Les lipides – nutrition et santé

364 – Yves Carat – Paraphrasant Woody Allen, l’auteur aurait pu appeler ce livre «  Tout ce que vous voulez savoir sur les lipides sans oser le demander » ; aucun doute en effet, cet ouvrage de Claude Leray, qui tranche agréablement avec d’autres écrits récents sur la même thématique est une véritable encyclopédie sur la question.

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Pour le médecin, le cardiologue, voire surtout le grand public, le mot « lipides» évoque avant tout un risque accru de maladies cardiovasculaires ou, a minima, une dépense énergétique excessive.

En fait, le lecteur, étonné, va puiser dans ce remarquable document des informations exhaustives sur tout ce qui concerne les graisses, pas seulement ses aspects négatifs en pathologie humaine, mais aussi et presque surtout la preuve de leur importance incontournable, fondamentale même dans les mécanismes cellulaires et la nutrition.

Il apprendra par exemple que les lipides, dont la connaissance s’est limitée jusqu’au XVIIIe siècle à la notion d’huile d’olive, doivent leur classification actuelle à un grand chimiste français Michel-Eugène Chevreul qui, en 1823, a réparti les corps gras en six groupes et a établi le premier que leur structure générale était une combinaison de glycérols et d’acides gras.

Il saura, entre autres, que le record de production mondiale en matière de graisses concerne l’huile de palme avec 46 millions de tonnes (3 millions seulement pour l’huile d’olive), cette huile dont le Gouvernement français, l’accusant de favoriser la déforestation et l’obésité,  envisageait un temps de surtaxer l’importation avant de faire marche arrière ; chaque Français en consomme tout de même 4,5 kg par an, le produit le plus consommé chez nous étant l’huile de colza avec 13,5 kg par an et par habitant soit près de dix fois plus que l’huile d’olive !

L’auteur insiste également sur l’évolution de la nutrition et des régimes alimentaires, rappelant que le régime dit paléolithique, reconstitué en 1998 par le Pr Eaton, spécialiste incontesté de la paléonutrition, basé sur la suppression des produits laitiers et des céréales, est aujourd’hui recommandé par des nutritionnistes de renom.

La nature des apports lipidiques alimentaires et leur métabolisme sont des données plus connues. La notion d’ANC (apports nutritionnels conseillés) l’est un peu moins de même que l’estimation de la consommation réelle de lipides dans la population, imprécise notamment en raison du succès commercial grandissant de plats préparés riches en graisses dites cachées ; a priori, cette consommation serait supérieure d’un quart aux recommandations internationales, d’ailleurs corrélée à l’augmentation récente du surpoids chez l’adulte comme chez l’enfant. Il semblerait établi que les lipides représentent aujourd’hui 37 à 40 % de l’apport énergétique dont 63 % proviennent de graisses animales. Cela cadre encore une fois avec la constatation d’une obésité même dans les régions méditerranéennes, jusque là moins concernées par ces habitudes alimentaires.

Bien entendu, l’auteur ne s’en tient pas à la description du comportement nutritionnel : après une revue exhaustive de la provenance alimentaire de tous les lipides, et de la contenance précise en graisses de tous les aliments, il en vient à traiter ce qui est pour nous médecins l’essentiel, les rapports entre lipides et santé. Ce chapitre qui fait à lui seul plus de 150 pages passe absolument tout en revue, étudiant les rapports potentiels de toutes les graisses actuellement recensées et de toutes les pathologies ayant fait l’objet d’études sérieuses, cancers et maladies cardiovasculaires en tête, mais aussi maladies du système nerveux, déclin cognitif, démences, troubles de la vision, maladies inflammatoires et immunitaires, etc., etc.

Au total, c’est un véritable monument, indispensable à tous ceux qui ont envie de comprendre en détail non seulement les rapports entre lipides et pathologie, mais aussi les besoins avérés ou éventuels de l’organisme en divers acides gras, stérols et vitamines.

Claude Leray est docteur es sciences et directeur de recherche au CNRS

A mettre, le plus vite possible, entre toutes les mains.