L’intelligence artificielle et les bases de données

Les budgets colossaux outre-Atlantique impressionnent, mais sont en accord avec l’intérêt majeur que portent à la Santé les géants mondiaux du numérique. L‘IA est en première ligne et les données de Santé en ligne de front, elles sont la base logistique de la Santé de demain. Sans elles, point de salut.

Si vous y regardez de plus près, par exemple le Système National d’Information Inter-Régimes de l’Assurance-maladie (SNIIRAM), l’organisme qui collecte les remboursements de la Sécurité sociale de la population française, vous serez surpris de voir qu’elle travaille sur 20 milliards de lignes de prestations. Jusqu’à maintenant, cette base, ainsi que d’autres en France, n’était que peu ou pas sollicitée par des demandes extérieures, mais à l’avenir, tout va changer.

Les algorithmes et l’IA, à la demande de la Caisse Nationale de l’Assurance-maladie (CNAM), sont passés à l’action à la SNIIRAM, à des fins de statistiques (détection de médecins ou pharmaciens qui prescrivent trop facilement des substituts aux drogues, identification des médicaments qui augmentent le risque de chutes…) [1]

Mais cette masse de données ne sera pas suffisante pour l’Intelligence Artificielle, car l’IA a besoin de masses colossales de lignes, ce que l’on voit d’ailleurs bien dans le fonctionnement des GAFAM.

En France, les bases de données, si elles existent bien, n’ont pas de structures organisationnelles solides, exceptés certains secteurs comme la radiologie, la biologie et la génomie. Il ne faut pas non plus oublier la grande richesse des hôpitaux, des laboratoires, des universités,… mais sans ligne transversale ni interopérabilité, rien ne peut être possible.

Il y a également un autre problème – et de taille –, la protection des données qui, en France, dépend de la loi de janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (2) avec un encadrement strict. Même si toutes les informations de Santé collectés par des organismes publics ont été regroupées au sein du Système National des Données de Santé (SNDS), il faut transmettre demandes et dossiers aux organismes accrédités qui donneront leurs avis avant d’envoyer leurs conclusions à la CNIL qui donnera son accord (ou pas).

La compatibilité de l’IA avec la loi est donc difficilement conciliable, car l’un des intérêts de l’Intelligence Artificielle est justement d’être libre comme un électron et lancé sans objectif précis dans les méandres des lignes algorythmétriques

Le marché de la Santé connectée est évalué à 4 milliards d’euros d’ici deux ans uniquement en France. (3) Ce montant considérable doit faire prendre la mesure de ce que notre pays doit être en passe de réaliser afin de rester dans la course à l’Intelligence Artificielle et trouver son équilibre entre droit fondamental, éthique et collecte des données.

Il faut également que la France définisse une stratégie industrielle afin d’avoir une maîtrise complète de ces technologies déterminantes pour l’avenir et se tourner vers l’Europe pour son marché économique.

Pascal Wolff

(1) Les Echos
(2) www.cnil.fr
(3) D’après le bureau d’études Xerfi