Les Français et le médicament : la confiance les yeux ouverts

362-363 – Catherine Sanfourche – Pour la troisième fois, Ipsos a réalisé pour Les Entreprises du Médicament (LEEM) « l’observatoire sociétal du médicament ». En cette période où le vent de la contestation à fortement soufflé sur les médicaments, on pouvait s’attendre à voir fléchir la confiance des Français dans les médicaments. Il n’en ai rien, au contraire : 87 % des personnes interrogées déclarent leur confiance dans le médicament quand ils n’étaient « que » 84 % en 2012 et 82 % en 2011… Et ce n’est pas parce qu’ils ignorent tout des récentes polémiques : 52 % disent avoir entendu parler du livre des Professeurs Even et Debré (Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles et dangereux) et 95 % ont eu vent de la polémique sur les pilules de 3e et 4e générations. Quant aux médecins généralistes, interrogés pour la première fois cette année dans le cadre de cet observatoire, ils sont 94 % à affirmer aussi cette confiance dans le médicament.

Fenetre sur2Dans son analyse des résultats, le LEEM avance plusieurs explications à  cette « apparente contradiction ». Tout d’abord, le patient est confiant parce qu’il est un acteur « conscient des risques et qui s’informe ». 43 % des Français disent prendre des médicaments tous les jours (hors pilule contraceptive) et 92 % estiment que les médicaments qu’ils prennent sont efficaces d’une manière générale. Ils sont 77 % à considérer que depuis vingt ans, les médicaments se sont améliorés d’une façon générale. « Même s’ils ne nient pas les problèmes rencontrés par certains médicaments, commente le LEEM, les Français s’en remettent avant tout à leur vécu, à leur “longue” relation avec les médicaments ».

En second lieu, les Français montrent, selon le LEEM, « une réelle maturité et une implication forte ». Si plus des deux tiers jugent que leur médecin (64 %) ou leur pharmacien (68 %) leur donnent assez d’information sur les médicaments prescrits et délivrés, ils sont autant à aller rechercher des informations supplémentaires sur les effets indésirables, les contre-indications et la posologie. Pour ce faire, ils consultent la notice (48 %) et Internet (46 %). Lors de la première prise d’un médicament, ils sont d’ailleurs 97 % à lire la notice et consulter les informations figurant sur la boîte.

Cette appétence pour l’information a tout naturellement fait évoluer la relation que les Français entretiennent avec leur médecin. Plus de la moitié (51 %) déclare avoir déjà parlé avec leur médecin des informations qu’ils ont recueillies sur Internet à propos de leurs symptômes ou de leur maladie. Et les médecins confirment : tous disent avoir connu cette situation. Tout comme ils confirment largement (96 %) qu’on leur demande souvent la prescription d’un médicament en particulier (62 % des Français disent l’avoir déjà fait) ou être contestés dans leur prescription (un quart des personnes interrogées dit avoir déjà montré leur désaccord). Pour le LEEM, « le fait de pouvoir discuter, débattre et remettre en cause participe aussi du processus de confiance dans le médicament ». Les médecins auront peut-être une autre interprétation !

De même peut-on s’interroger sur l’affirmation du LEEM selon laquelle la multiplicité des acteurs de la chaîne du médicament parce qu’elle serait « rassurante sur leur capacité à s’interréguler » renforcerait aussi la confiance des Français dans le médicament. Les dernières « affaires »  ont pu aussi laisser penser que cette multiplicité des acteurs diluait les responsabilités et empêchait parfois les prises de décision ad hoc.

En revanche, on ne s’étonne pas de constater que la confiance dans les médicaments est d’autant plus grande qu’ils bénéficient d’une caution médicale : la confiance atteint 93 % pour les médicaments sur ordonnance contre 66 % pour ceux délivrés sans ordonnance. La caution publique qu’apporte le remboursement est aussi facteur de confiance : 92 % des Français se fient aux médicaments remboursés contre 74 % qui se fient à ceux non pris en charge. De même, les Français font plus confiance aux princeps (88 %) qu’aux génériques (70 %). Rien d’étonnant dans ces conditions que seuls 4 % des personnes interrogées aient déjà acheté des médicaments sur internet.

Enfin, si 63 % des Français disent voir une bonne image de l’industrie pharmaceutique, soit 3 % de plus qu’en 2012, leur vision du secteur est « positive, mais sans concession », indique le LEEM. Ainsi, 90 % d’entre eux (et 96 % des médecins) estiment que l’objectif premier des entreprises pharmaceutiques est de faire du profit et usagers et médecins s’accordent (83 %) pour penser qu’elles « ne font de la recherche que pour des médicaments financièrement rentables ». Confiants dans le médicament les Français ? Oui, mais lucides.

 

Spécialistes, on vous aime !

Selon le troisième baromètre du Groupe Pasteur Mutualité, 93 % des Français font « tout à fait » ou « plutôt » confiance aux spécialistes, un iota de plus qu’aux généralistes (92 %). L’écoute (59 %), l’expérience (54 %), la disponibilité (37 %) et la capacité à prendre des décisions rapides (32 %) sont les critères sur lesquels s’assoie cette confiance. Concernant l’écoute et la disponibilité, les généralistes (75 %) l’emportent sur les spécialistes (64 %). En revanche, au chapitre de l’expérience, les personnes interrogées font davantage confiance aux spécialistes et aux hospitaliers (83 %) qu’aux généralistes (70 %) pour « s’adapter aux évolutions des soins et s’informer sur les nouvelles techniques médicales applicables aux patients ». Las ! L’accès aux spécialistes n’est pas évident : seuls 35 % des Français estiment qu’ils sont « bien répartis » sur le territoire (40 % ont le même sentiment à l’égard des généralistes).

Sur l’aspect financier des choses, le baromètre montre qu’une majorité des Français (78 %) jugent la consultation d’un spécialiste « trop chère », moins cependant que les soins dentaires (87 %).

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