Les rendez-vous « tenables » et les autres

325 – Pour être alliés, la CSMF et le SML n’en sont pas moins concurrents, sur le terrain syndical et sur le terrain médiatique. Ainsi organisent-ils, le même week-end de septembre, une Université d’été ordinairement distante de quelques kilomètres seulement : Cannes pour la première et Opio pour le second. Ce qui permettait au ministre du moment d’honorer sans peine deux invitations où il martelait le même message Ainsi en allait-il jusqu’à cette année, où Christian Jeambrun, nouveau président du SML avait décidé d’inaugurer son mandat avec une Université d’été transportée sur les rives du Rhône, à Lyon. Pour finir de prendre ses distances avec le règne de son prédécesseur, il se passait même du bristol envoyé au ministre et avait décidé de n’inviter cette année que le Directeur de la CNAM pour lui soumettre un projet conventionnel mûri depuis des semaines dans le secret de groupes de travail thématiques.

Le triomphe de Rocky, sinon de ses thèses

Et c’est ainsi que le concept de « médecin volant », sorte d’OVNI conventionnel sorti de l’imagination débridée de Dinorino Cabrera son prédécesseur, a pris quelque consistance sous la patte de Christian Jeambrun. Qui a défi ni trois profils de candidats éligibles : nouveaux installés de zones sur-dotées qui ne seraient conventionnés que sous condition d’aller prêter la main un jour par semaine en zone sous-dotée, remplaçants qui seraient également appelés en renfort, ou retraités encore candidats à une activité partielle dans une zone fléchée… Un effort de pragmatisme sur le terrain miné des aménagements à la liberté d’installation dont le syndicat était fondé à imaginer un accusé de réception plus empathique que celui que lui a fi nalement formulé M. Van Roekeghem : « Vous êtes apporteurs d’idées, mais leur soutenabilité financière est moins assurée ! »

On a connu propos plus chaleureux de la part de celui que le Gouvernement aurait pris le parti, malgré des rapports avec Roselyne Bachelot qui ne sont pas empreints de franche aménité, de reconduire dans ses fonctions de directeur de l’UNCAM et, à ce titre, principal négociateur de la Convention. A la CSMF où il se rendait dans la foulée, le même Rocky se savait attendu sur le thème du CAPI, sujet autrement plus éruptif dès lors que ses hôtes ont jeté l’anathème sur ce contrat d’intéressement et l’ont traduit devant le Conseil d’État. Fort d’une petite dizaine de milliers de signatures au bas de son parchemin, Rocky pouvait voir venir, avec hauteur et circonspection, des critiques convenues et ambiguës. Dès lors que Jean-François Rey, président de l’Umespe qui réunit les spécialistes confédérés, a lui-même réclamé un CAPI des spécialistes, le sort du débat était clos et les auditeurs condamnés à une conclusion obligée : « Chapeau l’artiste » !

Dans l’histoire des rapports de la profession médicale et des Caisses, cet épisode du CAPI laissera immanquablement des traces dont on aurait tort de les croire cicatrisées dès lors qu’apparaît acté le principe d’introduire le paiement à la performance dans la palette des modes de rétribution conventionnelle. L’intéressement des médecins à des clauses d’économies, directement ou indirectement générées par leurs pratiques, pose d’évidents problèmes d’éthique qu’il faudra bien aborder un jour plus frontalement (lire à cet égard la contribution du jeune philosophe Paul-Loup Weil Dubuc).

