Louis Comfort Tiffany ou l’art du verre à sa perfection

331 – Christian Ziccarelli – Louis Comfort Tiffany, 1848-1933, fils de Charles Lewis Tiffany (fondateur de la célèbre maison Tiffany & Co. à New-York), se destina d’abord à la peinture. Après quelques années d’études à New-York, il gagne Paris (1868), capitale de l’art occidental et passage obligé pour tout artiste peintre. Il découvre l’orientalisme de Léon-Adolphe-Auguste Belly. Touché par l’exotisme, il se rend au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Egypte (dès juillet 1870). Rentré à New-York, Edward Moore, responsable de la création chez son père, joue un rôle déterminant dans le développement de son goût artistique. « Il l’initie à la philosophie du design, au savoir-faire “nippon” et surtout à l’esprit qui souffle derrière toute création (le mingei), soit le beau dans l’utile, pour rendre l’objet honnête, modeste le moindre ustensile domestique devenant une oeuvre d’art ».

 

Un peintre devenu verrier

Fasciné par la diffusion de la lumière à travers le verre, il voulut expérimenter ce matériau dynamique et s’entoura des meilleurs verriers de l’époque. Dans les premières années du XXe siècle, il existait des objets en verre créés par Tiffany pour toutes les circonstances de la vie quotidienne (vases en verre soufflé, vitraux, lampes et objets décoratifs). Dans chaque chef d’oeuvre se reflète l’amour de la nature (fleurs par milliers, papillons, libellules, anémones de mer, etc.). Ses créations sont influencées par l’art de Byzance et de l’Islam, mais aussi par l’esthétique japonaise, tout en s’affranchissant des liens avec la tradition. Chef du design américain, Tiffany est au coeur de nombreux mouvements artistiques de son époque, de l’Arts & Crafts, jusqu’à l’Art Nouveau et le Symbolisme.

 

Tiffany, le magicien du verre

Sa production de vitraux, à l’ornementation somptueuse, aux effets originaux et spectaculaires de la lumière et des couleurs, le place parmi les plus grands verriers de tous les temps. En créant des verres nouveaux, comme le verre plié, le verre drapé et strié, des fragments de verre en confettis sertis dans la pâte ou en superposant jusqu’à cinq couches de verres différents, il obtient des résultats étonnants.

En 1904, une page se tourne, le nouveau président des Etats-Unis, Théodore Roosevelt ordonne la destruction des aménagements intérieurs de la Maison Blanche réalisés par Louis Comfort Tiffany à la fi n du XIXe siècle. Affi chant un profond mépris pour « les modernes » qui ne sont que des « inventeurs sans formation de procédés artistiques », Louis C. Tiffany meurt oublié et incompris en 1933. _ « Devant un oeuvre de Tiffany le spectateur établit avec la pièce un rapport mystique qui tient non pas à un motif particulier ou à la délicatesse de ses formes, ni à sa valeur marchande, mais au matériau lui même. Malgré la forme solide et inaltérable de l’objet, on peut facilement imaginer la masse fl uide aux teintes changeantes qui s’étire et s’incurve sous l’action des fers du verrier ». Sa plus célèbre création, le verre « favrile », du latin fabrilis (fait à la main), est un verre dans lequel le maître introduit beaucoup de sels métalliques donnant un aspect iridescent à la matière.

La lampe toile d’araignée

La lampe Cobweb (vers 1902) allie une monture en bronze et un abat-jour en verre serti de plomb. Ce dernier a été dessiné par Clara Driscoll, chef de l’atelier féminin de la coupe du verre. Il illustre bien le goût de la créatrice pour les inventions complexes. L’exécution est longue et minutieuse car il faut découper et assembler d’innombrables petits morceaux de verre, créant une mosaïque colorée et chatoyante. Les filets diaphanes des toiles d’araignées et les branches de pommiers en fleurs composent, avec les jonquilles du pied, une évocation poétique du printemps. La prouesse technique de la fabrication de ce modèle en revient à un dénommé Cantrill. La popularité de ses lampes sera telle que la marque Tiffany deviendra un nom générique. Dès 1902, l’entreprise en propose près de trois cents modèles et adopte un mode de production en série. La malléabilité du bronze utilisé pour les pieds de lampe accentuait les formes organiques inspirées du style Art nouveau. ●(gallery)