Les Confédérés en conclave à Ramatuelle : que faut-il retenir de l’Université d’été de la CSMF ?


Hors les visites ministérielles – exercice obligé de tout ministre soucieux de se ménager la susceptibilité médicale – qui ont déjà fait l’actualité, huit dossiers composaient donc le menu de Ramatuelle-2005 :

■ LA MAITRISE MEDICALISEE – avec la double déposition de Frédéric VAN ROEKEGHEM, directeur de la CNAM et Hubert ALLEMAND, médecin conseil national – censée faire le point sur l’état de la maîtrise. Outre l’annonce, par le directeur, de la prochaine réorganisation de la Caisse nationale intégrant la disparition du service médical autonome et dont on comprend mal qu’elle ne fasse aucune vague à l’extérieur, il faut noter que cette maîtrise médicalisée marche finalement assez bien, calée sur une pente d’économies de 675 millions d’euros là où l’accord conventionnel escomptait un milliard. Ã l’heure de mettre ce numéro sous presse, il n’est même pas exclu que le pronostic ne sera pas revu à la hausse tant les mois qui passent attestent d’un net coup de frein. Même les prescriptions de statines accusent un tassement depuis la rentrée alors même que l’argumentaire n’était pas convaincant. L’arrivée des génériques de simvastatine a sans doute sauvé du naufrage économique cet objectif assez mal fondé au plan scientifique. On a bien compris à l’issue de cette double communication que l’essentiel des économies s’est trouvé réalisé sur la prescription d’arrêts de travail et que, l’an prochain, le chantier sera concentré sur le fameux ordonnancier bizone. Les praticiens seront dotés d’outils nouveaux pour parvenir à mieux isoler ce qui relève de la maladie invalidante de ce qui est « intercurrent » : sans doute l’accès informatisé (grâce à un outil déjà baptisé « webmédecin ») aux informations relatives à l’ALD du patient et des outils pédagogiques cohérents avec une campagne de publicité sur les grands médias audio-visuels ;

le DMP (Dossier Médical Personnel), censé doter, courant 2007, chaque Français déjà titulaire d’une carte Vitale, faisait l’objet d’un atelier co-animé par Dominique COUDREAU, président du GIP, qui a charge de son déploiement expérimental, et Robert GRANDI, porteparole du tandem Cégédim-Thales, un des six consortiums retenus pour la phase expérimentale. Qu’en retenir que ne sachent déjà les lecteurs du Cardiologue ? Sinon que, depuis, le chantier a pris du retard à la suite de la plainte d’un « battu » de l’appel d’offres et qu’il ne sera réellement opérationnel qu’à partir du 5 décembre. Rappelons que cette phase n’a vocation qu’à permettre un cumul d’informations suffisant… à fonder l’appel d’offre définitif qui sera lancé au printemps 2006. Les participants à l’atelier, qu’animait le cardiologue Jean- François THÉBAUT, en sont sortis assez marris de n’avoir que fort peu appris, rien notamment sur le contenu et les modalités d’accès au DMP par les praticiens du parcours de soins ;

L’EXERCICE MULTIDISCIPLINAIRE est un sujet à la fois prospectif et d’actualité ; cet atelier qui mettait sur la sellette une infirmière et un kinésithérapeute n’a hélas pas permis de dépasser le stade des pétitions de principe. L’intervention ultérieure du Doyen BERLAND, le « Monsieur Démographie Médicale » du Gouvernement, n’a pas non plus permis d’en savoir plus que ce qu’il a déjà annoncé dans nos colonnes concernant les expériences de « délégation de tâches » en cardiologie (réalisation d’écho-cardiographie par un technicien en imagerie). C’est du ministre Xavier BERTRAND qu’on attend des informations sur la prospective en ce domaine, promises pour une prochaine conférence de presse ce mois de novembre. A déjà « fuité » de l’arsenal réglementaire envisagé l’hypothèse de permettre aux praticiens qui le souhaitent le cumul d’une retraite et du revenu d’une activité résiduelle… dans des conditions qui, seules, présenteront quelque intérêt ;

LA DEMOGRAPHIE MEDICALE est un sujet qui a désormais du mal à receler quelque élément de surprise. L’atelier de Ramatuelle n’a pas dérogé à la règle ; on se contentera donc d’attendre, pour les commenter, les décisions ministérielles ;

