Loi Santé, attention aux dérives

Difficile aujourd’hui de savoir ce qui ressortira de la loi santé, aux termes des débats en cours au Parlement. Un chose est sûre, ce sera la troisième loi Santé votée en moins de 10 ans, un peu plus de stabilité ne nuirait pas.  Beaucoup moins sûr est de retrouver son ambition initiale de porter le plan Macron « Ma Santé 2022 », plan qui avait reçu à son annonce depuis l’Elysée le 18 Septembre 2018 un accueil plutôt favorable de l’ensemble de la Profession. Il en est ainsi de la réforme des études médicales avec la suppression du numerus clausus et la fin des ECN, la recertification, la graduation des hôpitaux en 3 niveaux avec la création des hôpitaux de proximité ouverts sur la ville. De même pour le développement d’un plan numérique ambitieux pour la Santé, de la télémédecine à la création d’une vaste plateforme de données de Santé, en passant par un espace dédié à chaque citoyen.

Mais la discussion à l’Assemblée nationale est soit court-circuitée par le recours à la procédure des ordonnances, soit noyée par le dépôt de nombreux amendements. Huit mesures dont la recertification, l’organisation des CPTS, la définition des hôpitaux de proximité et la modernisation des statuts des médecins hospitaliers, passeront par la voie des ordonnances. En même temps, pas moins de 1 300 amendements traduisant l’imagination débordante de nos députés, mais pas toujours leur compétence en la matière, ont été déposés et certains retenus par la Commission des Affaires sociales. 

Parmi eux certains vont dans le bon sens, comme le zonage par spécialités, l’obligation pendant l’internat d’un stage en zone déficitaire même si on peut penser qu’il sera par essence difficile d’application, la suppression de la possibilité pour les ARS de créer des CPTS en l’absence d’initiative des professionnels. La médecine spécialisée libérale est enfin reconnue à travers les équipes de soins spécialisés aux côtés des équipes de soins primaires. 

Mais que dire de la possibilité pour l’assuré qui n’a pas de médecin traitant, de saisir le directeur de sa caisse afin qu’un médecin traitant puisse lui être désigné parmi une liste de médecins de son ressort géographique ? 

Que dire aussi de permettre aux pharmaciens de dispenser des produits de santé de premier recours pour des situations simples en suivant des arbres de décision bâtis entre pharmaciens et médecins ?

Notre système de santé traverse une grave crise qui touche tant la médecine de ville que l’hôpital. On ne peut nier que ni l’accès aux soins, ni la qualité des soins, soient égales sur tout le territoire. Pour autant il ne faut pas se précipiter dans des fausses solutions en réponse aux sollicitations des carnets de doléances du grand débat et des médias. La solution n’est pas une sortie vers le bas où l’on confierait les tâches aussi cruciales que le diagnostic et la prescription, qui doivent rester du domaine exclusif du médecin, à des personnes qui n’en ont ni la formation ni la compétence. La liberté de choix du patient et du médecin est une valeur de notre société portée par la médecine libérale. Il serait plus opportun de s’appuyer sur son efficience et son expertise pour surmonter cette crise, que de la faire disparaitre au profit d’un modèle étatique qui a partout échoué. 

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