Les 50 ans d’internet (2)

Nous avons vu dans notre première partie la naissance du www, de sa première utilisation devenue une révolution mondiale. La deuxième partie est consacrée au développement commercial, aux enjeux économiques ainsi qu’aux réseaux sociaux et autres bas-fonds de l’internet.

L’ère commerciale

Cette révolution de la communication ne pouvait se faire sans une ouverture grand public. 

Tout d’abord par la navigation. En 1994, Netscape Navigator est le premier navigateur commercial sur la toile, avant d’être dépassé et torpillé par Microsoft. La grande bataille des Gafam commence.

Puis par le commerce. Amazon crée le premier portail de commerce électronique en 1995 avec la vente de livres en ligne. L’entreprise a su profiter de l’internet pour se développer et populariser le commerce électronique.

Ensuite par les premiers services en ligne avec la naissance de Napster 1999, le premier service d’échange de fichiers musicaux (mais retiré en 2001, après deux ans de procédure judiciaire aux États-Unis pour infraction à la législation sur le droit d’auteur), devenu par la suite un service musical payant.

Mais ce sont surtout les moteurs de recherche qui vont réellement changer l’avenir du net. Tout d’abord avec Altavista en 1998 qui devient très vite populaire avec 13 millions de requêtes par jour, puis Google, fondée la même année, qui s’était donnée comme  humble mission « d’organiser l’information à l’échelle mondiale afin de la rendre universellement accessible et utile ». L’entreprise rafle tout sur son passage grâce à ses performances (Altavista en est la première victime). En 2000, le site est disponible en plus de dix langues, puis décliné en plus de cent langues en 2004 et cent cinquante en 2010, ce qui lui permettra de gagner de nouveaux marchés.

En 2010, Google est le premier moteur de recherche sur internet (80 % d’internautes américains l’utilisent, 93 % des Européens et seulement 35 % de Chinois).

Mais dans le monde, les Etats-Unis ne sont pas seuls. La Chine, par exemple, a son propre moteur de recherche avec Baidu, une entreprise créée en 2000 devenue rapidement le numéro 1 au pays du soleil levant grâce, notamment, à sa technologie de recherche en mandarin. Face à Google, son slogan est « Baidu connaît mieux le chinois ». Mais en 2009, Baidu s’est retrouvé au centre d’un véritable cyclone médiatique à cause d’une politique publicitaire qui plaçait les distributeurs illégaux de médicaments en tête de classement des recherches.

Les facettes de l’internet 

1. La fracture numérique

La fracture numérique comprend quatre niveaux d’inégalités :

  • l’accès au réseau internet ;
  • l’accès à un ordinateur ;
  • l’accès à l’usage des outils ;
  • l’accès à l’usage des informations.

L’usage s’entend par la compréhension des nouvelles technologies.

L’accès à internet est fortement marqué par la disparité entre les pays riches et les pays pauvres, entre les zones urbaines et les zones rurales (appelées zones blanches dont la France n’est pas exempte).

La fracture numérique se pose également sur la langue des utilisateurs, l’éducation et le niveau d’instruction, la population non équipée, le facteur économique.

Elle peut également venir de gouvernements qui restreignent l’accès pour contrôler les libertés d’expression et d’information. [En savoir plus]

2. L’ère de la censure

La censure fait partie de l’internet. Egalement appelée cybercensure, elle limite l’information disponible. Elle est pratiquée en général au niveau des Etats, des entreprises, des médias. Le filtrage internet est classé en trois catégories : politique, sociale, sécuritaire.

Les techniques employées sont diverses : du blocage IP, (1) au DNS (2) en passant par les contenus web ou simplement du lobbying. Dans la plupart des pays démocratiques, par exemple, les contenus liés au nazisme, au négationnisme, à la pédopornographie ou aux discours de haine sont bloqués.

L’internet est le miroir de la liberté d’expression dans le monde et la collusion entre pays libres et dictatoriaux.

Récemment, l’Iran a vécu une coupure internet inédite de dix jours au lendemain de la répression des manifestations du 15 novembre 2019. La reconfiguration du réseau internet a permis le contrôle avec une très grande précision de ce qui pouvait passer et ce qui ne le pouvait pas. Seulement, le commerce iranien a perdu près de trois milliards d’euros. La Chine est parvenue à développer un réseau qui permet de poursuivre les échanges commerciaux tout en étouffant les communications des mouvements de contestation. Elle a également créé une cybersurveillance sociale qui calcule le droit à voyager et à dépenser selon un score baptisé SCS (Social Credit System) qui cartographie les infractions.

