Les cardiologues sont des petits « dépasseurs »

Formulé en mars dernier, le constat global de l’IGAS avait défrayé la chronique pour avoir fait l’objet d’une fuite organisée dans la presse avant même d’être remis au ministre Philippe Bas. A l’analyse, il tient en peu de lignes : – la part des dépassements dans la masse des honoraires libéraux remboursés par l’Assurance Maladie n’est pas marginale : 2 milliards d’euros sur une enveloppe de 19, dont les deux tiers sont supportés directement par les patients, non remboursés par les complémentaires ; – cette sous-enveloppe des dépassements est caractérisée par une forte tendance à l’inflation mais aussi par un phénomène objectif de concentration : sur quelques actes, dans quelques spécialités, dans des régions parfaitement identifiées et déjà bien connues, dont le fameux PLM (Paris, Lyon, Marseille/Côte d’Azur).

à l’aune de ces observations, on peut déjà constater que les cardiologues sont absouts de tout soupçon de « dérive » : la part des dépassements dans leur masse d’honoraires (secteur 1 et 2 confondus) reste : – marginale (de l’ordre de 4 points), inférieure même au niveau de dépassements pratiqués en médecine générale et en tout cas bien moindre que la moyenne des spécialités ; cette modestie doit évidemment beaucoup au faible pourcentage de cardiologues exerçant en secteur à honoraires libres… ; – d’une incontestable stabilité : alors que les dépassements accusent, partout ailleurs, la même tendance à la croissance, le niveau de dépassements en cardiologie était, en 2004, équivalent à ce qu’il était en 1977 et inférieur à la situation de 1993 ! (voir tableau n° 1 ci-dessous).

| _ Extrait du rapport-IGAS, la lecture de ce tableau appelle un mode d’emploi particulier. Du premier décile, il faut donc retenir que 90 % des cardiologues du secteur 2 pratiquent des dépassements moyens supérieurs à 5 % quand ils sont de 17 % si l’on s’attache à la moyenne des spécialités. Ã l’autre extrêmité de l’échelle, celle du record du dépassement, le coefficient multiplicateur est encore à l’honneur du cardiologue. Si l’on s’intéresse enfin au décile « moyen », on observera que 50 % des spécialistes pratiquent des dépassements supérieurs à 50 %, soit plus du double (23 %) du dépassement en cardiologie.|

Partant de ce constat, les enquêteurs de l’IGAS oublient pratiquement, sur les 60 pages consécutives de leur rapport, toute référence à la situation relative des cardiologues par rapport à d’autres spécialités. Ce qui suit relève donc d’une analyse générique…, à manipuler évidemment avec précaution dans la mesure où l’on ne sait pas précisément dans quelle part elle s’applique à la spécialité : – on ne connaît pas – et c’est assurément dommage pour un travail visant à l’exhaustivité – le « taux de dépassement » des cardiologues du secteur 2 qu’on aurait aimé comparer à la moyenne des spécialités (48 %) ou à d’autres spécialités, cliniques : ophtalmologistes (53 %), rhumatologues (54 %) ou endocrinologues (61 %) et spécialités chirurgicales (54 % pour les chirurgiens). Du moins connaîton la distribution de ces dépassements par décile (voir tableau n° 2 ci-dessus). _ Par région, le palmarès des zones où la propension à dépasser – dont les économistes ont déjà établi qu’elle est proportionnée à la « capacité de payer » des patients – met évidemment l’Ile-de-France en tête, devant Rhône-Alpes et PACA ; – la pratique du secteur privé hospitalier est également « innocentée » par les enquêteurs lorsqu’elle est exercée en secteur 1 (choix de PH avant tout désireux de se constituer une retraite CARMF) ; ce qui semble caractériser la cardiologie (après la radiologie et l’obstétrique mais avant la chirurgie générale et orthopédique). Lorsqu’ils ont fait le choix de pratiquer leur secteur privé en honoraires libres (1.601 praticiens sur la France entière, toutes spécialités confondues), le taux de dépassement moyen flirte avec les 100 %, également caractérisé par la tendance déjà évoquée à l’inflation ; – la conclusion de l’IGAS est donc d’inciter les tutelles à l’encadrement des dépassements – en secteur 2 « libéral » comme en secteur privé hospitalier – « en volumes et/ou en valeur » ; ce en quoi cette institution ne déroge pas à son habitude ni sans doute à la mission qu’elle s’est auto-conférée de « justicier du secteur ». Concernant – ce qui intéressera plus la cardiologie… parmi d’autres – l’avenir immédiat du secteur optionnel, elle propose une hypothèse que les négociateurs ne peuvent ignorer, consistant à « moduler les possibilités de dépassement en fonction de l’offre locale »… en tarifs opposables.

Maximaliste, elle requiert en revanche et sans nuance la suppression du secteur 2 dont on imagine mal que les représentants syndicaux seraient prêts à « troquer » l’abandon contre le futur secteur optionnel.(gallery)