Litiges à propos de la nomenclature : baisse régulière du nombre des conflits

313 – C’est à partir du début des années 1980 que le Syndicat des Cardiologues a aidé ses adhérents à déclencher systématiquement des procédures de contentieux vis-àvis des décisions de certaines caisses, qui réclamaient des reversements d’honoraires pour des cotations qu’elles estimaient indues. Les médecins conseils s’appuyaient en général sur des circulaires internes de la Sécurité Sociale qui exprimaient une interprétation particulière et restrictive de la nomenclature ou de ses dispositions générales.

L’un des rôles du Syndicat a été de démontrer devant les tribunaux que ces circulaires n’étaient pas opposables, qu’elles traduisaient simplement la position de l’une des parties, mais qu’elles n’avaient au départ pas davantage de poids que nos argumentations, qui, pour la plupart, ont été confirmées par les nombreux jugements que nous avons pu obtenir.

Le fichier des litiges donnant lieu à procédure est informatisé depuis 1994, ce qui nous permet d’en suivre l’évolution (cf. schéma ci-dessous).

On constate que le rythme est soutenu jusqu’à la fin des années 1990, avec des nombres annuels dépassant 50 jusqu’en 1994, ce qui représentait une ou plusieurs affaires à traiter chaque semaine.

Ces chiffres baissent à partir de 2000, tournant autour d’une vingtaine par an.

On constate un très net décrochage à partir de 2006 (8 litiges) et surtout 2007 (2).

D’une façon générale, la courbe est régulièrement décroissante depuis 1994.

Cette décroissance peut s’expliquer par trois facteurs : – une clarification de l’interprétation des textes, grâce à la jurisprudence que nous avons pu élaborer ; – la rédaction de certains paragraphes des dispositions générales de la C.C.A.M., que nous avons relues à la lumière des litiges de la N.G.A.P., afin d’éviter de nouveaux conflits d’interprétation ; – un changement d’attitude du contrôle médical des caisses.

Élaboration d’une jurisprudence

Celle-ci s’est constituée au fil des années. Notre fichier comporte une vingtaine de types de litiges, mais on peut identifier quelques grands thèmes dont le traitement judiciaire a permis ensuite la raréfaction des conflits. Sans cette action du Syndicat des Cardiologues, notre pratique aurait été profondément modifiée, et il est vraisemblable que nous n’aurions pas pu peser de la même façon sur la rédaction des nouvelles réglementations.

• Acte global _ (années 1980, début des années 1990)

La thèse des caisses était que, lorsqu’un acte important était pratiqué (implantation de pace-maker, coronarographie, angioplastie coronaire), celui-ci était considéré comme « acte global », conformément à l’article 8 des dispositions générales de la nomenclature, et les actes ultérieurs (par exemple, ECG, surveillances monitorisées) pratiqués par d’autres cardiologues, devaient être considérés comme inclus dans la cotation de cet acte global, et donc non rémunérés.

C’était la fin programmée de tout travail d’équipe en clinique, notamment avec l’arrivée de l’angioplastie primaire.

Il aura fallu 54 jugements dont 16 arrêts de la Cour de Cassation pour obtenir la disparition de ce type de litige.

• Actes pratiqués dans une même journée _ (années 1990)

Pour la plupart des caisses, des actes différents pratiqués dans une même journée étaient considérés comme ayant été faits dans la même séance, ce qui entraînait, en application de l’article 11B des D.G. de la nomenclature, une demi-cotation pour l’un des deux, et une gratuité pour les autres actes au-delà de deux. Cette conception très restrictive était un obstacle à la pratique de certains bilans en clinique : 14 jugements, dont 2 arrêts de la Cour de Cassation ont permis de confirmer que des actes pratiqués dans la même journée ne l’ont pas été forcément dans la même séance.

• Cumul C2 + ECG _ (milieu des années 1990)

Les caisses s’y opposaient et c’est grâce à 7 arrêts de la Cour de Cassation que nous avons pu obtenir une circulaire du contrôle médical national mettant fin à ce conflit en autorisant le cumul des deux cotations. Nous ne mentionnons que les contentieux les plus emblématiques, mais nous avons dû en fait intervenir pour la plupart des cotations utilisées couramment en cardiologie. Ces conflits, dont nous sommes aujourd’hui heureusement débarrassés grâce à notre constance, ont souvent été longs et durs. Devant la résistance de certaines caisses, nous avons dû adapter notre stratégie et demander systématiquement des indemnités au titre de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. C’est ainsi que le long feuilleton des ECG après implantation de pace-maker a pu trouver son terme après condamnation d’une caisse à verser des indemnités de 5 000 F par acte non remboursé.

Ces différentes décisions de justice ont apporté une clarification que les centrales syndicales (le Syndicat des Cardiologues a participé à ce travail) ont voulu transcrire dans les nouveaux textes lors des travaux préparatoires à la rédaction des dispositions générales de la C.C.A.M., ceci afin de limiter la nécessité de recourir aux tribunaux.

Transcription de l’expérience de la jurisprudence dans les dispositions générales de la C.C.A.M.

• Acte global

L’article I-6 des D.G. de la C.C.A.M. précise que la notion d’acte global concerne uniquement le médecin qui réalise l’acte.

C’est ainsi par exemple qu’après une angioplastie primaire dans un syndrome coronarien aigu, le cardiologue de garde qui prend ensuite en charge le malade peut coter ses honoraires sans risquer de se voir appliquer ce concept.

• Actes dans une même journée

L’article III-3 des D.G. de la C.C.A.M. prévoit désormais la possibilité, sous certaines conditions, de coter plusieurs actes à taux plein dans la même journée.

• Cumul C2 + ECG

Le « mode d’emploi » du C2, rédigé par un groupe de travail issu de la Commission de hiérarchisation des actes professionnels confirme dans son annexe 3 cette possibilité de cumul. Ce sont donc finalement vingt ans de combat syndical qui auront été traduits dans les textes.

Changement d’attitude de l’échelon national du contrôle médical des caisses

Nous ne sommes plus à l’époque où un médecin-conseil national déclarait que tous les médecins étaient des délinquants potentiels (c’est bien le terme « délinquant » qui avait été employé).

La politique actuelle est de traquer les véritables fraudeurs.

Cela n’empêche malheureusement pas encore des dérives locales de harcèlement au niveau de certaines caisses, comme en témoigne une malheureuse affaire récente en Ile de France. Certains succès ne font pas de bruit. Le Syndicat des Cardiologues, par son action permanente, a largement contribué à cette baisse spectaculaire du nombre de conflits à propos de la nomenclature.

Nous n’oublions pas les quelques confrères qui ont quand même été victimes de décisions injustes, mais la tendance générale est bien là.

Ce résultat a pu être obtenu grâce à la fois au travail dans la durée que permet un syndicat comme le nôtre mais aussi à la mobilisation des cardiologues qui, individuellement, ont régulièrement participé eux même à la prise en charge de leurs dossiers avec l’aide de leurs responsables syndicaux.(gallery)