3. L’ère du hacking

Le hacking possède plusieurs définitions. Ce n’est pas seulement le cybercriminel (voir piratage informatique plus loin) qui veut voler toutes vos données, c’est en premier lieu un activiste qui lie son activité et son destin à l’exploitation des failles et des vulnérabilités des systèmes. C’est en 1990 que l’on parle des premiers adeptes qui se divisent en deux parties : d’un côté les Black hat qui mènent des activités criminelles et d’un autre côté les White hat qui cherchent simplement les vulnérabilités informatiques pour les rendre publiques et ainsi les réparer. Les grandes entreprises y font aussi leur hacking et s’aident mutuellement lorsqu’une faille est découverte chez l’une d’entre elles.

Le collectif le plus célèbre est sans doute les Anonymous qui est « une conscience collective de lutte contre les manipulations de l’esprit. » En d’autres termes, il dénonce les atteintes à la liberté d’expression, notamment dans des pays où la censure est forte.

L’organisation la plus connue est Wikileaks qui « s’appuie sur la protection de la liberté d’expression et de sa diffusion par les médias, l’amélioration de notre histoire commune et le droit de chaque personne de créer l’histoire. Ces principes dérivent de la Déclaration universelle des droits de l’homme. » Le site divulgue des documents de manière anonyme et sécurisée « témoignant d’une réalité sociale et politique, voire militaire, qui serait cachée, afin d’assurer une transparence planétaire ». En 2017, 8 761 documents incriminant la CIA de cyber-espionnage global sont révélés par WikiLeaks.

Le scandale le plus important est celui de Cambridge Analytica qui a montré que les données pouvaient servir à manipuler les gens afin qu’ils votent d’une certaine manière.

4. La nébuleuse des faussaires : le darkweb

Le net est une nébuleuse où se côtoie un nombre incalculable de faussaires et autres escrocs. Fausses cartes d’identité, faux diplômes, fausses factures, faux documents administratifs… mais également fausses pharmacies, fausses banques, tout est bon pour s’accaparer ces juteux marchés. Même les particuliers peuvent devenir des faussaires professionnels grâce au darkweb, l’internet clandestin qui interdit toute traçabilité permettant de remonter jusqu’à l’adresse IP de son ordinateur.

La cyberdélinquance s’est également développée dans le trafic de drogues : cannabis, ectasy, cocaïne,… et autres médicaments (50 % des médicaments vendus sur internet sont des faux). [En savoir plus] Les trafiquants ont trouvé dans le web la possibilité d’écouler à grande échelle.

Mais il n’y a pas que des professionnels qui parcourent le net pour vendre des produits illicites. Le particulier peut facilement y trouver ce qu’il recherche, quitte à se faire prendre avec des fausses ordonnances. [En savoir plus] En parcourant le site psychoactif.org, on se rend compte à quel point le web est devenu une seconde planète.

Pour accéder au darknet, il vous faut un logiciel, le plus connu étant Tor, puis d’accéder à thehiddenwiki.org, le site qui essaie de recenser les sites du darknet. 

Mais qui dit cybertrafic dit cyberflic. Les coups de filet existent, comme ce forum qui mettait en relation environ 6 000 utilisateurs et 750 vendeurs de drogues, d’armes, de faux papiers, de coordonnées bancaires et d’outils de piratage informatique…

Les services non plus ne manquent pas, comme par exemple commanditer un meurtre, un passage à tabac, ou simplement louer les services d’un hacker pour paralyser le site de votre concurrent ou pirater un compte Facebook.

Internet est une vision du monde où les langues se délient, le darknet est une vision humaine où tout ce qu’il y a de pire existe.

5. L’ère du piratage informatique

Le piratage informatique peut prendre trois formes : 

  • la copie frauduleuse de logiciels ;
  • la pénétration des réseaux ou de bases de données ;
  • l’introduction de virus dans un système. 

Une vingtaine de villes américaines ont été victimes d’une attaque informatique en 2019, dont la ville de Baltimore (voir notre article), qui ont vu leurs sites devenus illisibles par un virus qui cryptait les données afin de les rendre inaccessibles.

En tant que particulier, vous pouvez être touché par le piratage pour, par exemple, une usurpation d’identité suite au vol de vos données (voir notre article).

(1) IP : l’Internet Protocol est le numéro d’identification de chaque ordinateur connecté.
(2) DNS : Domain Name System.

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