Les dents trop longues de l’hospitalisation privée

341 – CardioNews – L’information est passée relativement inaperçue et pourtant elle vaut son pesant de menaces sur l’exercice libéral en France. Autant, sinon plus que les négociations de la prochaine Convention, ouverte le 7 avril dernier sans qu’on sache, depuis le départ spectaculaire des délégations CSMF-SML (voir par ailleurs) à quelle échéance elles devront désormais s’achever, avant ou après les rendez-vous électoraux de 2012.

De quoi s’agit-il ? D’une ambition affichée dans les colonnes du quotidien économique Les Échos par le nouveau patron d’un groupe industriel leader sur son marché domestique. Rien d’un scoop, en vérité, sinon que cette déclaration est signée de M. Ferruccio Luppi, nouveau président du Directoire du groupe Générale de Santé, chef de file des cliniques privées en France. Et qu’elle fait suite à une même ambition affichée il y a deux ans par le Dr Christian Le Dorze, fondateur du groupe Vitalia, concurrent du premier, devant une assemblée réunie par l’URML des Pays de la Loire.

Analyse des forces en présence. Générale de Santé est donc la doyenne des holdings opérant sur le secteur de l’hospitalisation privée ; elle a vu le jour il y a bientôt vingt ans, à l’initiative d’un cadre de la Générale des Eaux soucieux de porter la diversification de son groupe. Elle avait fait peur du temps où son flamboyant (et éphémère) président, Jean-Marie Messier s’était mis en tête d’ajouter au portefeuille la majorité de la presse médicale (dont Le Quotidien du Médecin, revendu depuis) et le RSS (Réseau Santé Social) dont il avait obtenu la concession de Martine Aubry en échange de son zèle à appliquer les 35 heures dans son groupe !

Aujourd’hui, la Générale de Santé est à la tête d’un réseau de 110 établissements hébergeant l’activité de 5 000 médecins spécialistes. La société a fait l’objet d’un de ces séismes qui émaillent régulièrement la vie des grandes entreprises internationales. L’actionnariat italien([Dans lequel on retrouve le nom de M. de Agostini, une sorte de « Bolloré italien », plus connu de la presse people en France que de la presse médicale. Et pour cause, c’est lui qui avait payé les vacances américaines de M. Sarkozy à l’été 2007.)] a littéralement débarqué – pour « divergences stratégiques » – celui qu’elle avait installé quatre ans plus tôt en la personne de M. Frédéric Constant pour installer à sa place un autre italien « pur jus » en la personne de Ferruccio Luppi, celui-là même qui s’est exprimé dans les colonnes des Echos du 25 mars.

Extraits : Soucieux d’adapter son modèle à la politique des pouvoirs publics, Générale de Santé entend donc développer son propre « parcours de soins », maisons de santé en amont des cliniques et établissements SSR en aval ! Imparable quand le chemin de la croissance externe est barré avec un prix de rachat des établissements à un tarif jugé rédhibitoire !

Le plus surprenant est que le numéro 2 du secteur, le Dr Christian Le Dorze, ancien directeur du développement de la même Générale de Santé (quittée lorsqu’il ne la trouvait plus aussi dynamique que lui-même le souhaitait) ne disait pas autre chose il y a … 2 ans devant un colloque consacré à l’économie de la Santé par l’URML (Union Régionale des Médecins Libéraux) des Pays de la Loire. Fondateur de Vitalia (48 cliniques, 10 000 salariés et 2000 médecins), ce dernier affichait rigoureusement la même stratégie…

On nous rétorquera que cette ambition est, depuis, restée lettre morte. Sauf qu’entre temps, le mouvement d’industrialisation du monde de la santé n’a pas cessé sa marche en avant. Daniel Caille, qui s’était fait « virer » de la Générale en 2007 a, depuis, créé un autre groupe, Vivalto Santé, déjà implanté dans l’Ouest (notamment la Clinique Saint-Grégoire de Rennes, une habituée des « palmarès » nationaux) et les chaînes ont, peu ou prou, pris le contrôle de la fédération nationale. Ce sont elles qui ont imposé, dans le débat parlementaire de la loi HPST, le droit pour les établissements de salarier des médecins contre l’avis unanime de la profession médicale et du SYMHOP sa composante spécialisée !

Les cardiologues sont aux premières loges de l’offensive. Parce qu’ils sont assez représentatifs de cette interface médicale nécessaire aux cliniques pour asseoir leur recrutement, ils sont les premiers dans la cible : l’établissement entend pouvoir se passer de leur réseau de correspondants en organisant deux ou trois « maisons de santé de proximité » et leur imposer, dans le même temps, le fléchage des soins de suite.

Et ceux qui regimbent verront arriver, un beau matin, le jeune confrère salarié … sur un poste que lui avait promis la clinique à sa troisième année d’internat !

Soyons clairs : les cardiologues sexagénaires n’ont pas à se préoccuper de cette évolution attendue ! Les autres, tous les autres et surtout les quinquagénaires, ont, eux, l’assurance de ne pas finir leur carrière dans les conditions où ils l’on entamée ! Et sans doute ont-ils, aux yeux des générations qui arrivent, la responsabilité historique d’organiser la riposte à l’entrisme industriel dans leur champ de légitimité.

En exhortant ses anciens mandants au regroupement depuis les actuels cabinets de groupe existants, Jean-François Thébaut leur laissait plus qu’un testament : une véritable « feuille de route » pour les 5 ans à venir !

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