L’observance au cœur des débats

L’observance – et les moyens de l’optimiser – a fait l’objet de colloques cet été et d’un récent rapport de l’IGAS. Avec un point de convergence : le système de santé français qui privilégie le curatif est peu adéquat au développement de l’ « adhésion » ou de l’ « alliance » thérapeutiques. 

L'observance au cœur des débats.
Dans 70 % des cas, le patient n’a pas compris soit son traitement, soit sa pathologie, preuve que le temps de l’écoute, de l’explication et de la compréhension n’existe pas. Monkey Business – Fotolia

L’observance était le thème d’un « atelier de prospective » de la 5e université d’été de la performance en santé, organisée à la fin de l’été à Tours par l’Agence Nationale d’Appui à la performance des établissements de santé (ANAP).

Citant une étude réalisée par IMS Health sur le sujet, le directeur général d’Observia, société de conseil expert et de solutions technique en matière d’observance, Geoffroy Vergez, a indiqué que l’observance est inférieure à 50 % dans la plupart des maladies chroniques. L’oubli n’étant en cause que dans 30 % des cas, dans 70 % des cas, la non-observance serait donc « volontaire » ou résulterait d’une « non-compréhension du patient ». La peur des effets secondaires et l’impression qu’un médicament est inutile – surtout dans les maladies non symptomatiques – peuvent expliquer l’abandon du traitement, comme la dépression ou le déni de la maladie, mais aussi l’incapacité cognitive à suivre un traitement.

Pour Geoffroy Vergez, ces abandons de traitement s’expliquent par le fait qu’en consultation « le temps de l’écoute, de l’explication et de la compréhension n’existe pas ». Et pourtant, « dans 70 % des cas, le patient n’a pas compris soit son traitement, soit sa pathologie ». Normal, puisque notre système de soins est « organisé pour traiter les patients à l’acte et non pour un suivi au long cours ». Or, les besoins de soins concernent de plus en plus des pathologies chroniques. « On a l’arsenal thérapeutique, mais il faut maintenant que les patients comprennent le “bénéfices/risques” des traitements et des parcours de soins », estime Geoffroy Vergez.

Et bien entendu, l’observance n’a pas trait qu’aux médicaments, mais s’étend aux règles hygiéno-diététiques et c’est pourquoi l’éducation thérapeutique « est extrêmement importante », selon le Pr Christine Sylvain, hépatologue, chef de service au CHU de Poitiers. Elle explique qu’une étude américaine sur les effets d’un dispositif électronique de suivi de l’observance a montré l’importance de « revoir le patient, discuter avec lui » pour mettre en évidence des éléments expliquant qu’il ait arrêté son traitement.

Pour elle, cette « consultation d’observance » serait un « espace de liberté » et de dialogue permettant au patient, par étapes, « d’assimiler tous les éléments de sa prise en charge » et devrait inclure, outre le médecin et son patient, les équipes soignantes et les associations de patients. Lesquelles ont d’ailleurs recommandé lors d’un colloque organisé fin juin par le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) de préférer au terme d’observance, qui suggère l’obéissance, celui d’ « adhésion thérapeutique ».

L’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), dans un rapport sur l’observance remis cet été à Marisol Touraine, préconise quant à elle de parler plutôt d’ « alliance » entre médecin et patient, dans une volonté de rechercher « le traitement le plus acceptable par l’un et par l’autre, en s’appuyant sur une double expertise, celle du médecin utilisant les données actuelles de la science et celle du patient qui vit les troubles dont il est affecté ». Pour développer cette alliance, l’IGAS recommande de promouvoir l’ETP qui doit être considérée « comme une composante de l’acte de soin » et à ce titre « faire l’objet d’un financement sur le risque, aussi bien à l’hôpital qu’en ambulatoire, au fur et à mesure que seront démontrés les gains d’efficience qu’elle permet, rendant possible son inscription à la nomenclature des actes ». Enfin, l’IGAS se prononce contre le remboursement des soins conditionné à l’observance thérapeutique. Si elle admet qu’il peut paraître « juste de réduite en tout ou partie l’effort de solidarité » pour un patient non observant, elle souligne que la mesure de l’observance est « difficile et souvent imprécise » et que les seuils d’observance « ne reposent pas toujours sur une argumentation scientifique incontestable ». En outre, l’IGAS souligne « le paradoxe de compliquer l’accès aux soins du patient en créant une barrière financière » et estime que la modulation du remboursement « assimilée à une sanction » pourrait être « perçue comme une injustice » alors même que les dispositifs d’amélioration de la qualité des soins reposent sur une incitation financière pour les professionnels de santé.