partie de leur activité, et notamment la formation, relève pratiquement du bénévolat en raison d’un manque de financement. Un système pérenne ne peut pas se construire uniquement sur la bonne volonté de ses intervenants ;

• l’accompagnement pratique des missions (secrétariat, matériel de présentation, etc.) de certaines U.R.M.E.L est désuet et ne valorise pas l’image de l’E.P.P. auprès des médecins engagés.

Les médecins doivent-ils financer eux-mêmes leur E.P.P. ?

C’est une idée qui commence à circuler. Elle n’est pas a priori choquante. En effet, dans les autres secteurs d’activité, l’entreprise finance elle-même ses audits.

Mais :

• cela supposerait que nous puissions réintégrer ces frais supplémentaires dans nos honoraires, ce qui est actuellement utopique ;

• nous payons déjà, par nos cotisations obligatoires aux U.R.M.EL. prélevées par les U.R.S.S.A.F.

Les U.R.M.L. disposent de ressources importantes provenant de la contribution des médecins. Elles doivent faire des choix politiques sur l’attribution de ces ressources. Si l’argent manque, il faudra peut-être s’interroger pour savoir si certaines actions, par exemple de santé publique, d’intérêt général indéniable, doivent être financées par la médecine libérale.

Nous estimons que l’évaluation des pratiques doit être actuellement une priorité dans les choix budgétaires des U.R.M.L. car, faute de financement, il y a un risque d’échec de l’E.P.P. dans sa forme actuelle. Ce risque reste évitable.

Les risques d’échec de l’E.P.P.

Le risque d’échec est multifactoriel : faible engagement des U.R.M.L., blocage du financement des O.A., tergiversations des pouvoirs publics, avec reports incessants de la création des C.R.F.M.C. qui finalement, l’information est récente, seront purement et simplement supprimés pour faire autre chose.

Ceux qui se réjouiraient de ces difficultés ont tort. En effet, l’E.P.P. est une obligation légale, et elle devra être mise en oeuvre pour tous. La forme actuelle est non sanctionnante, et contrôlée par la profession. En cas d’échec, le risque serait grand que l’on nous oppose des mesures beaucoup plus coercitives.

Ces difficultés sont moins apparentes pour les cardiologues car nous avons la chance, avec l’UFCV, de bénéficier de programmes « sur mesure » et ceux-ci vont se poursuivre au cours de l’année 2008. Nous ne sommes quand même pas totalement indépendants du contexte général qui ne doit pas nous laisser indifférents.

 

Quelques précisions de Christian Ziccarelli, Président de l’UFCV

Actuellement au 15 décembre 2007, 780 cardiologues libéraux se sont engagés auprès de l’UFCV pour accomplir leur EPP. _ Quotidiennement nous recevons de nouvelles demandes mais, pour poursuivre nos programmes, nous attendons la réponse à l’appel d’offre faite auprès de l’OGC afin d’obtenir les financements nécessaires à leur accomplissement.

685 ont accomplis leur EPP selon la méthode de l’audit clinique, en participant soit à un programme d’EPP financé par le FAQSV Ile de France, soit à un cycle de trois journées non consécutives dont une journée d’autoévaluation financée par l’OGC, soit à un cycle de deux soirées non consécutives avec une autoévaluation financé par l’industrie pharmaceutique (accepté lors de notre demande d’agrément). Six cycles de deux soirées ont été autofinancés sur les fonds propres de l’UFCV.

83 cardiologues participent actuellement à un Groupe d’Analyse de Pratique entre pairs (GAPCardio). Une grande majorité d’entre eux ayant été initialisée en Provence Alpes Côte d’Azur et en Bretagne, d’autres sont présents en Région Parisienne, en Val de Loire et en Région Centre. Plusieurs sont en voie de constitution.

12 participent à un staff protocolisé à l’Ile de la Réunion. Certains se sont inscrits à plusieurs reprises soit selon la méthode de l’audit clinique soit selon la méthode du groupe d’analyse de pratique entre pairs.  Toutes nos actions sont réalisées avec la participation de médecins ressources, médecins habilités HAS, la plupart étant cardiologues, mais des médecins généralistes et un psychiatre ont également animés nos évaluations.

Un médecin ressource a été sollicité onze fois, un autre six fois, trois quatre fois, deux trois fois, trois deux fois et onze une seule fois.  Ils apportent leur expérience méthodologique pour chaque programme, cycle ou séminaires d’EPP et expliquent sa finalité. Tous les cardiologues engagés doivent en outre participer à un audit clinique en ligne sur le site EPPCard en faisant au moins deux cas cliniques par an.|