Double échéance

Mais pour l’heure, et en deux circonstances et en deux lieux, « Rocky » a donc posé massivement son empreinte sur la négociation conventionnelle qui s’ouvre sur une double échéance :

au 15 octobre, il est censé « rendre la copie » du secteur optionnel. A l’heure de mettre ce numéro sous presse, l’exercice n’apparaissait pas hors de portée. Non que les divergences qui s’étaient faites jour il y a un an aient été résorbées -les Complémentaires continuent de conditionner leur « solvabilisation » des dépassements plafonnés à une « solution » du secteur 2 – mais enfi n les marges de négociation apparaissent réelles… si volonté politique il y a d’aboutir des deux cotés de la table. Conforté dans son rôle, mais aussi parce qu’il a besoin d’un succès diplomatique, M. Van Roekeghem, va s’investir totalement dans le dossier. Et le Gouvernement lui en saura gré pour s’épargner les affres d’une intervention autoritaire !

au 10 janvier prochain ! Cette échéance-là, toute théorique, s’avère d’une toute autre nature. Formellement elle n’existe que parce que les syndicats signataires, CSMF et SML, ont dénoncé le dispositif qu’ils avaient négocié/signé fi n 2004. Et parce que, derrière l’argument officiel d’une « panne » de la vie conventionnelle depuis 2 ans, la manœuvre visait surtout à précipiter la re-négociation avant toute nouvelle enquête qui ferait place aux impétrants de la nouvelle représentativité selon les trois collèges définis par la Loi HPST : généralistes, spécialistes et spécialistes de plateau technique. La manoeuvre n’était pas malhabile mais elle a été déjouée par Roselyne Bachelot qui a déjà fait savoir qu’elle n’agréerait pas un texte conventionnel qui n’ait été discuté par la totalité des syndicats qui auront reçu « l’onction » du suffrage universel.

Du coup, l’échéance du 10 janvier ne tient plus qu’à un fi l, ténu ; elle peut être reportée par un simple articulet inscrit au PLFSS (Gilbert Barbier, sénateur-maire de Dôle (Jura) a d’ailleurs fait connaître son intention de saisir le Parlement du problème : dans une proposition de loi (dont on voit mal que le Parlement débattrait ailleurs que par voie d’amendement au PLFSS), il suggère que, malgré la dénonciation des syndicats signataires, l’actuelle Convention voit son terme reporté au 31 décembre 2010. « Coup de force » crient les signataires qui dénoncent la proximirté (géographique et intellectuelle) de l’honorable parlementaire avec Martial Olivier-Koehret, président de MG-France.), le temps d’organiser des élections « en bonne et due forme » aux URPS (Union Régionales des Professionnels de Santé). Au printemps ou à l’automne prochain compte tenu de la difficulté spécifique à élaborer les listes électorales de paramédicaux. En tout état de cause, Mme Bachelot a promis à la FMF, MG-France et consorts que le train de la « vraie » négociation ne partirait pas sans eux.

Mais dans l’année qui vient, Mme Bachelot aura elle-même dû faire un choix cornélien : rester ministre ou devenir Présidente de la région Pays-de-la-Loire en cas de succès en mars d’une compétition où elle hésite encore à s’aligner. La vie politique est également un dilemme !

 

Denis Piveteau, l’arbitre annoncé

Au cas où, hypothèse plausible, les négociateurs de la Convention ne parviendraient pas à s’entendre à l’échéance prévue, quelle qu’elle soit, la Loi exclut désormais la formule du règlement conventionnel minimum qui s’était avérée tellement préjudiciable aux spécialistes dans la décennie 1990.

La vie conventionnelle, et donc l’évolution des honoraires ou les contraintes de la maîtrise, serait entièrement dévolue à un homme, un seul, en la personne du Président du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM). Jusqu’à la fi n septembre, cette personnalité était M. Bertrand Fragonard à qui allaient comme un gant les habits d’arbitre intègre. Or celuici vient, à 69 ans pour raisons personnelles sans rapport avec l’actualité, de céder son siège à son vice-président, M. Denis Piveteau, 49 ans, ancien élève de l’École Polytechnique (1982) et de l’ENA (1990-92) et qui fut auditeur au Conseil d’État pendant trois ans avant de devenir commissaire du gouvernement auprès de la Commission nationale de contentieux de la Sécurité Sociale. Dernièrement il dirigeait la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, chargée de gérer les subsides issues de la Journée de Solidarité en faveur de la vieillesse dépendante.