Les enfants incas sacrifiés du volcan Llullaillaco

357 – Christian Ziccarelli – Un volcan inactif

Le mont Llullaillaco est un volcan de 6 739 m localisé dans les Andes, à l’ouest de la province de Salta, le plus haut sommet servant de frontière entre le Chili et l’Argentine. Dès 1952, une expédition chilienne signale l’existence de ruines archéologiques. Une première fouille est réalisée par l’Autrichien Mathias Rebitsh en 1958, suivie en 1971 par celle du Dr Orlando Barvo. Le lieu du sacrifice est localisé en 1974, mais il faudra attendre 1999 pour qu’une expédition, sous la direction de l’anthropologue américain le Dr Johann Reinhard, situe puis exhume les corps et les biens des enfants de Llullaillaco.

Comprendre le rapport des Incas avec la nature

Pour les cultures américaines précolombiennes la nature était considérée comme sacrée, notamment pour les Incas, les montagnes étaient des divinités. Ils construisirent sur les sommets des structures, les sanctuaires des hauteurs, leur permettant d’accomplir leur rite.

Le volcan Llullaillaco a ainsi plusieurs sites reliés par un chemin allant jusqu’au sommet. A 6 730 mètres furent découvertes deux enceintes connues sous le nom de « huttes doubles », un mur semi-circulaire ou « paravent » et enfin un chemin conduisant à une plate-forme cérémoniale circulaire. A l’époque de l’arrivée des conquistadors, les Incas occupaient un large territoire s’étendant jusqu’au Nord de l’Argentine actuelle.

Les enfants de Llullaillaco

Pour leurs rituels et sacrifices, les Incas offraient ce qu’ils possédaient de mieux. La vie des enfants et leurs biens mortuaires constituaient la plus grande offrande. Ont été retrouvés une Petite Fille de six ans, la Demoiselle de quinze ans et un Petit Garçon d’environ 7 ans. Ils sont présentés en alternance dans des vitrines spéciales reproduisant les conditions climatiques de haute altitude.

Devant ces enfants sacrifiés, on reste sans voix, avec un sentiment d’effroi et d’incompréhension.

Le Petit Garçon de 7 ans a été trouvé assis sur une tunique de couleur grise, la tête orientée vers le soleil naissant, les yeux mi-clos. Un manteau brun et rouge couvre sa tête et la moitié de son corps. Il avait les cheveux courts, un bracelet en argent et une parure de plumes blanches soutenue par une corde en laine entourée autour de la tête. Les offrandes, liées au monde masculin, étaient des statuettes anthropomorphes masculines en or, en argent, vêtues de textiles, en miniature, des camélidés (jouant un rôle fondamental dans l’économie inca), un spondyle et des lance-pierres. Plusieurs éléments, dont la déformation de son crâne, les ornements céphaliques avec des plumes et des fleurs, sont le témoin de sa haute lignée.

La Petite Fille foudroyée de 6 ans a été trouvée assise, les jambes fléchies et la tête levée regardant en direction du sud-ouest. Elle était accompagnée d’objets à usage personnel liés au monde féminin, notamment des poteries (jarre, assiettes, plats ornithomorphes décorés de motifs géométriques…), d’un petit sac (Chuspa) tissé en laine de camélidés et de statuettes féminines en or ou en argent, vêtues de textiles miniatures, coiffées de plumes.

Un petit Kero (verre) en bois avec des motifs géométriques entaillés, produit dans tout l’empire inca, servait pour la libation de la chicha (alcool de maïs).

La Demoiselle avait environ une quinzaine d’années. Sur son visage, on trouve des traces de pigments rouges et elle avait des petits fragments de feuille de coca dans la bouche. Elle était probablement « une vierge du soleil » ou Aella, éduquée dans la maison des Elues, un lieu de privilège pour certaines femmes au temps des Incas. Elle était assise, les jambes repliées et croisées, les bras reposant sur son ventre, la tête penchée vers l’épaule droite, la face orientée au nord-est. Elle portait un manteau de couleur sable et sur son épaule droite un unku, un des vêtements les plus caractéristiques et prestigieux de l’empire inca. Comme pour les autres enfants des offrandes miniatures, liées au monde féminin étaient disposées autour d’elle.

La Capac hucha

La Capac hucha ou « obligation royale », qui a lieu lors du mois dédié à la récolte ou en l’honneur de la mort d’un empereur, est un des rituels les plus importants du calendrier inca. Les enfants de tous les villages de l’empire, voire ceux des dirigeants, choisis pour leur beauté et leur perfection physique, étaient envoyés à Cusco.

Les Incas se réunissaient sur la place principale face aux images du Dieu de la création (Viracocha) et d’autres divinités. Après le sacrifice d’animaux, les prêtres et l’empereur inca célébraient des mariages symboliques entre les enfants des deux sexes. Retournant dans leur village où ils étaient reçus et acclamés avec joie, ces enfant se dirigeaient en cortège en chantant vers le lieu des offrandes.

On donnait à boire de la chicha à l’enfant élu, habillé de ses plus beaux vêtements. Une fois endormi, il était enterré avec les offrandes. Ils rejoignaient les ancêtres qui observaient les villages du haut des montagnes. Leur vie offerte servait à assurer à l’empire santé et prospérité, mais aussi à renforcer l’énergie vitale du souverain.

Partant de Cusco, les enfants de Llullaillaco auraient accompli à pied les 1 600 kilomètres qui les séparaient du lieu programmé de leur mort. ■

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