L’épineux cas du tiers-payant

Opposé à son obligation et à un lien de dépendance avec un payeur unique, Assurance Maladie ou complémentaires, les médecins libéraux cherchent une solution alternative. Les pharmaciens, qui parlent d’expérience, comprennent leur réticence. Le président de la FHF aussi !

Consultation médicale378 – Que les médecins se le tiennent pour dit,  Marisol Touraine ne renoncera pas au tiers-payant généralisé. Elle l’a dit et répété dans les medias, c’est « un élément central » de la future loi de santé, c’est « une avancée », « c’est un élément soutenu par les associations de patients, par les associations de consommateurs, par les organisations syndicales ». C’est surtout une mesure politique et populaire qui fera bien le moment venu dans le bilan du quinquennat de François Hollande. Mais c’est une mesure dont ne veulent pas les médecins et qui a cristallisé tout leur ressentiment à l’égard d’un projet de loi qui contient beaucoup d’autres mesures auxquelles ils sont opposés.

On a beaucoup entendu ces derniers temps les partisans du tiers-payant argumenter du fait que si les pharmaciens pratiquent depuis longtemps le tiers-payant, il n’y a pas de raison pour que les médecins ne s’y mettent pas. L’instauration de la dispense d’avance de frais dans les pharmacies remonte effectivement à 1974, mais elle ne va pas de soi pour les officinaux qui mettent en garde aujourd’hui leurs confrères médecins. « A ceux qui disent, “C’est simple, on peut généraliser sans problème”, je dis non ! Ca ne marchera pas comme ça », a déclaré Gilles Bonnefond, président  de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (l’USPO) à nos confrères d’EGORA.

Ce syndicat n’a pourtant pas la réputation d’être particulièrement réactionnaire. Citer en exemple les pharmaciens, c’est oublier un peu vite que la gestion administrative du tiers-payant, qui concerne aujourd’hui environ 85 % de l’activité officinale, occupe en moyenne une personne à mi-temps, voire à temps complet dans les très gosses officines. Au point que certaines délèguent cette tâche à des prestataires extérieurs. Une organisation et des dépenses inenvisageable pour un médecin. « Je n’ai pas de conseil à donner aux médecins dans leur organisation, mais je les mets en garde, poursuit Gilles Bonnefond. Il faut qu’ils maîtrisent le processus de bout en bout ! Ils ont raison d’exiger un seul organisme payeur, tous les autres systèmes vont leur compliquer la vie. »

Les complémentaires favorables au tiers-payant

Les complémentaires, La Mutualité française en tête très favorable à la généralisation du tiers-payant, se proposent d’être ce seul organisme payeur et proposent la création d’une plate-forme unique, une sorte de « GIE tiers-payant » qui pourrait être opérationnel d’ici 2017 : la simple introduction de la carte Vitale dans le lecteur du médecin permettrait de connaître le degré de couverture du patient.

Au praticien l’assurance d’être payé, aux complémentaires la vérification des versements. On dit que l’Assurance Maladie serait séduite par ce dispositif, contrairement aux médecins qui refusent ce lien de dépendance avec les complémentaires comme avec l’Assurance Maladie.

Opposés à l’obligation du tiers-payant, les syndicats médicaux sont en quête d’une solution alternative permettant la dispense d’avance de frais, étant entendu que le tiers-payant « social » qu’ils pratiquent déjà largement ne leur pose pas de problème. L’idée d’une carte monétique à débit différé refait surface, qu’avait initiée la CSMF et que soutient la FMF.

Ce système permettrait aux médecins d’être payés totalement – y compris les dépassements pour les médecins de secteur 2 – et aux patients de n’être débités qu’après remboursement. Le ministère refuse cette solution monétique, voyant d’un mauvais œil l’implication des banques. Du côté des syndicats,  MG France ne dirait pas non, mais le SML n’en veut pas. Refusant tout compromis sur le tiers-payant, le syndicat présidé par Eric Henry demande le retrait du projet de loi et sa réécriture complète.