Les gilets jaunes

Fin d’année bien douloureuse pour notre pays.

Une nouvelle fois la France est meurtrie par une attaque terroriste aveugle au moment même où elle se prépare à célébrer une fête familiale et religieuse. Nous sommes tous les victimes des événements de Strasbourg et nos pensées vont bien sûr aux habitants de cette ville et plus particulièrement à celles et ceux qui ont été touchés dans leur chair.

L’histoire retiendra sans doute aussi la fronde ou la révolte des gilets jaunes. Soudainement, une frange de la population revêtue d’une même tunique descend dans la rue, envahit les ronds-points qui deviennent les nouvelles agoras, manifeste dans les grandes villes et, pour une partie d’entre elle, se livre au saccage de lieux hautement symboliques de la République, des beaux quartiers et du commerce de luxe.

Au-delà des revendications portées, certaines pertinentes, d’autres plus irrationnelles, l’analyse de ce mouvement est captivante tant elle nous apporte d’informations sur l’évolution de notre société. Il en est ainsi, mais la liste n’est pas limitative, de l’émergence confirmée de nouveaux relais de transmission des revendications et de la fracture profonde du pays. 

Les relais classiques, partis politiques et centrales syndicales, ont été exclus, car vus comme une élite coupée du peuple, vivant dans son entre-soi. Les Marcheurs de 2016 avaient d’ailleurs puisé leur succès dans ce rejet des structures du vieux monde et il est cocasse de voir le sujet leur revenir en boomerang quelques mois plus tard ! Et ce sont ces mêmes réseaux sociaux qui leur avaient permis de gagner l’élection présidentielle sans parti politique structuré, que les gilets jaunes se sont à leur tour accaparés pour mener seuls leur mouvement. Quel bouleversement profond des modes d’expression et d’organisation de nos démocraties ! 

Surtout ce mouvement est la révélation au grand jour d’une France oubliée. Petit à petit, à partir des années 1980, un fossé s’est creusé avec le décrochage d’une partie de la population, paysans, ouvriers, petits artisans et fonctionnaires, aggravé par l’éloignement des grandes métropoles. Cette France déclassée, les « sans-dents » de François Hollande, promise à la disparition, n’intéressait plus le monde politique, culturel et médiatique. Ce monde était plus attentif aux problèmes des banlieues et de l’immigration. 

Le réveil au mois de novembre fut brutal. Il a fallu prendre dans l’urgence des mesures financières autant impératives que non financées sinon par l’impôt ou la dette faute d’avoir réalisé auparavant des économies budgétaires. 

Mais le mal est plus profond et de simples mesures financières ne suffiront pas à le guérir. C’est par une approche globale, économique mais aussi décentralisatrice, culturelle et sociale que nous arriverons progressivement à redonner du sens à tous les territoires. Ils reviendront des lieux de vie où après 10 ans d’études post bac les jeunes médecins pourront aller vivre et exercer sans avoir l’impression de s’exiler et de se couper du monde moderne. Alors, et seulement alors, il sera « chébran » de vivre en Creuse !

Jean-Pierre Binon

Président du SNSMCV