Lettre ouverte à mesdames et messieurs les candidats à la Présidence de la République

298 – Le système de soins français est reconnu partout pour sa qualité et son accessibilité à tous. _ C’est notamment parce qu’il repose sur une double dualité. D’une part, pour ce qui concerne l’hospitalisation et les plateaux techniques lourds, nos compatriotes disposent à la fois d’un secteur public et d’un secteur privé, et ils bénéficient d’autre part d’une médecine spécialisée libérale de qualité et de proximité, numériquement égale à celle de premier recours. _ L’accès à la spécialisation de la médecine générale ne changera, en fait, rien à cette dualité. _ Pour nos patients, la médecine spécialisée libérale, dont la cardiologie en particulier, est une grande richesse qui ne doit pas être dilapidée. _ Il est normal d’augmenter les honoraires de nos confrères, médecins de famille, qui ont un rôle quotidien fondamental, mais le statut des spécialistes ne doit pas être ignoré pour autant. – Il ne s’agit pas de privilégier les uns par rapport aux autres, il s’agit seulement d’être juste. – En optant pour un exercice exclusif, les spécialistes décident d’un mode d’exercice différent : – différent dans le recrutement des patients, de fait, limités en nombre ; – différent dans le temps consacré à chaque patient, qui est communément le double voire le triple de celui d’une consultation de premier recours ; – différent dans le contenu et l’expertise du service médical rendu, plus pointu, plus approfondi, le plus souvent complété par un compte rendu ou une lettre de synthèse – différent dans le degré de responsabilité, puisqu’il est considéré comme expert consultant, ce qui est largement concrétisé par le montant des primes de RCP. _ Au nom de la justice la plus élémentaire, cette différence doit se retrouver dans le montant des honoraires de base du spécialiste. _ Et quel que soit le mode de rémunération, cette revalorisation doit être appropriée et concrète. _ Or, à ce jour, dans vos discours et vos promesses, jamais un mot, jamais une allusion aux spécialistes libéraux, rappelons-le, en nombre égal avec les omnipraticiens généralistes. _ Sachez que votre responsabilité est immense, parce que la démographie des spécialistes, et surtout des cardiologues, va atteindre rapidement un niveau critique incompatible avec une prise en charge correcte des patients, alors qu’elle est déjà souvent insuffisante dans certaines régions, obligeant à de coûteux recours hospitaliers avec le corollaire du transport médicalisé ! _ Les jeunes se détournent de l’exercice libéral. L’exemple des seniors n’est plus enviable, ils sont découragés par une mise en place partisane du parcours de soins et une dévalorisation constante des honoraires. Citons à cet effet pour preuve le montant de la CSC, qui, autoritairement baissée peu après sa création, n’a rejoint sa valeur initiale, qu’au prix du rafistolage de la MCC. Plus de 10 ans sans augmentation ! Quel salarié l’accepterait ? _ Le pouvoir d’achat des spécialistes ne s’est maintenu, voire modérément élevé, qu’au prix d’une augmentation d’activité, tandis que la majorité des Français, profitait des 35 heures. _ La réforme de l’Assurance Maladie devait valoriser le rôle de l’omnipraticien, mais aussi celui du consultant. Cette valorisation n’est pas au rendez-vous et aucun de vos discours ne l’évoquent. _ Les spécialistes libéraux, et les cardiologues en particulier, sont très inquiets. Ils sauront lire et entendre vos projets les concernant, et ils attendent de connaître votre position à leur sujet. ■ _ Docteur Jean-François THÉBAUT, le 16 février 2007