Les complémentaires se lancent dans la téléconsultation

383 – Alors qu’un assureur vient d’annoncer le lancement d’une plate-forme de téléconsultation pour ses adhérents, l’Ordre des médecins interpelle le ministère de la Santé sur la dérive possible vers « deux portes d’entrée dans le système de soins » .

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Selon le CNOM, le service de téléconsultation serait uniquement pris en charge par l’Assurance Maladie complémentaire. © Phovoir

Début mai, l’assureur AXA annonçait le lancement d’un service de téléconsultation ouvert « dans un premier temps » aux seuls bénéficiaires des contrats de santé collectifs d’entreprises. Ils pourront être mis en relation avec des médecins généralistes salariées 24h sur 24h et sept jours sur sept. AXA a reçu le feu vert de la CNIL et l’agrément de l’ARS. Tout va bien ! Non, répond l’Ordre des médecins.

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) a interpellé le ministère de la Santé dans une « note d’analyse » où il relève un certain nombre d’interrogations, pour ne pas dire de problèmes, concernant une telle initiative, qui pourrait potentiellement s’ouvrir aux 24 millions de salariés concernés par la généralisation de la complémentaire santé obligatoire en entreprise au 1er janvier 2016.

Le CNOM souligne que « le salarié qui utilisera ce service ne paiera pas directement la téléconsultation, pas plus que l’entreprise, souligne l’Ordre. Ce service est en effet financé par le coût de l’adhésion annuelle à l’assurance santé qui, en général, est partagé par moitié entre l’entreprise et ses salariés. Les médecins téléconsultants seront rémunérés par l’assureur ou la mutuelle, que ce soit par salaire ou par vacation ». L’Ordre se demande si, dès lors, un tel dispositif n’aboutirait pas à « créer en marge du médecin traitant et du parcours de soins, financés par l’Assurance Maladie obligatoire, un système qui va le doublonner et sera pris en charge uniquement par l’Assurance Maladie complémentaire ». Au passage, le CNOM demande s’il est « normal que la téléconsultation du médecin salarié de l’assureur soit prise en charge financièrement par l’assureur complémentaire alors qu’une téléconsultation du médecin traitant n’est prise en charge ni par l’Assurance Maladie obligatoire ni par l’Assurance Maladie complémentaire ».

Au ministère de se positionner

En bref, l’Ordre demande au ministère de la Santé de se positionner et de dire s’il trouve normal qu’on s’achemine vers « deux portes d’entrée dans le système de soins, l’une réglementée autour de l’Assurance Maladie obligatoire par le parcours de soins et la médecine de premier recours sur les territoires de santé, et l’autre offerte par des complémentaires par l’utilisation du numérique en santé via des contrats d’assurance en santé collective ».

De son côté, la Société Française de Télémédecine (SFT-Antel), qui regroupe médecins, paramédicaux, industriels, membres des autorités de santé utilisateurs des outils de télémédecine, a « largement débattu » à propos de ces plates-formes qui « vont se développer de plus en plus » et qui ont leur place dans « notre société de l’immédiateté » pour « orienter, rassurer ou inciter à consulter son médecin ». La SFT les compare au téléconseil dispensé par la régulation médicale des centres 15 qui représente plus de la moitié des appels. Elle n’est donc pas opposée à ce que le téléconseil  médical personnalisé proposé par les complémentaires santé soit reconnu comme un acte de télémédecine, au même titre que celui délivré par les centres 15.

La téléconsultation n’est pas le 15

En revanche, pour la SFT-Antel,  une telle prestation « ne peut être assimilée à une téléconsultation ». D’une part, parce que la téléconsultation « doit venir compléter la consultation en face à face dans un parcours de soins personnalisé qui recueille préalablement le consentement du patient ». d’autre part, parce que « la téléconsultation se prête difficilement à la prise en charge d’un événement aigu qui doit avant tout relever d’un examen clinique classique ». Et à cet égard, la SFT-Antel  fait observer que « les organisateurs de téléconseil médical personnalisé prennent la précaution d’informer leurs adhérents de ne pas appeler ces plates-formes en cas de véritable urgence ressentie mais d’appeler le 15 ». Si donc ce téléconseil personnalisé ne peut être assimilé à une téléconsultation, la SFT-Antel souligne que les médecins qui le pratiquent ne peuvent être rémunérés à l’acte et que leur responsabilité « doit être couverte par l’organisateur du service de télémédecine », comme les médecins des centres 15 sont couverts par l’assurance des hôpitaux dont ils sont salariés.

Pour l’instant, le ministère de la Santé n’a pas communiqué sur les interrogations soulevées par l’Ordre et la SFT-Antel.