Mehmed II le Conquérant de Constantinople

330 – Christian Ziccarelli – C’est deux jours après l’assaut final contre Constantinople que le sultân, acclamé par ses troupes, entre dans Sainte-Sophie, se prosterne en direction de la Mecque, proclamant ainsi la transformation de l’église en mosquée. Pendant trois jours et trois nuits, la ville est livrée à la soldatesque, on compte au moins quatre mille morts. Vingt cinq mille prisonniers, attachés deux par deux, sont emmenés dans le camp turc et réduits en esclavage.

L’Occident effaré, mais trop peu conscient du danger turc, apprend avec horreur la disparition de l’empire chrétien d’Orient, la fin d’un empire millénaire. Istanbul est née.

L’exposition « De Byzance à Istanbul, un port pour deux continents » nous a permis de revoir le portrait du sultân Mehmed II (école de Gentille Bellini).

Mehmed II le Conquérant (1432-1481)

Lorsqu’il conquiert Constantinople, Mehmed II n’a que 21 ans. Son enfance avait été malheureuse. Sa mère, Huma Hatun, probablement turque, esclave dans le Harem de son père Murad II, devient avec la légende une dame franque de haute naissance. Héritier du trône à la suite de la mort de ses deux frères aînés, il est confi é par son père aux plus grands érudits. On dit qu’au moment de son accession au trône il parlait couramment, turc, arabe, grec, latin, perse, hébreu. Véritable personnage de la Renaissance, il s’intéresse à la littérature, à la philosophie, à l’astronomie. Sultân à 19 ans, sous la tutelle de Halil Pacha, le grand Vizir, ami de son père, il est initié à l’art de gouverner. Mais très vite il montre son esprit d’indépendance et sa détermination à n’agir qu’à sa guise, avec une obsession : la conquête de Constantinople.

Le portrait de Mehmed II

Tout en étant un grand stratège, il se révèle aussi un amateur et un mécène des arts et des lettres. Il fi t venir à Constantinople des artistes italiens, dont Gentille Bellini. Celui-ci, frère de Giovanni Bellini, beau-frère de Mantegna, y séjourna pendant 15 mois (1479) et fi t de Mehmed II, un portrait célèbre, aujourd’hui à la National Gallery de Londres.

Celui présenté à l’exposition est de son école, mais ô combien ressemblant à l’original. En buste, de trois quarts sur un fond neutre, comme il sied à l’art du portrait à cette époque. Richement vêtu d’un caftan en brocart damassé, coiffé d’un turban blanc (on dit que le Prophète l’aimait et que les anges, qui aidèrent les musulmans à Badr, étaient coiffés de turbans blancs, couleur de paradis) et rouge (le pourpre était à Constantinople le symbole du pouvoir suprême), Mehmed II porte une longue barbe.

Un homme de son siècle…

Ses yeux perçants, scrutateurs, laissent percevoir de la méfiance. Tous connaissaient son caractère dissimulé. Son enfance lui avait appris à ne faire confiance à personne. Il était impossible de deviner ce qu’il pensait et n’avait aucun désir à se rendre populaire. Mais son intelligence, son énergie inspiraient le respect. Le regard volontaire, il ne se détournait jamais des tâches qu’il s’était lui-même assignées. Son nez fin crochu s’abaisse sur des lèvres pleines et sensuelles. « Son apparence rappelait, disait-on, celle d’un perroquet sur le point de croquer une cerise ».

Ce portrait n’évoque-il pas plutôt celui d’un aigle fondant sur sa proie ? Cet homme raffiné et cultivé savait aussi se montrer cruel. Il fit subir le supplice du pal au capitaine d’un navire vénitien qui avait refusé d’obéir à ses ordres et décapiter sur le champ, tout l’équipage. Lors de l’attaque de Constantinople, les janissaires avaient l’ordre d’abattre à coups de cimeterre tout combattant abandonnant son poste. Les habitants d’une ville refusant la reddition étaient soit passés par les armes soit mis en esclavage. Il gardait pour son propre sérail, les plus avenants des jeunes enfants. Il était l’archétype d’un homme de son époque ou cruauté et raffinement se côtoient. ●(gallery)

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