L’ARRIVEE DES CAPITAUX EXTERIEURS dans le monde de la santé était illustré par deux intervenants qu’il aurait été plus pertinent de faire déposer isolément tant leurs sujets sont éloignés : M. Daniel BOUR, président de la Générale de Santé, numéro 1 de l’hospitalisation privée, et M. Luc FIALLETOUT, patron d’Interfimo, filiale du Crédit Lyonnais, qui avait charge de détailler les vertus de la SEL. Qu’en retenir sinon la percutante passe d’armes entre deux biologistes, Claude COHEN, président en titre de la spécialité (versant médical, la majorité étant représentée par la profession pharmacienne) et un praticien de la région Centre, le Dr DELAPORTE, lui-même animateur d’une « chaîne » de laboratoires à l’enseigne de Labco SAS. Enjeu du contentieux : la place et le rôle des capitaux extérieurs à la discipline. Il faut savoir que le réseau actuel des labos d’analyse est déjà en grande partie aux mains d’opérateurs financiers. Avec les conséquences que l’on imagine pour l’indépendance des praticiens. Avec aussi ses avantages : réaliser la cession de son patrimoine professionnel… 10 ans avant la retraite. Le sujet mérite, de toute évidence, un traitement bien au-delà de celui qui lui fut réservé ce jour-là ;

LA REGIONALISATION fait aussi partie des sujets décevants de cette édition de Ramatuelle. Non du fait de ses intervenants, respectivement présidents de la Conférence des URML et des URCAM, mais par manque de texture. Ou plutôt par son ambiguïté : la régionalisation, tout le monde en veut en région et personne n’en veut à Paris ! Les rapports se succèdent sur le sujet depuis celui de Raymond SOUBIE (intitulé « Santé 2010 ») qui plaidait, dès les années 80, pour une authentique déconcentration de l’assurance maladie jusqu’au dernier, celui de feu le Commissariat au Plan qui y a donc consacré un ultime chantier. Conséquence : le mille-feuille institutionnel est devenu indigeste, à peu près illisible et stérile : personne ne sait vraiment à quoi servent ces Conférences régionales de santé, PRAPS et autres CRPN, pour ne faire écho qu’aux derniersnés des acronymes sanitaires régionaux. Ah si : la loi de réforme de l’assurance maladie a prévu que trois régions devraient expérimenter le nouveau statut d’Agence régionale de santé (là on voit à peu près sa vocation à fédérer les deux structures ARH + URCAM) mais leur désignation a pris du retard. Rendez-vous donc à nouveau l’an prochain pour un sujet décidément itératif ! ;

LA HAUTE AUTORIE DE SANTE (HAS) ne faisait pas, a priori, partie des sujets classés sous la rubrique « ateliers » mais la disponibilité de son intervenant-vedette, le Pr Laurent DEGOS, président, et sa capacité à soutenir le jeu délicat des questionsréponses oblige à l’évoquer. On observera que si les missions de cette institution, nouvelle et prometteuse, sont à peu près avérées, c’est son fonctionnement qui interpelle. Et qui pose abruptement question : l’avis qu’elle aurait rendu (postérieurement à Ramatuelle où la question n’a donc pu être posée par les cardiologues présents) sur l’AcBUS traitant des anti-agrégants plaquettaires est-il synchrone avec celui de l’Afssaps pour l’AMM du produit majeur de la classe ? En d’autre termes, on voit bien que les problèmes de la HAS sont devant elle, longs d’une liste équivalente à ceux posés par la maîtrise médicalisée conventionnelle. On attend d’elle des éclairages décisifs sur le panier de soins dû, par exemple, aux bénéficiaires d’une inscription en ALD : quelle prescription relève du 100 % et laquelle n’en relève pas ? _ On attend aussi et surtout de la HAS, pour juger de sa parfaite indépendance par rapport à tous les pouvoirs, de voir quel sujet elle choisira pour sa première « auto-saisine », comme elle en a le droit sinon le devoir, comptable qu’elle est des arbitrages entre la science et l’économie. Ou à tout le moins des suggestions de décisions, suggérées au ministre.

Jean-Pol Durand